Exercice : Comprendre
Dans chaque question, on vous propose à nouveau une phrase que l'on a choisie aussi brève que possible. Pour chacune d'entre elles, il vous est demandé de choisir ce qu'elle pourrait vouloir exprimer en plus de ce qu'elle exprime de manière explicite.
ATTENTION : comme précédemment, il peut y avoir plusieurs contenus implicites à cocher.
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Cette fois encore, les phénomènes que vous allez rencontrer sont assez variés. On commence par ce qui semble être de simples signes de ponctuation, mais qui sont en fait la marque de types de phrases différents. Ensuite on verra des marques sur les verbes, modes ou temps, dont un qui se repère à son absence (l'indicatif présent, caractérisé par le fait qu'il ne comporte aucune marque de temps ou de mode). Enfin on verra un type de connecteur, aux effets implicites particulièrement intéressants.
À chaque fois les questions posées sont brèves mais les explications fournies sont plutôt longues. Ne vous inquiétez pas, tout est toujours récapitulé de manière synthétique à la fin.
LÀ ENCORE, IL EST TRÈS IMPORTANT QUE VOUS LISIEZ ATTENTIVEMENT LE CORRIGÉ : C'EST DANS LE CORRIGÉ QUE VA VOUS ÊTRE EXPLIQUÉ TOUT CE QU'IL FAUT SAVOIR POUR ARRIVER À IDENTIFIER LES IMPLICITES QUI SE NICHENT DANS LES FORMES ET DANS LES TYPES DE PHRASES QU'ELLES PERMETTENT DE CONSTRUIRE. POUR TROUVER LE CORRIGÉ, CLIQUEZ SUR |
Il m'aime !
Qu'est-ce que cette phrase laisse entendre avec son point d'exclamation ?
Votre choixChoix attenduRéponse
Cette exclamation ne suffira jamais à dire ni la réciproque (« Je l'aime »
), ni quelque fait qui pourrait être en relation avec l'amour présumé (qu'"il" m'ait invité en vacances par exemple). Elle est compatible avec l'une comme l'autre, et ceux-ci peuvent parfaitement faire l'objet d'une affirmation parallèle. Mais il s'agirait bien alors d'affirmations explicites et non pas de sous-entendus que l'exclamation aurait suffi à faire entendre.
En revanche, l'exclamation peut signifier la surprise, même si ce n'est pas toujours le cas et si elle peut aussi signifier l'insistance par exemple, face à quelqu'un qui nierait l'amour en question : alors que les assertions marquent que le contenu asserté est non attendu par autrui, les exclamations font entendre que le locuteur lui-même ne s'attendait pas à ce que ce contenu se vérifie.
Par ailleurs les exclamations marquent nécessairement que le fait dont il est question produit des effets sur la personne qui s'exprime, que celle-ci s'en trouve ravie comme proposé ici, ou indignée voire déçue comme ce pourrait être le cas aussi. En tout état de cause, il ne pourrait y avoir indifférence.
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Si on récapitule :
EXCLAMATION : Le contenu d'une exclamation est présenté comme étant inattendu pour chacun, et comme induisant un ressenti, positif ou négatif, pour la personne qui s'exprime.
→ ATTENTION : Les points d'exclamation peuvent aussi avoir une toute autre fonction, où il n'est pas question d'inattendu ou de ressenti : on les utilise par exemple après les formes à l'impératif, et plus généralement dans les ordres, les demandes, les mises en gardes ou même les simples conseils. On en voit un exemple juste après.
Laissez-moi travailler !
Un autre point d'exclamation, mais avec une autre valeur : il s'agit d'exprimer une demande. Reste qu'une telle demande est lourde d'implicite. Qu'est-ce qu'elle fait entendre ?
Votre choixChoix attenduRéponse
En exprimant cette demande, on fait entendre de manière implicite que ce qui est demandé n'est pas pour l'instant réalisé : je peux vouloir qu'on me laisse travailler alors que je n'ai pas réussi à m'y mettre et que c'est encore un simple souhait ; je peux le vouloir alors que je travaille déjà, mais que certains veulent m'interrompre ; mais de toutes façons, en disant cela, je prend pour acquis que certains actuellement ne veulent pas me laisser continuer ou commencer à travailler.
Si personne n'envisageait de m'empêcher de travailler, la demande paraît déplacée, voire calomnieuse.
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On appelle injonctions les ordres, mais aussi les demandes, les mises en garde ou les simples suggestions ou conseils : tout ce qui vise à ce que quelque chose se réalise.
Les injonctions ne marquent pas la surprise, elles ne supposent pas nécessairement un ressenti positif ou négatif quant à ce qui est envisagé. En revanche, elles font nécessairement entendre que ce qui est demandé ou proposé n'est pour l'instant pas réalisé.
