Un peu plus de détails sur les spectres

Voilà, vous savez normalement tracer le spectre d'un signal quelconque.

Maintenant, nous allons voir quelques formes de signaux qui reviennent souvent et le spectre qui leur est associé. Puis nous allons essayer de comprendre la signification de la grandeur que nous avons un peu mise de côté : la phase.


TF continue

Avant de commencer, il faut savoir qu'à la transformée de Fourier discrète, il existe un équivalent continu. Au lieu d'une somme, c'est une intégrale et au lieu d'avoir un nombre fini de fréquence, il y a un continuum de fréquence.

Nous n'allons pas aller dans le détail de ce formalisme, nous accepterons simplement que l'on peut avoir un signal continu (une fonction de t) et qu'à ce signal continu est associé un spectre continu (une fonction de f), seule la forme de ces signaux/spectres va nous intéresser.

En fait, comme la transformation de Fourier transforme une fonction en une autre fonction, le nom des variables n'a pas d'importance mathématiquement. Vous pourrez donc parler de spectre de signaux qui dépendent de l'espace, la fréquence associée sera alors une fréquence spatiale (pensez aux longueurs d'onde). Vous pourrez aussi parler de spectre d'une grandeur qui dépend d'autre chose que de l'espace ou du temps, on ne parle plus vraiment de fréquence mais plutôt de variable conjuguée de Fourier.

Spectre d'une porte

La porte canonique est la fonction \( t \rightarrow \Pi(t) \) telle que :

\( \left\lbrace \begin{array}{ccc} \Pi(t<-0.5) = 0 \\ \Pi(-0.5 0.5) = 0 \end{array}\right. \)

C'est donc une fonction en forme de porte. Fantastique.

La transformée de Fourier de cette fonction est la fonction sinus cardinale définie par:

\( TF[porte](f) = \frac{sin(\Pi f)}{\Pi f} \)

Module de la fonction sinus cardinal (spectre d'une porte canonique). Remarquez la décroissance des maxima, similaire à la fonction inverse. Remarquez également la position des zéros (espacés de 1 pour la porte canonique).

Module de la fonction sinus cardinal (spectre d'une porte canonique). Remarquez la décroissance des maxima, similaire à la fonction inverse. Remarquez également la position des zéros (espacés de 1 pour la porte canonique).

Cette fonction a la forme d'oscillations qui diminue de part et d'autre de 0, avec une diminution de la forme \( \frac{1}{f} \) . Pour pouvoir tracer la partie module du spectre, il ne faudra pas oublier de prendre le module (ici la valeur absolue, puisque c'est une fonction réelle).

Spectre des fonctions sinusoïdales

Spectre d'un cosinus/sinus

La transformée de Fourier d'un cosinus de fréquence \( f_{0} (t \rightarrow cos(2 \Pi f_{0}t) ) \)

\( TF[cos_{f_{0}}](f) = \frac{\delta_{f_{0}}(f) +\delta_{-f_{0}}(f) }{2} \)

où la fonction \( \delta_{f_{0}} \) est la fonction delta de Dirac centrée en \( f_{0} \) . Pour se simplifier la vie, on va dire que c'est simplement une fonction "pic", qui est nulle partout sauf en .

Représentation temporelle et spectre de la fonction cosinus.

Représentation temporelle et spectre de la fonction cosinus

La transformée de Fourier d'un sinus de fréquence \( f_{0} (t \rightarrow sin(2 \Pi f_{0}t) ) \) est :

\( TF[Sinus_{f_{0}}](f) = \frac{\delta_{f_{0}}(f) +\delta_{-f_{0}}(f) }{2j} \)

Enfin la transformée de Fourier d'une exponentielle complexe de fréquence \( f_{0} (t \rightarrow e^{2\Pi f_{0}t} ) \) est :

\( TF[Exp\ Complexe_{f_{0}}](f) = \delta_{f_{0}}(f) \)

Spectre de la fonction exponentielle complexe seule.

Spectre de la fonction exponentielle complexe seule

Tant cosinus et un sinus correspondent à la superposition de deux pics fréquentiels (l'un à la fréquence \( f_{0} \) , l'autre à la fréquence \( -f_{0} \) , soit la même mais en négatif).

Une autre façon de voir les choses est de dire que toutes les projections sont nulles sauf sur les exponentielles complexes de fréquence et

Cela ne surprendra personne qui connait les formules d'Euler :

\( cos\ x= \frac{e^{jx} +e^{-jx} }{2} \ et \ sin\ x= \frac{e^{jx} -e^{-jx} }{2j} \)

Fréquence négative ?
Oui oui c'est bien ça. Le domaine fréquentiel va de \( −∞ \) à \( +∞ \) , cela a donc du sens de parler de fréquences négatives. Mais comme tous les signaux réels ont des spectres symétriques (résultat admis), cela n'est pas très important d'en parler pour le moment.

Seule l'exponentielle complexe pure ne contient qu'un seul pic.

Spectre d'une sinusoïde déphasée

Enfin, quel est le spectre associé à une sinusoïde un peu décalée \( ( t→cos(2πft+ϕ)) \) ?

