Les neurosciences cognitives au quotidien
Au delà des connaissances fondamentales et de leurs applications dans le domaine de la neuropsychologie, les neurosciences (cognitives) constituent une discipline qui est actuellement de plus en plus médiatisée auprès du grand public et de plus en plus présente dans nos vies quotidienne, que ce soit dans les magazines, les média télévisés ou Internet, au cinéma ou bien dans des secteurs tels que le marketing, la justice et le droit ou encore l'éducation. Très souvent, les conclusions des études scientifiques sont largement exagérées, voire tronquées. Quelques connaissances dans le domaine vous permettront de vous mettre à l'abri d'interprétations hâtives et d'une certaine forme de neuroréductionnisme.
Le neuromarketing
Le neuromarketing s'appuie sur les connaissances et les méthodologies des neurosciences cognitives dans l'objectif de vendre des produits ou des idées. Il s'agira par exemple d'utiliser des techniques d'imagerie cérébrale afin de regarder si tel ou tel emballage d'un produit du commerce conduit à activer des régions cérébrales impliquées dans le circuit cérébral du plaisir. Il peut également s'agir de regarder, avec un protocole similaire, si des slogans ou des photos d'une personnalité politique conduisent à l'activation de régions du cerveau impliquées dans les émotions positives ou bien négatives - et de se servir de ce résultat à des fins de propagandes politiques !
Avant l'émergence de l'imagerie cérébrale, ce sont d'autres techniques en psychologie expérimentale (technique d'eye-tracking, temps de réaction, psychophysiologie sensorielle...) qui ont été utilisées avec déjà ce même objectif qui était de manipuler le comportement d'acheteurs ou éventuellement d'électeurs.
Le neurodroit
Dans le cas du neurodroit, il s'agit d'utiliser les connaissances et les méthodologies des neurosciences dans le secteur judiciaire. Différentes applications peuvent être faites à ce niveau et constituent un réel débat de société, voire un danger compte tenu du fait que les connaissances dans ce domaine sont encore très incomplètes. De plus, comme nous le verrons plus tard, les techniques d'imagerie cérébrale sont très loin de "lire dans les pensées" comme le titre pourtant régulièrement certains médias.
Exemple :
Dans l'exemple ci-dessous, le scientifique américain Kent Khiel parcours les États-Unis et leurs pénitenciers avec une machine IRM mobile (l'IRM est une technique d'imagerie cérébrale). Il observe l'anatomie et le fonctionnement du cerveau de personnes condamnées pour des crimes. S'il découvre par exemple une tumeur dans les parties frontales du cerveau, dont on sait qu'elles sont impliquées dans la gestion des émotions et l'inhibition des comportements, cela peut constituer un élément amenant à réviser le procès du criminel.
Complément : Pour aller plus loin sur le neurodroit en France
Oullier, O., & Sauneron, S. (2012). Le cerveau et la loi : éthique et pratique du neurodroit. Centre d'analyse stratégique.
Disponible ici
Dans d'autres cas, il est question d'utiliser l'imagerie cérébrale à la façon d'un détecteur de mensonge, c'est-à-dire en observant le fonctionnement du cerveau d'une personne soupçonnée d'un crime pendant qu'on lui pose des questions sur ce crime ou bien qu'on lui donne à observer des éléments de la scène de crime. L'idée sous-jacente est que l'on commence à savoir différencier l'activité cérébrale d'une personne en train de mentir de l'activité cérébrale d'une personne qui dit la vérité. En effet, dans les deux cas, ce ne sont pas exactement les mêmes régions du cerveau qui fonctionnent. Toutefois, le problème majeur derrière cette utilisation, tout comme il existe dans le cas du détecteur de mensonge classique, est celui des faux positifs et des faux négatifs. C'est à dire que dans certains cas l'activité cérébrale d'un innocent pourra être confondue avec celle d'un coupable (sous l'effet du stress par exemple), et dans d'autre cas l'activité cérébrale d'un coupable ne traduira pas sa culpabilité (parce qu'il est entraîné au mensonge par exemple). Dans les deux cas, il y a un risque d'erreur que l'on ne peut absolument pas prendre s'il s'agit de condamner (à mort parfois) un accusé. On peut donc regretter que certains pays considèrent ou utilisent déjà ce type d'analyse...
La neuroéducation
Pour la neuroéducation, il s'agit d'utiliser les découvertes des neurosciences cognitives dans le domaine des apprentissages, de la mémoire, du développement cognitif ou encore de l'attention et de la motivation, afin de les appliquer aux questions d'éducation. Comme dans les domaines précédents, certaines mises en application peuvent être intéressantes, d'autres sont pour le moins inquiétantes, surtout lorsqu'elles sont issues de sociétés commerciales.
Exemple :
Dans l'exemple ci-dessus, il est montré un certain nombre de produits, sous forme de logiciels multimédia pour de très jeunes enfants, ou sous forme d'une ceinture pour exposer le bébé in utero à des musiques, de manière à développer leur cerveau et leur intelligence. Des études en psychologie du développement ont montré que le principal effet sur le développement de l'enfant est surtout celui des interactions avec son environnement physique et social réel. Les logiciels multimédia comme ceux illustrés ici ont, au mieux aucun effet, au pire des effets négatif sur le développement.