6.3. La persistance de modèles de capitalismes diversifiés dans une économie globalisée
Conditions d’achèvement
L’articulation Etat-marché et les modes de coordination dominants
Les différents types de capitalismes depuis les années 1960
C’est ainsi à partir du degré d’intervention de l’Etat dans la production, sur le marché et dans le domaine social que différents modèles ont été d’abord élaborés.
Dès les années 1960, les capitalismes sont comparés selon le rôle de l’Etat et des institutions publiques propres à peser sur les décisions des acteurs privés (Shonfield, 1965). Les pays étaient classés en fonction des structures étatiques : ceux possédant un Etat « fort » avec système de planification et place centrale de l’Etat dans le système financier» [France, Japon] et ceux dotés d’un Etat « faible » [Angleterre].
A partir des années 1970, dans un contexte d’accélération de l’inflation, une seconde approche des types de capitalismes s’affirme, basée sur le concept de « néo-corporatisme », c'est-à-dire, la capacité de l’Etat à négocier des accords durables entre patronats et syndicats concernant les salaires, les conditions de travail, la politique sociale et économique [exemple : J. H. Goldthorpe, « Order and Conflict in Contemporary Capitalism », Oxford University Press, 1984]. Les accords corporatistes sont vus comme des « échanges politiques » entre l’Etat qui fournit des incitations et les syndicats qui disciplinent les salariés et qui sont capables d’internaliser les effets économiques de leurs accords salariaux [Olson, M., « Logique de l’action collective », 1965]. « Les différents pays étaient alors classés en référence principalement à l’organisation de leur mouvement syndical. Dans la littérature, les petites économies ouvertes d’Europe du Nord sont citées comme des modèles de succès.
Une des classifications les plus connues est celle que Michel Albert a proposé dans les années 1990 en se concentrant sur les entreprises privées pour étendre ces analyses au domaine économique.
- Le capitalisme anglo-saxon regroupant les capitalismes américain et britannique est le plus ancien modèle. Il est fondé sur la réussite individuelle, le profit financier à court terme et le rôle prédominant du marché et la concurrence pour coordonner les transactions. Cette concurrence a pu conduire à des concentration industrielles importantes. L’État joue tout de même un rôle important dans le soutien de ses entreprises comme le montrent les interventions protectionnistes récentes, les commandes importantes à certaines industries.
- Le capitalisme Rhénan qui s’inspire de l’Allemagne est plus récent ; il est marqué par une forte protection sociale par l’Etat, une forte intervention de l’État dans les activités économiques et une concentration importante des entreprises. Cette concentration est la conséquence de rapprochements stratégiques et soutenus par l’Etat entre des secteurs d’activité différents et complémentaires (banque et industrie). Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l’essor de la social-démocratie, le capitalisme allemand se caractérise aussi par l’efficacité de la gestion collective des entreprises, le consensus et le souci du long terme. Le capitalisme rhénan est parfois qualifié de capitalisme négocié.
- Le capitalisme nippon trouve ses origines dans l’intervention vigoureuse de l’État qui, en centralisant les anciens revenus des grandes familles féodales, va développer l’industrie sous l'ère Meiji (à partir de 1868) avant d’en re-confier la responsabilité à ses dernières. Les principes du capitalisme nippon sont semblables à ceux du capitalisme allemand dans la façon dont sont concentrées les entreprises de différents secteurs. L’État joue toujours un rôle important dans la planification des transformations de l’économie, notamment les spécialisations productives via l’intervention du MITI, le ministère de l'industrie chargé de la politique industrielle. Au plan social, les grandes firmes entretiennent avec leurs salariés des rapports privilégiés reposant sur la sécurité de l’emploi et en retour le dévouement à l’entreprise de la part du salarié.