La transformée de Fourier de cette fonction sera :

\( TF[Cos_{f_{0}, \phi }](f) = e^{j \phi }\frac{\delta_{f_{0}(f)} + \delta_{-f_{0}(f)}}{2} \)

Lorsque l'on prendra le module de cette fonction pour la tracer, le module de l'exponentielle complexe valant 1, il restera la même chose que pour un cosinus pas décalé.

Que signifie la phase (l'argument) des valeurs de la TF ?

Voilà donc un indice sur la signification de la phase (aussi appelé l'argument) des valeurs de la TF. Elles correspondent en fait à des décalages sur l'origine des exponentielles complexes.


Vous retiendrez donc que dans chaque terme\( TF[u]_{f} \) de la transformée de Fourier de u , il y a deux informations :
  • Le module \( |TF[u]|_{f} \) qui détermine l'importance de la composante de fréquence \( f \) pour construire le signal \( u \)
  • L'argument \( arg(TF[u]_{f}) \) qui détermine le décalage d'origine nécessaire pour que la composante de fréquence \( f \) construise correctement le signal \( u \)

Additionner des spectres

La transformation de Fourier est une opération linéaire (il s'agit d'un produit scalaire après tout) et par conséquent, la transformée de \( u+v \) est égale à \( TF(u)+TF(v). \)

Comme pour visualiser le spectre, on prend le module qui est une opération non linéaire, les spectres eux ne s'ajoutent pas.
Pensez à cet exemple simple : prenez pour \( u \) et \( v \) les fonctions telles que :
\( u(t)=cos(2πf_{0}t)\\ v(t)=−cos(2πf_{0}t) \\ u(t)+v(t)=0 \)
\( u \) et \( v \) ont même spectre (un pic de Dirac en \( f_{0} \)) mais le spectre de \( u \) et \( v \) qui est la fonction nulle partout, ne correspond pas à l'ajout du spectre de \( u \) à celui de \( v \).

Effets des translations et des dilatations temporelles
Translation

Faire une translation temporelle sur une fonction, c'est la décaler dans le temps. Je pense que vous comprendrez qu'un décalage dans le temps ne change pas la forme du signal et le spectre devrait rester invariant. La seule chose qui peut changer éventuellement, c'est la phase de chaque composante.

Mathématiquement, faire une translation temporelle de \( t_{0} \), c'est effectuer le changement de variable \( t' = t - t_{0} \). L'effet sur la transformée de Fourier correspond à une multiplication par :

\( u(t \rightarrow t_{0})\overset{TF}{\longrightarrow}e^{j2\Pi ft_{0}} \times TF[u](f) \)

Il y aura bien un effet sur la phase, mais le spectre restera inchangé puisque le module de l'exponentielle complexe vaut 1.

Dilatation/Contraction

Faire une dilatation temporelle, cela correspond à faire un changement de variable \( t′=αt. \)

D'un point de vue fréquentiel, une dilation temporelle correspond à une contraction fréquentielle et vice versa.

L'effet sur la transformée de Fourier sera donc :

\( u(\alpha t)\overset{TF}{\longrightarrow}\frac{1}{| \alpha |} \times TF[u](\frac{f}{ \alpha }) \)

Vous devriez avoir une petite idée de ce à quoi vous attendre lorsque vous tracerez les spectres des fonctions sinusoïdales, ou bien le spectre des fonctions en forme de porte. Ça ne fait pas beaucoup, mais c’est déjà ça.


À retenir :
  • Les expressions mathématiques des transformées de Fourier et les formes des spectres des fonctions sinusoïdales.
  •  La distinction entre TF et spectre.
  • Savoir qu'une dilatation temporelle est une contraction fréquentielle.
  • Une translation temporelle correspond à une multiplication par un terme de phase, mais n'en change pas le spectre.
  • N'additionnez pas de spectres !!! En revanche, vous pouvez additionner les TF elles-mêmes.

Aller plus loin

Dans cette section facultative, vous trouverez plus de détails sur les aspects théoriques qui ont été un peu passés à la trappe dans ce cours.

TF continue

La transformée de Fourier continue est une fonction mathématique qui à une fonction complexe \( t→u(t) \) (ou réelle) associe une autre fonction complexe \( f→û (f) \) telle que :

\( û (f) = \int_{- \infty}^{+ \infty}{u(t)e^{-k2\Pi f t}dt} \)

Delta de Dirac

Un delta de Dirac est une distribution (pensez à une fonction mathématique, mais qui aurait un peu plus le droit de faire n'importe quoi).

Cet objet est défini de plusieurs façons possibles, mais une façon simple de la concevoir est qu'il s'agit de la limite d'une porte qui devient de plus en plus étroite. Mais de plus en plus haute et dont l'aire reste constante, égale à 1.

La relation mathématique associée au Dirac la plus importante à connaitre est :

\( \int{\delta_{t_{0}}(t)dt}=1 \)

Et de façon plus générale :

\( \int{\delta_{t_{0}}(t)f(t)dt}=f(t_{0}) \)