6.4. Forces et fragilités des nouvelles puissances économiques émergentes dans la deuxième mondialisation

Les grands émergents et la mondialisation ont contribué à réduire les inégalités de développement globales


A partir des années 1980, les écarts de richesse entre les pays industrialisés et les pays en développement s’accentuent. Seuls quelques pays réussissent à rattraper les pays européens et les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie. Le graphique 6.6.1 montre l’évolution du PIB par tête de différents groupes de pays entre 1945 et 2016. Le PIB par tête des régions riches d’Europe de l’ouest (Western Europe) et d’Amérique du nord (Western offshoots) s’écartent durablement de celui des régions en développement (Latin America, Africa, et Eastern Asia). Cette divergence s’accentue même à partir des années 1980.


Graphique 6.6.1. Evolution des inégalités globales : 1950-2016

PIB par habitant par grandes régions: 1950-2016

Le graphique 6.6.2 montre l’évolution des inégalités mondiales selon trois définitions. Alors que les inégalités de PIB/tête (Concept 1) ont augmenté comme le montre le graphique 6.6.1, elles baissent lorsque les PIB/tête sont pondérés par les populations, sous l’influence de l’émergence de grandes économies comme la Chine, le Brésil ou l’Inde dont les populations sont de moins en moins pauvres (Concept 2). Lorsque les inégalités internes et externes sont combinées, les inégalités globales augmentent lorsque la Chine puis l’Inde sont prises en compte par la mesure, ces grands émergents étant très inégalitaires. Toutefois, la position des points verts sur le graphique 6.6.2 montre que ces inégalités internes de revenu diminuent avec le temps grâce aux effets positifs de la croissance économique et des politiques de redistribution sur la réduction des inégalités : c’est ce que l’on appelle la relation en U inversé de Kuznets entre niveau de revenu par tête et niveau des inégalités.

Graphique 6.6.2. Evolution des inégalités globales : 1950-2009

Trois concepts d'inégalités

La réduction des inégalités globales de développement dissimule donc des capacités individuelles très différenciés à capter les bénéfices de la croissance globalisée en fonction de la position sociale et économique du ménage et du pays où il se situe : c’est ce que montre la courbe de l’éléphant proposée par Branco Milanovic (de la Banque Mondiale) qui montre que les groupes sociaux ayant le plus tiré parti de la croissance entre 1998 et 2008 sont les classes moyennes des pays en développement et les classes supérieures des pays développés. Dit autrement, un ménage pauvre des pays riches a un niveau de revenu bien supérieur à un ménage de la classe moyenne des pays pauvres, mais son revenu aura augmenté beaucoup moins vite entre 1998 et 2008 que celui des ménages des classes moyennes des pays en développement.

Graphique 6.6.3. Courbe de l’éléphant : gains de revenu moyen réel pour les ménages des différentes tranches de la distribution mondiale des revenus : 1988-2008 (Source : Blog d’Olivier Galland, CNRS)

La courbe de l'éléphant: gains de revenu moyen par groupe de revenu 1988-2008

Les raisons de ces situations sont différentes. Pour les premiers, c’est la mondialisation productive, l’insertion des économies émergentes dans les chaînes de valeur globale et les politiques sociales ambitieuses de leurs pays (Chine, Brésil, Inde) qui ont contribué à diminuer le nombre de pauvre et à sécuriser les statuts et les conditions de vie d’une classe moyenne de plus en plus nombreuse. Pour les seconds, ce sont essentiellement les dynamiques très favorables aux revenus financiers contenues dans la croissance des marchés d’action, les stratégies de distribution de dividendes des entreprises, les coûts faibles du crédit, et les réformes fiscales pro-riches qui expliquent les gains élevés des dernières années . Les grands perdant semblent être les classes moyennes des pays développés et les pauvres des pays en développement.