Exercice : Comprendre
On commence par quatre phrases, qui évoquent toutes, d'une façon ou d'une autre, le fait qu'une personne fume ou ait fumé. Ces quatre phrases sont les quatre exemples les plus connus de présupposition véhiculée par des verbes : les quatre verbes mis en gras ont tous pour particularité de doubler d'un présupposé la phrase dans laquelle ils apparaissent.
À vous d'identifier ces présupposés. Pour ce faire, considérez les phrases en italiques et demandez-vous systématiquement ce que chacune prend pour acquis.
Il ne fumait pas jusqu'à présent. Jusqu'à présent il fumait. À cette époque, il fumait. Il ne fumait pas à cette époque. Plus d'éléments à catégoriser | Il a cessé de fumer. Déposez ici Malheureusement il a commencé à fumer. Déposez ici Elle se doute qu'il fumait à cette époque. Déposez ici Elle s'imagine qu'il fumait à cette époque. Déposez ici |
Il y a dans cet exercice un petit chassé-croisé : dans certains cas est présupposé que la personne désignée par "il" fumait, dans d'autres est présupposé au contraire qu'elle ne fumait pas.
Pour que quelqu'un puisse cesser quelque chose, il faut qu'il se soit adonné à ce quelque chose à une époque antérieure : par conséquent en disant ou en écrivant
« Il a cessé de fumer »
, on présuppose que la personne dont il est question fumait avant de cesser ; faute de quoi elle n'aurait pas pu cesser.De même, en disant ou en écrivant
« Il a commencé à fumer »
, on présuppose qu'"il" ne fumait pas jusqu'à ce moment ; faute de quoi ce ne serait pas un commencement.Ainsi, avec ces deux phrases, on semble parler du présent, mais on dit aussi, de manière implicite, quelque chose sur le passé, qui n'a rien d'évident en soi, et que l'on présente comme acquis. Si d'aventure il se trouvait que la personne dont on dit qu'elle a cessé de fumer, n'a jamais fumé, la phrase serait très malvenue, et la personne concernée pourrait se plaindre qu'on répande ainsi des contre-vérités sur son compte.
On voit que ces verbes <cesser> et <commencer> ont un fonctionnement analogue à celui des adverbes <encore> ou <ne...plus> : ils véhiculent des présupposés sur la situation antérieure à ce dont on est en train de parler.
Les verbes pronominaux[1] <se douter> et <s'imaginer> décrivent d'abord le sentiment que peut avoir la personne concernée quant à l'objet sur lequel ils portent ; en l'occurrence dans les deux cas, le sujet désigné par "elle" pense qu'
« il fumait à l'époque »
. La différence cependant entre ces deux verbes est que le premier laisse entendre qu'elle a raison, tandis que le second laisse entendre qu'elle a tort :si on dit qu'une personne
« se doute »
de quelque chose, on dit que ce quelque chose est avéré, que la personne en question ne le sait pas de manière certaine, mais qu'elle pense que cela risque d'être le cas ;si on dit qu'une personne
« s'imagine »
quelque chose, on dit que cette chose est dans la seule imagination de cette personne, et donc non avérée.
Dans les deux cas, il y a donc d'un côté ce que cette personne pense, et de l'autre ce que pense ou sait celle ou celui qui parle ou écrit. Simplement celle ou celui qui parle ou écrit présente ce qu'il ou elle pense comme étant de l'ordre de l'évidence : cela ne mérite même pas d'être dit explicitement, c'est seulement présupposé.
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On voit ainsi qu'avec de tels verbes, il est tout à fait possible de faire passer des opinions qui n'ont rien d'évident, mais que l'on présente comme étant évidentes.
Il est d'autant plus important de savoir diagnostiquer ces cas de présupposition. Pour vous habituer au raisonnement, on propose encore un exercice avec des exemples du même ordre que ceux que l'on vient de voir. À vous de jouer !