2.2 : Deux autres approches du PIB

2. L'approche par la demande

Pour commencer, regardons comment peut être utilisée un objet produit au sein d’une économie, un objet peut être :

  • Consommé par un ménage – on appelle cela la consommation finale.
  • Consommé par une entreprise ou un acteur (par exemple une administration) qui a besoin de l’objet dans son processus de production – c’est un exemple de consommation intermédiaire dont nous avons déjà parlé dans la section précédente.
  • Utilisé comme investissement, c’est-à-dire acquis par un autre acteur (souvent une entreprise ou une administration, mais parfois aussi un ménage, etc.) dans le but d’être utilisé dans plusieurs processus de production. [1]
  • Stocké quelque part dans l’attente d’une utilisation future.

La liste précédente établit un lien entre une production et ses utilisations possibles. L’approche par la demande du PIB utilise cette même intuition : toute consommation finale des ménages réalisée au cours d’une année doit provenir d’une production de cette même année ou avoir été produite auparavant (et donc être déstockée), idem pour un investissement, etc. Si l’on considère cette relation pour l’ensemble de l’économie et en valeur (i.e. en monnaie), on obtient :

\( PIB = DCF + FBC + X-M \)

\( DCF \) est les dépenses de consommations finales, \( FBC \) la « formation brute de capital », \( X \) le montant des exportations et \(M\) le montant des importations. La formation brute de capital correspond à trois éléments : la formation brute de capital fixe, communément appelée investissement (\(FBCF\)), la variation des stocks (\( \Delta S \)) et l’acquisition nette (i.e. acquisitions moins cessions) d’objets de valeur (\( \Delta AOV \)). Cette dernière catégorie concerne des objets souvent très spécifiques, comme les œuvres d’art, qui ne sont ni véritablement utilisés comme moyen d’investissement (ils ne rentrent pas dans des processus productifs), ni véritablement consommés par des ménages, ni stockés, etc. C’est souvent une quantité négligeable. En décomposant la \(FBC\) dans l’expression ci-dessus, on obtient :

\( PIB = DCF + FBCF + \Delta S + \Delta AOV + X-M \)

On remarque que la partie de droite de notre égalité fait quasiment apparaître la liste que nous avions dressée sur les manières d’utiliser un objet : on retrouve la consommation, l'investissement et les stocks. Les seules différences notables sont (a) l’apparition de l’acquisition nette d’objets de valeur, (b) l’absence des consommations intermédiaires et (c) l’apparition des exportations et des importations. Comme expliqué précédemment, l’acquisition (nette) d’objets de valeur est un type spécifique d’utilisation pour des objets très particuliers et qui (en fait) manquait à notre liste initiale. Aussi, ce point n’est-il pas une différence très intéressante. Les points (b) et (c) le sont plus. Si les dépenses de consommations intermédiaires ne sont pas présentes, c’est que le terme à gauche de notre égalité est directement le PIB et non pas la valeur de la production. Aussi, la valeur des consommations intermédiaires est déjà implicitement prise en compte. Pour s’en assurer, on peut reprendre notre première définition du PIB et la remplacer à gauche de l’équation. On avait :

\( PIB = \sum VAB + Impôts sur les produits - Impôts sur les subventions \)

\( VAB = Production - CI \)

\( Production \) indique la valeur de la production et \( CI \)les dépenses de consommations intermédiaires. On obtient donc :

\( Production - CI + Impôts sur les produits - Impôts sur les subventions = DCF + FBCF + \Delta S + \Delta AOV + X-M \)

On a donc bien fait (ré)apparaître les consommations intermédiaires [2]. Maintenant, que signifie la dernière différence : le \(X-M\)? Pour bien comprendre, reprenons notre expression initiale :

\( PIB = DCF + FBC + X-M \)

Cette expression permet simplement de prendre en compte que certaines productions nationales vont en fait être consommées à l’étranger. A l’inverse, certaines dépenses de consommation finale ou certaines formations brutes de capital fixe faites par des acteurs nationaux vont être en fait importées d’autres pays. En passant les importations à gauche de l’égalité, on obtient un équilibre emploi-ressource dans le sens ou l’ensemble des objets produits ou importés (les "ressources" disponibles) dans un pays doivent être consommés, utilisés comme investissement (ou stocké) ou être exportés (les "emplois" possibles)

\( PIB + M = DCF + FBC + X \)

Pour conclure sur cette formule du PIB (\( PIB = DCF + FBC + X-M \)) on peut noter qu’elle joue un grand rôle en macroéconomie et en particulier dans son volet « théorie des fluctuations ». En effet, avec des modifications mineures, on peut y faire apparaître l’action de l’Etat (ici implicitement comptabilisé dans les dépenses de consommations et dans l’investissement). Elle permet aussi de lier directement un certain nombre de théories (notamment Keynésienne) avec la comptabilité nationale.



[1] On a également fait apparaître les impôts et les subventions sur les produits. Ceci rejoint le fait déjà évoqué plus haut que la production (et la valeur ajoutée) est comptabilisée aux prix payés aux producteurs alors que le PIB, comme les dépenses de consommation finale, la formation brute de capital fixe, etc. sont exprimées aux prix payés par le consommateur.


[2] La différence entre la consommation intermédiaire et l’investissement est cette idée qu’un investissement va servir à plusieurs processus de production. Prenons un exemple : un agriculteur peut utiliser des graines et un tracteur pour produire des légumes. Les graines vont « disparaître » dans le processus de production alors que le tracteur va pouvoir servir plusieurs années, et donc dans plusieurs processus de production. Le tracteur est donc un investissement et les graines une consommation intermédiaire.