Section 5. La différenciation des produits

1. Définition et origines de la différenciation

Vidéo - la concurrence monopolistique


Définition: La différenciation des produits désigne une situation où les consommateurs considèrent le produit offert par chaque producteur comme spécifique à cette entreprise et donc différent, sous certains aspects, des produits offerts par ses concurrents sur le marché.

L’existence d’une forme de différenciation des produits implique par conséquent le non-respect de la condition d’homogénéité sur un marché.


La différenciation des produits est une caractéristique aujourd’hui très répandue, induite à la fois par les conditions de la demande et  par les stratégies des producteurs sur les marchés.

♦ Du côté de la demande, la clef de la différenciation des produits réside dans l’existence d’une forte préférence pour la diversité chez les consommateurs, qui combine une demande de spécificité des produits et de variété de l’offre.

L’évolution des modes de consommation montre d’abord une demande croissante de spécificité des produits. Suivant la nouvelle théorie du consommateur de Kelvin Lancaster, diffusée à partir des années 60, un produit peut en effet être conceptualisé comme un « vecteur de caractéristiques », c’est-à-dire un ensemble d’attributs (couleur, design, fonctionnalités, taille…) dont les consommateurs tirent leur satisfaction.  Ce n'est pas le smartphone lui-même qui fournit une satisfaction à son possesseur, mais les services rendus par tel modèle sous forme d’ergonomie, d’OS, de réactivité, d’autonomie...autant d’attributs appréciés subjectivement par les consommateurs en fonction de leurs besoins. Sur de tels marchés, les consommateurs ne demandent pas directement « un produit » mais plutôt un ensemble spécifique d’attributs.

En plus de cette demande de spécificité, les consommateurs peuvent manifester une demande de variété. Même pour un produit ne possédant qu’un seul attribut différenciant (par exemple la couleur), une certaine variété est souvent demandée par les consommateurs afin de réduire la probabilité d’acquérir un bien strictement identique aux autres.

Du côté de l’offre, les stratégies de différenciation du produit sont mises en œuvre par les entreprises pour  réduire la pression concurrentielle pesant sur elles et s’assurer ainsi un pouvoir de marché. Une stratégie de différenciation réussie permet en effet à une entreprise d’échapper à la concurrence pure en prix : à la différence de la concurrence pure et parfaite, la fixation  de son prix de vente au-dessus de celui de ses concurrents n’entrainera pas une annulation de la demande, mais seulement une réduction de celle-ci.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une partie des consommateurs exprime une préférence  pour la variété produite par l’entreprise plutôt que pour les substituts proposés par la concurrence. Ces consommateurs en quelque sorte « captifs » ont une disposition à payer un prix plus élevé pour obtenir cette variété plutôt qu’une autre. L’entreprise possède donc vis-à-vis de ces consommateurs un pouvoir de monopole « local », c’est-à-dire limité à cette variété du produit sur le marché.

En cas de différenciation réussie, une entreprise fait donc face, du fait de son pouvoir de marché,  à une courbe de demande à l’entreprise de pente négative. Sa fonction de recette marginale se situe donc toujours en dessous de sa fonction de demande, comme en monopole.


Les entreprises mettent en œuvre deux types de stratégie de différenciation : 

La  différenciation horizontale renvoie à des différences subjectives de perception du produit ou à des différences de localisation. La différenciation subjective s’appuie sur l’utilisation de la publicité et de « l’image de marque » pour fidéliser une partie des consommateurs, sans que le produit ne présente de différences de qualité objective (c’est-à-dire reconnue de la même manière par tous les consommateurs) avec les variétés concurrentes. Les firmes proposent dans ce cas des biens de qualité identique mais aux caractéristiques différentes.

L’une des formes les plus courantes de la différenciation horizontale est induite par la localisation des points de vente. L’exemple célèbre de Hotelling (1929) considère deux  vendeurs de glace (identiques) sur une plage. La proximité des plagistes au vendeur le plus proche procure à ce dernier un « monopole local » lui permettant de vendre ses glaces à un prix plus élevé que son concurrent plus éloigné, en raison du coût de déplacement.

♦  La différenciation verticale renvoie à des différences objectives dans les attributs de qualité et/ou de fonctionnalité d’un produit. Dans ce cas tous les consommateurs partagent une même hiérarchisation des différences observables dans les attributs d’un bien sur le marché. Cette forme de différenciation se traduit par l’offre de différentes « gammes » de produits sur le marché.