2.2 : Deux autres approches du PIB

1. Le circuit économique

Dans la section précédente, nous avons défini le PIB comme :

\( \sum VAB + Impôts sur les produits - subventions sur les produits \)

Dans celle-ci, nous allons voir que le PIB peut être présenté autrement. Pour ce faire, il est utile d’évoquer une approche en « circuit » de l’économie.

Cette approche découle d’une longue tradition de la réflexion économique – on peut penser à Quesnay (1694-1774) – et consiste à représenter l’activité économique par la circulation d’éléments entre des acteurs économiques que sont les ménages, les entreprises, les banques (et institutions financières), l’Etat et enfin, le reste du monde. Mais qu’est-ce qui circule entre ces acteurs ? L’économie distingue deux types de flux : les flux de biens et services, qui sont des flux réels et les flux financiers.

Considérons un exemple simple, avec seulement deux acteurs économiques : les ménages et les entreprises. Un ménage peut « consommer » des biens et des services produits par les entreprises. Il y a donc un flux de marchandises (un flux réel) qui part des entreprises pour atteindre les ménages. A l’inverse, il existe un flux financier qui part des ménages et va jusqu’aux entreprises : les paiements de ces biens et services. Ces flux correspondent aux échanges sur le marché des biens et services. Il existe également un second type de flux entre ménages et entreprises : les entreprises ont besoin du travail effectué par les salariés et elles rémunèrent en retour ce travail. Il y a donc un flux réel de travail qui part des ménages et va jusqu’aux entreprises et un flux financier qui suit le chemin inverse, des entreprises aux ménages. Ces flux correspondent aux échanges sur le marché du travail.

Graphique 1 : Une représentation en circuit d’une économie simplifiée

La représentation précédente de l’économie en forme de circuit peut être complexifiée de multiples façons :

  • Une économie réunit d’autres types d’acteurs que les ménages et les entreprises : il y a par exemple l’Etat qui produit des biens et services publics, collecte des impôts et organise une redistribution des richesses ; les institutions financières (notamment les banques) qui organisent les échanges sur les marchés financiers, des associations etc. Par ailleurs, quand on considère un pays particulier, on peut aussi considérer ses échanges avec le « reste du monde » qui réunit l’ensemble des acteurs économiques en dehors de ce pays.

  • On peut décrire plus subtilement les flux et se rendre compte que des entreprises utilisent en fait également des biens et services générés par d'autres entreprises, par exemple sous forme d’investissement. De même, un ménage peut être également employeur (et pas seulement employé).

On peut également simplifier cette présentation en remarquant qu’à chaque flux réel correspond un flux financier « miroir ». Par exemple, le flux réel de travail et le flux financier du paiement des salaires encodent une information « similaire ». On peut donc éventuellement n’en représenter qu’un seul et il fait généralement plus sens de se concentrer sur les flux financiers car ceux-ci n’ont pas forcément de flux réels associés. Dans un circuit plus complexe, ce serait par exemple le cas avec l’épargne qui est un flux financier entre les ménages et les banques (ou du moins, cette contrepartie est un flux de services moins intuitif à représenter). En annexe de ce document, et à titre d’illustration, un tel circuit est représenté avec cinq acteurs et des interactions plus complexes.

En quoi cette représentation de l’économie est-elle utile ? En premier lieu, cette approche entretient des liens étroits avec la « modélisation » en économie. Comme expliqué dans le premier chapitre, un modèle (macro)économique consiste à déterminer un ensemble d’acteurs et leurs actions. Ici, les acteurs sont représentés et, si leurs actions ne le sont pas directement, les flux indiquent les conséquences financières de celles-ci. Un ménage va par exemple « travailler » et les entreprises « embaucher ». Le salaire est la conséquence financière de ces deux actions.

Au-delà de cette implication méthodologique et plus proche de nos préoccupations actuelles, cette approche par les flux met en lumière les interrelations entre les acteurs de l’économie. Par ailleurs, elle souligne que (a) les biens et services produits dans une économie sont ensuite utilisés par d’autres acteurs d’une manière ou d’une autre et que (b) cette production est associée à une rémunération d’autres acteurs économiques. Notre première approche du PIB mettait en avant la valeur ajoutée (et donc la production). Celle-ci génère des revenus et est utilisée par d’autres acteurs. On peut donc ré-obtenir le PIB en suivant ces différentes approches, par la demande et les utilisations (finales) des biens et services produits dans l’économie et par le revenu généré par l’économie. Cela peut facilement être observé dans le graphique précédent.

En effet, la valeur ajoutée générée par les entreprises en produisant des biens et des services est redistribuée aux ménages sous forme de salaires. Par ailleurs, ces ménages vont dépenser leurs revenus pour acquérir des biens et des services. La valeur de cette consommation doit également être égale à la valeur ajoutée créée par les entreprises.

Remarque : dans une économie plus complexe et représentée par un circuit lui aussi plus complexe, certains ménages bénéficieraient aussi des profits des entreprises. Les revenus générés par la production ne sont pas nécessairement des salaires.

Par ailleurs, puisque l’État n’apparait pas dans l’économie simpliste représentée plus haut, il n’y a pas d’impôt sur les produits. Il y a donc une correspondance directe entre la valeur ajoutée, les salaires versés et les dépenses de consommations. Dans le monde réel, les choses ne sont pas aussi simples.

On va maintenant détailler ces deux approches en commençant par celle par la demande.