2. Les origines des monopoles

La situation de monopole résulte de l’existence de barrières à l’entrée empêchant l’entrée durable de concurrents sur le marché.  Il faut toutefois distinguer les barrières à l’entrée formelles, d’origine juridique, qui rendent légalement impossible l’entrée de nouveaux concurrents, et les barrières à l’entrée économiques. Dans ce second cas, aucun élément juridique n’empêche l’entrée de nouvelles firmes sur le marché, mais les conditions économiques du secteur ne permettent pas une entrée durablement soutenable pour des concurrents.  Ces deux types de barrières coexistent souvent dans la situation d’un marché.

Ces barrières résultent de 4 situations très différentes :

a)      Le monopole légal résulte de l’existence de barrières législatives ou réglementaires interdisant la production ou la distribution du bien par un autre opérateur. La décision d’octroyer un monopole à un opérateur résulte en général soit de considérations régaliennes, soit de motifs économiques qui relèvent des deux catégories suivantes

b)      Le monopole d’innovation résulte de la commercialisation par une entreprise d’un nouveau produit qu’aucune autre entreprise n’est en mesure de proposer. Selon l’analyse proposée par Joseph Schumpeter, l’obtention d’une rente de monopole constitue la principale motivation des stratégies d’innovation des firmes. A la différence des monopoles légaux ou naturels, les monopoles d’innovation sont toujours de nature temporaire : tôt ou tard, d’autres concurrents imitateurs ou suiveurs entreront sur le marché pour proposer le même produit.

c)       Le contrôle exclusif d’une ressource naturelle ou d’un intrant stratégique peut également être à l’origine d’un monopole dans les secteurs d’exploitation/ transformation de cette ressource.

d)      Le monopole naturel résulte d’une structure des coûts de production qui rend impossible le maintien durable de plusieurs opérateurs sur le marché. La présence d’importantes économies d’échelle rend la production par un seul opérateur moins coûteuse que la production des mêmes volumes par plusieurs firmes.

Une condition suffisante pour l’existence d’un monopole naturel est la présence d’économies d’échelle tout au long de l’intervalle pertinent de la demande agrégée : la fonction de coût moyen de longue période est décroissante pour tous les niveaux de demande agrégée possibles sur le marché (cf. figure 1).

 

Figure 1. La situation de monopole naturel : cas des économies d’échelle sur toute la demande potentielle

 

Une condition suffisante plus générale est l’existence d’une fonction de coût  total C(Q) « sous additive »  telle que :

     

Dans ces conditions, un opérateur unique pourra toujours produire à un coût unitaire plus faible. Cela conduit inévitablement soit à une concentration progressive par fusion-acquisition des entreprises présentes, soit à l’éviction des concurrents de faible taille les moins compétitifs. 

Ces conditions de coût sont typiques des industries de réseaux, caractérisées par l’exploitation d’une infrastructure unique de réseau (ferroviaire, aérien, de distribution d’électricité de gaz, de télécommunications…) génératrice d’une forte proportion de coûts fixes de production.