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Elles peuvent prendre la forme d'un impératif comme ici mais aussi d'un infinitif (« Entrer sans frapper »
). Elles peuvent utiliser un verbe comme devoir ou pouvoir (« Elle doit sortir ! »
, « Elle peut sortir ! »
). Elles peuvent même conserver la forme d'une simple phrase affirmative, dès lors que l'intonation est injonctive (« Il s'en va maintenant ! »
).
Lorsqu'elles portent sur des objets ou des individus, elles peuvent prendre la forme d'un simple groupe nominal (« Ma bière ! »
, « Silence ! »
), souvent avec un déterminant marquant une quantité (« Une bière ! »
, « Un peu de silence ! »
, « Assez de mépris ! »
).
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Si on récapitule :
INJONCTION : Ce qui est demandé, suggéré ou envisagé est implicitement donné comme étant actuellement non vérifié. Si ce n'est pas le cas, l'injonction sera prise sinon comme calomnieuse, du moins comme nettement déplacée.
Il est là ...
Et celui-ci, avec ses points de suspension, qu'est-ce qu'il peut suffire à faire entendre ?
Votre choixChoix attenduRéponse
En milieu de texte, les points de suspension peuvent servir à ménager un temps de réflexion, à marquer une hésitation, ou à introduire un changement de rythme, revirement ou conséquence inéluctable.
En fin de phrase, ils servent cependant surtout à faire entendre que l'on ne dit pas tout ce que l'on pourrait dire sur le sujet. Dans une énumération, ils marquent seulement que l'énumération n'est pas close, et qu'elle comporte d'autres éléments que ceux qui ont été cités. Hors énumération, ils ont une valeur implicite qui est de faire entendre que le destinataire devrait pouvoir comprendre de lui-même ce qui est en jeu et ce qu'en pense la personne qui s'exprime ainsi : "Je n'ai pas besoin de te dire ce que j'en pense", ou "je n'ai pas besoin de te dire ce que cela veut dire, tu l'imagines aisément".
Ici, ils peuvent suffire à indiquer mon sentiment, qui sera plutôt un sentiment négatif : cela ne me réjouit pas. Et ils peuvent suffire à indiquer les conséquences, que ces conséquences soient déjà explicitées dans le contexte ("tu voulais lui parler, il est là, vas-y"), ou qu'elles soient laissées vagues ("il va falloir faire avec"). Mais dans les deux cas, sentiment ou conséquences, elles sont présentées comme allant de soi, et comme pouvant être aisément comprise par le destinataire avec lequel "je" présuppose entretenir une forme de connivence.
En revanche, contrairement aux points d'exclamation, les points de suspension ne marquent ni étonnement, ni surprise de la part de la personne qui écrit. Simplement, comme dans toute assertion, la présence de "il" sera donnée soit comme une information nouvelle allant contre les attentes du destinataire ("tu pensais qu'il ne viendrait pas"), soit comme une forme de rappel à l'intention d'un destinataire qui l'aurait oubliée.
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Si on récapitule :
POINTS DE SUSPENSION : En fin de phrase, les points de suspension servent souvent à laisser entendre que le destinataire saura comprendre de lui-même ce que peut le locuteur veut dire.
→ ATTENTION : De manière générale, il faut éviter de supposer un tel lien de connivence avec le destinataire qui ferait qu'il partage nos points de vue et qu'il peut comprendre ce que l'on veut dire sans avoir à le lui dire. Les points de suspension de connivence sont à proscrire dans un écrit soutenu où l'on s'adresse à quelqu'un sans préjuger d'une quelconque relation de familiarité.
On écrirait.
On en vient à des marques de temps ou de modes. Ici un conditionnel. Que peut-il faire entendre ?
Votre choixChoix attenduRéponse
La phrase proposée est difficile à imaginer hors contexte : elle s'intégrera nécessairement dans un texte où l'on a préalablement, implicitement ou explicitement, envisagé une situation à laquelle elle s'applique ; elle peut aussi servir de point de départ pour la description à suivre d'une situation fictive dans laquelle on écrirait. Dans le deuxième cas, on imagine par exemple un jeu d'enfants où on amorce la scène à jouer par un tel conditionnel (le fameux « Je serais le voleur »
).
Le conditionnel fait donc bien entendre que l'écriture dont il est question s'applique à un certain nombre de conditions qui sont celles qu'on a évoquées au préalable, à moins qu'elle ne définisse elle-même les conditions fictives dans lesquelles on se situe, en quel cas elle s'entend comme une amorce dont on peut imaginer les conséquences.
En tout état de cause la phrase fait entendre que ces conditions ne sont pas réunies : si l'on dit « On écrirait »
, c'est que selon toutes probabilités on n'écrit pas en ce moment. On pourrait neutraliser cette interprétation avec un quand même : « On écrirait quand même »
. Mais hors neutralisation, l'implicite est bien que les conditions ne sont pas actuellement réunies.
