2. Les barrières à l’entrée : formation et maintien des oligopoles

Un oligopole résulte souvent d’un processus de concentration de l’offre d’un secteur, qui se traduit à la fois par la disparition des firmes les plus petites, leur absorption par des entreprises plus importantes  et la croissance interne de ces dernières.

La concentration d’un secteur se mesure habituellement en calculant la part de marché cumulée des x entreprises les plus importantes d’un secteur. Plus cette part est importante, plus la concentration du secteur est marquée.

Mais la concentration n’explique pas véritablement l’existence d’un oligopole, n’étant elle-même qu’une conséquence de causes économiques plus profondes : pourquoi ce processus de concentration se produit-il dans certains secteurs et pas dans d’autres ?

L’origine véritable des oligopoles tient à l’existence de barrières à l’entrée du marché. Ces barrières sont de trois types principaux :

Les barrières à l’entrée légales (BEL) sont érigées sur décision d’une autorité publique limitant le nombre d’opérateurs sur un marché par une décision de nature législative ou réglementaire. Cette décision est toutefois souvent motivée par l’existence de barrières à l’entrée naturelles.

♦ exemple : En France, l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes) a décidé de limiter à 4 le nombre d’opérateurs de téléphonie mobile (à date de 2020).

Les barrières à l’entrée naturelles (BEN) limitent le nombre de producteurs sur le marché en raison de caractéristiques économiques et technologiques du secteur. Il existe deux types de BEN : les économies d’échelle et les avantages absolus de coût.

Lorsqu’un secteur est soumis à d’importantes économies d’échelle, chaque firme doit atteindre un volume de production significatif (par rapport à la demande agrégée) pour atteindre « la taille optimale » correspondant au minimum du coût moyen de longue période. Le marché ne peut donc durablement supporter qu’un petit nombre de firmes pouvant atteindre simultanément la taille minimale permettant d’exploiter totalement les économies d’échelle.

Les avantages absolus de coût permettent aux firmes déjà installées depuis longtemps sur un marché de produire n’importe quelle quantité à un coût unitaire nettement plus faible qu’un entrant potentiel. Cela signifie précisément que les courbes de coût moyen et marginal de longue période des firmes installées sont situées systématiquement en dessous des courbes correspondantes des entrants potentiels.

Cette situation se produit notamment dans les industries nécessitant une longue période d’apprentissage pour maitriser parfaitement les savoir-faire en matière de production ou de commercialisation des produits : les firmes installées ont accumulé pendant des années une expérience leur permettant d’abaisser progressivement leurs coûts de production.

Les barrières à l’entrée stratégiques (BES) constituent une  troisième source de protection des firmes installées vis-à-vis de la concurrence potentielle. Dans ce cas, les firmes installées adoptent des stratégies de prix ou de production visant à décourager l’entrée sur le marché. Ces barrières n’existent donc qu’en raison de l’adoption par les entreprises d’une stratégie de prévention d’entrée, ce qui les différencie des deux catégories précédentes.

La  stratégie du surinvestissement  est une stratégie de prévention bien connue et étudiée par A. Dixit (1980). Elle  consiste pour les firmes installées à se doter de capacités de production excédentaires par rapport à la demande du marché. Ces capacités s’apparentent à un gaspillage de ressources mais servent en réalité à signifier aux concurrents potentiels qu’en cas d’entrée les opérateurs installés ont la capacité d’augmenter très rapidement la production pour « inonder » le marché et faire chuter le prix, infligeant ainsi de lourdes pertes aux entrants.