Les lobes frontaux

Maintenant que nous avons quelques éléments de vocabulaire propres à la description du système nerveux et que nous savons en distinguer les principaux lobes, il est possible de décrire les principaux rôles de chacun de ces lobes. Nous allons débuter par les lobes frontaux.

Les lobes frontaux sont très étendus et les travaux de recherche, en particulier les travaux d'imagerie cérébrale, montrent qu'ils sont impliqués dans un grand nombre de processus cognitifs. Parmi les plus marquants, on retrouve la motricité, la production du langage, la planification des actions et la gestion du temps, l'inhibition, les émotions et les interactions sociales, l'empathie ou encore le plaisir...

L'exemple ci-dessous est celui de Phineas Gage, l'un des premiers cas documentés en neuropsychologie et dont l'étude a permis de montrer le rôle des lobes frontaux dans la cognition sociale, la régulation des émotions ou la planification. En 1848, Phineas Gage était contremaître sur un chantier de chemin de fer. Suite à un incident, il se retrouve avec une barre en fer projetée en travers du crâne. Il survit miraculeusement à l'accident. Suite à cela, sa motricité et ses fonctions sensorielles sont normales à l'exception du fait qu'il a perdu l'œil gauche dans l'accident. Par ailleurs, son langage est préservé et il semblait, à l'époque de l'accident, que c'était le cas pour ses autres fonctions cognitives.

Toutefois, alors que Phineas Gage était décrit avant son accident comme un employé courtois, sérieux et fiable, responsable et respectueux des consignes et des personnes, il est décrit par la suite comme colérique et irrespectueux. Il n'est plus capable de réaliser son travail dans la mesure où il ne sait plus gérer son temps et où il délaisse régulièrement des tâches prioritaires au profit de tâches de moindre importances qu'il préfère. Dans d'autres situations, par exemple des situations d'interaction sociale ou de gestion d'argent, il montre également qu'il n'est plus capable d'anticiper les conséquences de ses comportements. Ainsi, le cas de Phineas Gage a permis de montrer l'implication d'une partie spécifique du cortex frontal, la partie orbito-médiane en l’occurrence, dans des processus cognitifs spécifiques, à savoir la régulation des émotions, la gestion des interactions sociales ou encore la prise de décision dans des situations avec un caractère émotionnel.

Le second exemple est celui d'un patient décrit en 1861 par le médecin français Paul Broca. Ce patient, M. Leborgne, est dans l'incapacité de produire du langage. Il ne peut en fait que prononcer la syllabe "tan", qu'il double en général, d'où son appellation de patient "tan tan". Il est arrivé dans l'institut dont s'occupe Paul Broca suite à un coup à la tête. De façon très intéressante, le patient de Broca comprend bien le langage qu'on lui adresse et son appareil bucco-phonatoire fonctionne normalement. En effet, les organes moteurs pour produire du langage sont fonctionnels. Il peut articuler et produire des sons puisque ses cordes vocales sont intactes.

Tout semble se passer comme si la commande centrale pour produire du langage était défaillante alors que tous les circuits et les organes plus périphériques sont tout à fait fonctionnels. En 1861, M. Leborgne décède et Broca a l'occasion de réaliser une autopsie de son cerveau. Il constate alors une lésion du cerveau au niveau de la partie postérieure de la 3e circonvolution frontale de l'hémisphère gauche. Broca conclut que cette région du cerveau est spécifiquement responsable de la production du langage. Il étudiera d'autres patients avec des troubles proches et à chaque fois, il sera en mesure de constater que cette région, au moins, est lésée.

Ainsi, on parle maintenant d'aphasie de Broca pour dénommer ce trouble de la production du langage et on l'associe à une lésion dans l'aire de Broca (aussi appelée zone ou région de Broca).

Remarque

Même si les travaux de Broca dans les années 1860 semblent clairement indiquer que la région responsable de la production du langage se situe dans l'hémisphère gauche au niveau de la partie postérieure de la 3e circonvolution frontale, on sait maintenant que chez une faible proportion de la population (environ 5%), cette région est en fait située dans l'hémisphère droit. Pour une proportion encore plus faible de la population, on n'observe pas de spécialisation hémisphérique et il est difficile de déterminer si l'aire de Broca est située dans l'hémisphère gauche ou bien dans l'hémisphère droit. Ces cas atypiques sont le plus souvent observés parmi les personnes gauchères ou bien ambidextres.