2.3 L'antériorité d'une "révolution agricole"?

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Cours: Histoire des faits économiques
Livre: 2.3 L'antériorité d'une "révolution agricole"?
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Date: samedi 28 décembre 2024, 02:29

Introduction

Selon Paul Bairoch dans Révolution industrielle et sous-développement (1963) rien n’aurait été possible sans bouleversements dans le secteur agricole. La croissance démographique est, selon lui, logiquement tributaire de mutations préalables en matière de subsistances et des progrès réalisés dans l’agriculture.

Les enclosures

En histoire économique, le « mouvement des enclosures » désigne la transformation du système agraire qui s’est produit en Angleterre au XVI et XVIIIe siècle.  Les communs (des landes et pâtures utilisées collectivement par des communautés paysannes) sont divisés et enclos pour l’élevage des ovins par les grands propriétaires. Les conséquences du mouvement des enclosures sont profondes et durables. L’enclosure est un mouvement cumulatif : chaque nouvel enclos tend à faire reculer les droits d'usage au profit du droit de propriété, et incite finalement à enclore de nouvelles parcelles ; à terme, la réduction des surfaces exploitables pour les paysans a nourri un premier exode rural et un transfert de main d’œuvre précoce de l’agriculture vers la manufacture. Le mouvement des enclosures est en ce sens l'une des racines de la première révolution agraire et industrielle.

Développement des enclosures entre 1727 et 1845 en Angleterre

périodes

Nombre d’enclosure acts

Nombre d’acres enclos

 

 

 

1727-1760

56

74 518

1761-1792

339

478 259

1793-1801

182

273 891

1802-1815

564

739 743

1816-1845

244

199 300

total

1 385

1 765 711

Source : Deane et Cole, British Economic Growth, 1962. Surface cultivable de l’Angleterre en 1866: 13,4 millions.

 


Les travaux de Bairoch

L’économiste historien Paul Bairoch insiste sur le rôle des interactions entre « révolution agricole » et « révolution industrielle ». L’auteur part d’abord du constat qu’une explication de la révolution industrielle ne peut pas faire l’impasse sur l’agriculture (ce secteur représentant 8/10ième de l’activité humaine à l’époque). Sans gains de productivité importants dans l’agriculture, il n’aurait pas été possible de nourrir une population croissante et plus urbaine.

Bairoch soutient l’existence d’une « révolution agricole » en Angleterre fin 17ième siècle. Les progrès initiaux de l’agriculture anglaise localisés au Sud-Est du pays seraient liés, d’après lui, à un transfert de techniques nouvelles des Pays-Bas du notamment à un mouvement important d’émigrés protestants chassés des Flandres par la domination espagnole.

L’argument d’un solde céréalier anglais positif dans le deuxième quart du 18ième et la mise en évidence d’une hausse de la production et de la consommation de fer à usage agricole appuient cette thèse. Sur la même période une détérioration des termes de l’échange des produits agricoles vis-à-vis des produits industriels est aussi décelable et parait témoigner de l’intensité des gains de productivité dans le secteur agricole.

 

Ces gains permettent à l’agriculture anglaise de libérer de la main d’œuvre et offre des débouchés à l’industrie. La pression de la demande appelle le progrès technique. Les innovations industrielles répondent à cette sollicitation parce qu’un « seuil critique » a été franchi en matière de recherche fondamentale.

Les adversaires de la thèse de Bairoch envisagent la possibilité d’une croissance démographique provoquée par un facteur exogène et non par des progrès agricoles. Elle trouverait en l’occurrence sa source dans la fin des grands froids et une évolution épidémiologique favorable. Pour preuve, elle présenterait, selon eux, un caractère international (voir à ce propos l’ouvrage d’Emmanuel Leroy Ladurie, Histoire du Climat depuis l’an mil, Paris, Flammarion, 1er Edition 1967).