Section 1 : La fonction de demande sur le marché

2. Définitions et loi de la demande

2.3. La loi de la demande

La “loi de la demande” démontre l’existence d’une liaison inverse entre le prix d’un bien et les quantités demandées de ce bien. La microéconomie du consommateur permet en effet d’établir que les fonctions de demande individuelles sont décroissantes : lorsque le prix d'un produit diminue, toutes choses égales par ailleurs, les quantités demandées augmentent (et inversement). C’est un résultat qui est bien évidemment largement intuitif. Cette propriété va donc s’appliquer aussi à la demande totale sur le marché.

Plus précisément, si on prend l'exemple d'une diminution du prix d'un produit, deux effets se combinent :

  1.  les consommateurs tendent à acheter de plus grandes quantités de ce produit, parce que leur pouvoir d'achat s'est accru suite à la baisse de prix du produit (par exemple, si le prix d'une place de cinéma baisse, je pourrai aller plus souvent au cinéma)
  2.  les consommateurs tendent également à réorienter leur consommation vers ce produit devenu relativement moins cher par rapport aux autres produits (par exemple, si le prix d'une place de cinéma baisse, je vais y aller plus souvent au lieu de visionner des VOD à la maison, ou y aller plus souvent plutôt que de jouer aux jeux vidéo).

Donc, à la suite de la diminution du prix d’un produit, un certain nombre de consommateurs accroissent leur demande de ce produit et de nouveaux demandeurs sont attirés par la consommation de ce dernier. La baisse du prix d’un produit entraîne une augmentation de la demande de ce dernier parce que le pouvoir d’achat des consommateurs s’accroît suite à cette baisse – on parle d’effet de revenu – et parce que les consommateurs ont tendance à substituer la consommation du produit devenu moins cher à celle de produits dont le prix n’a pas changé – on parle d’effet de substitution. L'effet total de la diminution du prix sur la demande est ainsi la somme de l'effet de revenu et de l'effet de substitution. Bien entendu, l’inverse se produit suite à une augmentation du prix d’un produit.

Ainsi, QD = f(p) est décroissante, c’est à dire que sa dérivé première f’(p) est nécessairement négative sur l’ensemble du domaine de définition de toute fonction de demande. Cette “loi de la demande” est largement admise en microéconomie, mais il est à noter qu'elle souffre toutefois de quelques exceptions :

  • L'effet Veblen : il existe certain produits et quelques consommateurs pour lesquels la loi de la demande ne s’applique pas. Certains produits très spécifiques sont en effet consommés par des groupes d’individus fortunés et désireux de se distinguer par la consommation – parfois ostensible – de biens ou de services qui ne sont pas accessibles aux autres en raison de leurs prix élevés. On parle alors d’effet Veblen ou plus simplement d'effet de snobisme. Cet effet implique qu’un accroissement du prix de certains produits entraîne un accroissement des quantités demandées de ces derniers. Par exemple, dans le domaine des biens de luxe ou du moins ceux qui permettent une certaine distinction sociale, la baisse de prix de ces produits se traduit par une baisse de l'intérêt qu'ils présentent aux yeux de leurs acheteurs potentiels. A l'inverse, la hausse du prix d'un produit peut le rendre davantage désirable et le faire entrer dans la catégorie des biens dont la possession traduit un rang social élevé. Dans ce cas, les demandeurs ont tendance à vouloir acquérir des produits dont le prix élevé fait toute la valeur, en dépit d'une valeur pratique éventuellement faible. On peut citer à titre d'exemple des produits tels que les services offerts dans certains lieux “select” (locations, restauration, loisirs), mais également des œuvres d'art, des vêtements de créateur, des voitures de luxe, des bouteilles de grand vin, etc. Il est cependant évident qu’un tel comportement n’est en rien dominant.
  • Les effets d'anticipation : on pourrait également considérer que le prix d’un produit augmentant, les quantités demandées de ce dernier augmentent parce que les consommateurs interprètent la hausse de prix comme un signe avant-coureur de futures hausses supplémentaires de ce dernier. Ils effectuent alors des achats dits de précaution, en précipitant ces derniers afin d’éviter les futures hausses supposées du prix (citons ici par exemple les augmentations du prix des carburants ou des prix de l'immobilier). On peut évoquer dans la même veine les achats spéculatifs, qui consistent à acquérir un bien non pas parce qu'il permet de satisfaire un besoin, mais parce qu'on anticipe une augmentation future de son prix. Il y a là un comportement rationnel d’anticipation de la part du consommateur, mais ce problème ferait dépendre la quantité demandée sur le marché du prix futur anticipé du bien, c’est à dire d’une variable différente de celle que nous retenons dans la forme réduite : le prix immédiat, actuel et constaté du bien. La fonction de demande que nous considérons est une fonction instantanée, statique (c’est à dire sans prise en compte du temps passé et futur), et dans ce cadre restreint, il n’y a pas à mettre en doute la liaison négative entre prix et quantités demandées.