2.3 L'antériorité d'une "révolution agricole"?

Les travaux de Bairoch

L’économiste historien Paul Bairoch insiste sur le rôle des interactions entre « révolution agricole » et « révolution industrielle ». L’auteur part d’abord du constat qu’une explication de la révolution industrielle ne peut pas faire l’impasse sur l’agriculture (ce secteur représentant 8/10ième de l’activité humaine à l’époque). Sans gains de productivité importants dans l’agriculture, il n’aurait pas été possible de nourrir une population croissante et plus urbaine.

Bairoch soutient l’existence d’une « révolution agricole » en Angleterre fin 17ième siècle. Les progrès initiaux de l’agriculture anglaise localisés au Sud-Est du pays seraient liés, d’après lui, à un transfert de techniques nouvelles des Pays-Bas du notamment à un mouvement important d’émigrés protestants chassés des Flandres par la domination espagnole.

L’argument d’un solde céréalier anglais positif dans le deuxième quart du 18ième et la mise en évidence d’une hausse de la production et de la consommation de fer à usage agricole appuient cette thèse. Sur la même période une détérioration des termes de l’échange des produits agricoles vis-à-vis des produits industriels est aussi décelable et parait témoigner de l’intensité des gains de productivité dans le secteur agricole.

 

Ces gains permettent à l’agriculture anglaise de libérer de la main d’œuvre et offre des débouchés à l’industrie. La pression de la demande appelle le progrès technique. Les innovations industrielles répondent à cette sollicitation parce qu’un « seuil critique » a été franchi en matière de recherche fondamentale.

Les adversaires de la thèse de Bairoch envisagent la possibilité d’une croissance démographique provoquée par un facteur exogène et non par des progrès agricoles. Elle trouverait en l’occurrence sa source dans la fin des grands froids et une évolution épidémiologique favorable. Pour preuve, elle présenterait, selon eux, un caractère international (voir à ce propos l’ouvrage d’Emmanuel Leroy Ladurie, Histoire du Climat depuis l’an mil, Paris, Flammarion, 1er Edition 1967).