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    • « Passages de langues et légitimités linguistiques » est la première partie de la Grande Leçon Arts de dire et formes de contrôle en situations de plurilinguisme.
       
      Il est utile d’aborder les problèmes sociologiques touchant au plurilinguisme par l’observation des conditions de circulation entre les langues. Bilinguisme et diglossie sont parmi les formes les plus évidentes de cette circulation. Ils peuvent alors être analysés comme des expressions de rapports sociaux, qui engagent des questions globales de légitimité et de normes et non pas seulement des questions de degrés de maîtrises des langues. L’alternance codique est l’un des phénomènes marquants de ces rapports sociaux. Pour en saisir les contraintes et les ressources, les modèles socio-anthropologiques sont précieux : ils invitent à considérer que ces passages d’une langue à l’autre prennent tout leur sens sur un marché linguistique, qui confère des valeurs différenciées aux pratiques linguistiques, tout simplement parce que les langues en contact sont inégalement ajustées aux situations dans lesquelles les personnes les utilisent.
      Comprendre comment l’on peut tour à tour subir les contraintes de cadres rigides et formels d’interaction linguistique, puis s’en dégager par des habiletés tactiques, c’est comprendre comment l’alternance codique, loin d’être le symptôme d’un déficit linguistique, est le plus souvent le signe d’une compétence sociale. Le niveau de reconnaissance des langues en contact et leur degré de patrimonialisation pèsent néanmoins sur cette compétence, puisqu’ils offrent aux usagers de ces langues des dispositifs politiques très inégaux pour assumer la légitimité de leurs passages entre les langues.