Section 6 : Les notions d'élasticité de la demande et de l'offre
1. Les notions d’élasticité de la demande
1.2. Méthodes de calcul de l’élasticité-prix directe de la demande
Pour mesurer l'élasticité-prix directe de la demande, on rapporte la variation relative (c'est-à-dire en pourcentage) de la quantité demandée de ce produit à la variation relative du prix de ce même produit, qui lui a donné naissance. La nécessité de rapporter des variations relatives et non absolues des prix et des quantités découle des écarts de prix existant entre les différents produits. Alors que l’impact d’une baisse d’un euro du prix du mètre carré d’habitation à Paris n’aura presque aucun impact sur la demande de logement, la même baisse d’un euro du prix d’un verre de bière dans un café aura un impact considérable sur la demande de ce bien. La première baisse ne représente en effet qu’une diminution de quelques centièmes de pourcent du prix, alors que la seconde correspond à une baisse d’environ 30 % de ce dernier. Ainsi, l’élasticité-prix directe de la demande d’un bien quelconque (notée ep) se mesure de la façon suivante :
avec Q la quantité demandée du bien et p le prix de ce bien.
La fonction de demande étant décroissante, du fait de la loi de la demande, le terme est nécessairement négatif (les quantités diminuent lorsque les prix augmentent et inversement). Par conséquent l’élasticité-prix directe est toujours de signe négatif. Le résultat obtenu par le calcul s’interprète en disant que si les prix augmentent de 1%, alors la quantité demandée diminue de |ep| %. Bien entendu, si les prix diminuent de 1%, alors la quantité demandée augmente de |ep| %. Pour les mesures effectives de l'élasticité-prix directe, deux cas se présentent alors, selon que la fonction de demande du produit considéré est connue ou pas.
Fonction de demande connue :
Lorsque l’on connaît l’équation de la fonction de demande Q = f (p), il est possible de mesurer l’élasticité-prix directe en n’importe quel point de cette dernière. En effet, elle correspond dans ce cas à la variation de demande résultant d’une variation
infiniment petite du prix à partir d’un prix donné. On a alors :
Si la fonction de demande est représentée par une droite (fonction affine), comme dans l'exemple ci-dessous, on obtient :
On peut alors calculer l’élasticité-prix directe en différents points de la fonction de demande. Par exemple, pour un prix du bien fixé à p = 40, la quantité demandée s’établit à 50 et par conséquent, ep = (- 5 / 4) (40 / 50) = - 1. Le sens de ce résultat est que lorsque le prix du bien est fixé à 40, une évolution de 1 % de ce dernier entraînera une évolution en sens inverse de 1 % de la demande. On peut calculer un certain nombre de valeurs de l’élasticité-prix directe sur cette courbe de demande. Ces dernières sont reportées dans le tableau ci-dessous :
Nous constatons que l’élasticité-prix directe est bien négative tout au long de la courbe de demande et qu’elle est croissante en valeur absolue lorsque le prix augmente. Ainsi, il apparaît que la demande est d’autant plus sensible au prix que celui-ci est élevé. En effet, alors qu’une variation de 1 % du prix du bien n’entraîne qu’une variation inverse de 0,14 % de la demande lorsqu’il est fixé à 10, la même variation relative du prix provoque une variation de 7 % de la demande lorsqu’il est fixé à 70. Les « réactions » des consommateurs aux variations de prix sont ainsi d’autant plus vives que ce dernier est élevé. Ce résultat généralisable à toutes les fonctions de demande s’explique en partie par des phénomènes de saturation de la demande à bas niveaux de prix. A un prix faible, la demande étant déjà largement satisfaite, les évolutions de prix n’entraînent que de « molles » variations relatives des quantités demandées. A l’inverse, pour des niveaux de prix élevés, les évolutions de prix génèrent de vives évolutions relatives de la demande, celle-ci étant par définition relativement faible.
Fonction de demande inconnue :
La fonction de demande peut cependant – et ce le cas la plupart du temps dans la réalité – ne pas être connue de manière formelle. Dans ce cas, seuls quelques points de cette dernière peuvent être connus, si l’on sait quelles sont les quantités demandées
correspondant à un certain nombre de prix possibles du produit. La mesure de l’élasticité-prix directe n’est alors plus envisageable par la méthode utilisée plus haut, qui fait appel à la dérivée première par rapport au prix de la fonction de demande,
dorénavant inconnue. On peut toutefois mobiliser la méthode de calcul de base qui rapporte alors les variations relatives des quantités demandées du bien entre deux points connus de la fonction de demande à celles du prix entre ces deux mêmes points.
Toutefois, se pose alors le problème de savoir lequel des deux points doit être retenu comme base des calculs de variations relatives, le choix de l’un ou de l’autre entraînant nécessairement des résultats différents. La solution retenue consiste
à mesurer des variations relatives par rapport à la moyenne des deux points de la fonction de demande concernés. On mesure alors ce que l’on appelle une élasticité-arc de la façon suivante. Soit deux points de la courbe de demande A
(Q1 ; p1) et B (Q2 ; p
2), on a Δ Q = Q2 – Q1 et Δ p = p2 - p1 et l’élasticité-arc entre ces deux points vaut :
Le résultat obtenu est considéré comme étant valable pour l’ensemble de l’intervalle déterminé sur la fonction de demande par les deux points retenus. Il permet de mesurer la sensibilité de la demande dans l’intervalle de prix considéré, mais il ne permet pas d’accéder à l’information concernant la sensibilité de la demande en chacun des points intermédiaires de l’intervalle. L’élasticité-arc entre les deux premiers points du tableau présenté plus haut vaut (-12,5 / 10) (30 / 162,5) = - 0,23. Ce résultat indique « qu’en moyenne », pour des prix allant de 10 à 20, une variation de 1 % du prix entraîne une variation de sens contraire de 0,23 % de la demande. Les autres résultats des calculs d’élasticités-arc sont reportés dans le tableau ci-dessous :
Dans ce tableau, on remarquera d’une part que les valeurs mesurées par l’élasticité-arc sont systématiquement affectées au milieu des intervalles, indiquant par là même leur validité pour l’intégralité des points de l’intervalle. D’autre part, on constatera
que les valeurs mesurées pour l’élasticité-arc sont évidemment encadrées par les valeurs mesurées pour l’élasticité sur les points constitutifs de l’intervalle considéré. Enfin, on notera que bien entendu, l’élasticité-prix mesurée de cette manière
reste d’autant plus forte en valeur absolue que le prix du bien est élevé.