6.2. La montée d’un capitalisme financiarisé et le retour des crises

La financiarisation de la politique monétaire

Les politiques monétaires ont changé dans les années 2000 puisqu’elles prennent la forme non conventionnelle d’opérations de marchés (open market) de la part de la banque centrale qui émet de la monnaie nouvelle en achetant des titres aux emprunteurs.

 Graphique 6.2.1. Actifs totaux de la banque centrale en % du revenu national du pays (Source : Piketty, 2019)

Le graphique 6.2.1 tiré de Piketty (2019) représente l’évolution de la taille du bilan des banques, c’est-à-dire des actifs qu’elles ont acquises contre de la monnaie émise, montre qu’un changement brutal s’opère dans la deuxième partie des années 2000. Les bilans des banques centrales étaient jusque-là, et ce depuis les années 1960, régulièrement alimentés par des prêts de liquidités de court terme de la Banque centrale aux banques privées afin qu’elles puissent à leur tour financer l’économie par des prêts. Le niveau structurellement moins élevé pour les Etats-Unis reflétant uniquement le fait que le financement de l’économie y passe plus par les marchés financiers que par le crédit bancaire qu’en Europe ou dans les autres pays riches.

En limitant les faillites bancaires en cascade, cette réaction massive des banques a évité que la crise financière ne se transforme en récession grave comme dans les années 1930. Toutefois, l’inconvénient est que ces politiques favorisent le retour de bulles spéculatives et de crises financières dans le futur (immobilier, dette étudiante …) en permettant aux spéculateurs d’accéder à de l’argent très peu cher. Un autre inconvénient est de laisser croire aux acteurs que le mode de fonctionnement passé qui a provoqué la crise financière n’a pas besoin d’être réformé et modifié : pas plus besoin de régulation financière, de régulation des échanges mondiaux ou de l’impact environnemental de la production qu’avant la crise. Piketty (2019 : 815) rappelle que dans un contexte de financiarisation rapide des économies, les marges de croissance des actifs financiers détenus par les banques centrales sont encore importantes. La BCE ne possède en effet que 4% de la totalité des actifs et passifs financiers détenus par les entreprises, les ménages et les gouvernements des pays de la zone euro qui atteignent 1100% du PIB de 2018 contre moins de 300% du PIB dans les années 1970-1980 (Piketty, 2019 : 815-16).

Les chiffres des 10 dernières années montrent que la taille de la sphère financière croît beaucoup plus vite que celle de l’économie réelle. Piketty (2019 : 816) rappelle que dans un contexte de grande stabilité des prix et des salaires, cette inflation financière risque de poser des problèmes d’accroissement des inégalités de patrimoine et de remboursement puisque la valeur réelle de ces actifs ne diminue pas comme elle l’a fait lors de l’après 2ème guerre mondiale pendant laquelle la taille des actifs financiers a fortement augmenté pour financer l’effort de guerre. La crise du COVID a offert à l’Europe des moyens nouveaux pour rééquilibrer les instruments de politiques économiques puisque des fonds publics européens bien supérieurs au 1% de PIB de budget antérieur est venue compléter la politique monétaire ont été mis à disposition des différents états à la suite d’un accord inédit entre la France et l’Allemagne. Cependant, cet outil budgétaire nouveau est encore financé par l’endettement. L’impôt européen n’étant pas encore à l’ordre du jour.