En revanche, le conditionnel n'exprime aucun jugement sur la nécessité ou le bien fondé de l'écriture évoquée : ce n'est pas avec un conditionnel que l'on exprimera implicitement qu'il faut écrire.
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Si on récapitule :
CONDITIONNEL : Il peut être employé dans des contextes variés et avec des valeurs variées. De manière générale cependant, il indique toujours d'une façon ou d'une autre que le fait dont il est question dépend de conditions extérieures, qui ne sont pas les conditions actuelles.
Piles et batteries, ça rime avec tri.
Des formes presque invisibles maintenant : un "présent de l'indicatif" à valeur générale et un pronom ça à valeur générale aussi. Il s'agit d'un slogan dans une campagne de sensibilisation, avec en plus un jeu de mots. Qu'est-ce qui nous est dit implicitement au travers de ce jeu de mots ?
Votre choixChoix attenduRéponse
Il y a dans ce slogan un jeu de mots avec le verbe rimer, dont le sens premier s'applique à des mots rimant ensemble (quand leurs dernières syllabes sont identiques ou proches), mais qui peut renvoyer de manière métaphorique à toutes sortes de faits ou d'objets dont on considère qu'ils doivent être associés. Le nom rime quant à lui ne garde que le premier sens.
Ce slogan n'oppose pas les batteries aux piles bien que seul le mot batterie rime avec le mot tri. Il ne vise pas à prôner la pratique des rimes : le verbe rimer est pris dans le second sens, et il s'agit bien d'associer les piles et les batteries à la pratique du tri.
En revanche, ce slogan, qui paraît énoncer une propriété générale des piles et des batteries, est bien une injonction : il s'agit que "nous" ou "vous" (selon que l'annonceur s'inclut ou ne s'inclut pas dans l'incitation) procédions de fait au tri de nos piles et batteries.
Il est fréquent qu'un énoncé à portée générale s'interprète ainsi comme une injonction, un ordre ou au moins un conseil : l'énoncé fait entendre de manière implicite que la règle générale doit être mise en application dans les cas concernés.
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Si on récapitule :
ÉNONCÉS GÉNÉRAUX : Un énoncé général peut être une façon implicite d'énoncer une injonction.
Mais la pluie ne cessait pas.
On en vient à un dernier genre de formes : les connecteurs, et en l'occurrence une conjonction comme mais marquant l'opposition. Que peut faire entendre une telle marque d'opposition ?
Votre choixChoix attenduRéponse
La proposition qui suit mais doit s'opposer à quelque chose. Le fait que la pluie ne cesse pas s'oppose à ce qui était prévu ou voulu. Il était donc prévu ou voulu que la pluie cesse.
Peut-être voulait-on par ailleurs savoir si la pluie avait cessé. Mais qu'elle ne cesse pas ne s'oppose pas à cette volonté de savoir.
Par ailleurs, qu'elle ne cesse pas ne signifie en rien que c'est une grosse pluie : ce peut être une petite bruine qui dure.
Mais n'est pas le seul connecteur à avoir ce type d'effet. Nombre de connecteurs marquant l'opposition l'ont encore plus régulièrement : pourtant, cependant, néanmoins, et aussi les conjonctions comme quoique, bien que, encore que. Tous supposent, lorsqu'ils relient deux propositions, que l'une entraîne normalement que l'autre ne se réalise pas.
« Bien qu'il soit riche, il n'est pas méchant »
laisse entendre que les riches sont généralement méchants.« On lui a parlé. Pourtant, il ne nous a pas écouté »
laisse entendre que normalement quand on parle à quelqu'un, il écoute.
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Si on récapitule :
OPPOSITIONS : Lorsque deux propositions sont reliées par un connecteur marquant une opposition, le connecteur laisse entendre de manière implicite une loi générale selon laquelle l'une de ces propositions devrait normalement entraîner que le contraire de l'autre se réalise.
Voilà, à nouveau beaucoup de points à retenir sur les différentes formes qui peuvent être utilisées pour faire entendre plus que ce que l'on ne dit. ∞∞∞∞∞∞ Refaites peut-être une fois l'exercice pour vérifier que vous retrouvez à peu près les bons sous-entendus. Relisez surtout les explications pour vous remettre en tête ce qui a été vu sur les significations implicites des points d'exclamation et des points de suspension, sur celles qui sont associées aux différentes formes d'injonction, sur la prise de distance que peut marquer le conditionnel, sur les non-dits derrière une phrase générale, sur les implicites qui se nichent derrière les marques d'opposition. Passez alors à la suite : dans l'exercice suivant, vous allez pouvoir vérifier que vous avez bien compris tout ce qui a été expliqué. |