6.4. Forces et fragilités des nouvelles puissances économiques émergentes dans la deuxième mondialisation

Les crises de l’émergence économique ou la fragilité financière des pays en développement

L'explication de ces crises

L’origine de ces crises est à rechercher dans le modèle de croissance et dans la structure du financement des politiques de développement mises en œuvre par les économies émergentes afin de soutenir et stimuler l’économie nationale. Les taux d’investissement très élevés qui soutiennent la croissance « extensive » de nombreux pays émergents sont en effet essentiellement financés par des capitaux de court terme venant des marchés internationaux. Les investisseurs sont attirés par les performances très élevées de croissance économique des pays émergents tirés à la fois par les exportations et par le dynamisme des marchés domestiques. Or, les investisseurs internationaux sont également très sensibles aux risques présentés par ces économies dans lesquelles les monnaies sont relativement récentes et les banques centrales peu expérimentées en cas de crise. Dans le doute, ils ont tendance à retirer très rapidement leurs capitaux dès qu’ils perçoivent sur les perspectives de croissance d’une économie émergente. Les mécanismes à l’œuvre, quelle que soit la zone frappée, seront globalement toujours les mêmes : Fragilité et opacité des perspectives de croissance et de la crédibilité des politiques économiques + Surévaluation de la monnaie nationale en raison des afflux d’investissement -> Déséquilibre commercial extérieur + ralentissement de la croissance -> fuite des capitaux étrangers -> chute de la monnaie nationale et crise financière (dettes publique et privé en monnaies étrangères ne peuvent plus être remboursées) + chute des marchés d’action nationaux (en raison des ventes massives).

Des journalistes économiques pleins d’humour, de cynisme et de bon sens à la fois ont baptisé la crise mexicaine de 1994 « d’onde Tequila ». Or et bien évidemment, au-delà de la plaisanterie, ce sont les excès et les abus de la finance internationale mal maîtrisée qu’il s’agit de pointer ici. Les effets en sont étourdissants et dévastateurs autant que rapides en raison, notamment, de l’intensité des relations des échanges commerciaux et de la proximité géographique et culturelle des économies qui sont concernées dans un monde qui se régionalise depuis la seconde guerre mondiale. Se met en place un véritable effet de contagion par le commerce international et par les pertes financières communes, par lequel un investisseur se dégage d’une position parce que d’autres le font. Même si c’est en Thaïlande qu’elle s’ouvre en juillet 1997, la crise s’étend en effet en quelques semaines en Indonésie, en Malaisie puis aux Philippines (c’est-à-dire à l’ensemble des Tigres) puis en Corée du Sud, à Singapour, à Hong-Kong et Taïwan (c’est-à-dire cette fois aux Dragons) où les conditions sont identiques. Enfin, la contagion gagne la Russie et les Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) dès 1998, la République tchèque est atteinte tout comme la Hongrie, les capitaux refluent. L’Europe a eu chaud mais déjà une nouvelle vague de crise se prépare au Brésil où elle éclatera en 1999, puis en Argentine en 2000.

Après des années de profits élevés dans les économies émergentes, la « prudence » financière a donc ramené les capitaux internationaux sur les lieux anciens du capitalisme américain et européen au début du 21e siècle. Peut-être moins profitables, sûrement mieux encadrés, ces économies n’en sont pas plus sages ni mieux régulés pour autant, comme l’attestent les deux crises financières des années 2000 dont l’origine est clairement à trouver dans les excès des systèmes financiers notamment aux Etats-Unis.