3.3. L'entrée du prolétaire sur la scène politique : la II° République

Socialismes et communisme

C’est à partir de ce constat que va naître le socialisme. Il se construit d’abord sur la critique de la concurrence, déjà réalisée dans les années 1820 par la Comte de Saint-Simon et ses disciples, les « saint-simoniens ». Sur le marché du travail, la concurrence entre ouvriers est source de rivalité, de guerre entre individus ; elle permet aux employeurs de diminuer le salaire jusqu’au niveau de subsistance. La concurrence est à la source de l’extrême pauvreté des prolétaires, selon Prosper Enfantin, qui introduit dans le langage le mot anglais « paupérisme ». Chez Louis Blanc, elle conduit les prolétaires à « s’exterminer » les uns les autres pour avoir du travail et survivre.

A l’opposé de la concurrence, les socialistes prônent la coopération, qui unit les prolétaires entre eux plutôt que les opposer les uns aux autres. Une solution serait l’association d’ouvriers au sein de coopératives ou de syndicats, mais la loi le Chapelier de 1792 (cf. Section 1) les a interdit. C’est ainsi que va naître le socialisme dit « utopique », autour de penseurs tels que Robert Owen, Joseph Proudhon, Charles Fourier ou Etienne Cabet.

Ils proposent un bouleversement de l’organisation sociale et des rapports de travail en poussant jusqu’au bout l’idée d’association, d’union de travailleurs. Il s’agit d’éradiquer la concurrence sur trois plans :

-        Juridique d’abord, par l’abolition de la propriété privée

-        Economique ensuite, par l’établissement d’un ordre social communautaire, où certaines fonctions de la vie quotidienne, comme les repas ou la garde d’enfants sont collectivisées, c’est-à-dire réalisées en commun

-        Moral enfin, par la suppression de l’égoïsme et de l’envie

Ces idées un peu utopiques donneront naissance à plusieurs réalisations concrètes : une communauté ouvrière fonctionnant selon ces principes est fondée à New Lanark par Robert Owen, tandis qu’Etienne Cabet part au Texas fonder Icarie.

Charles Fourier imagine un « phalanstère » qui sera réalisé par Jean-Baptiste Godin, un ancien ouvrier qui fit fortune dans les poêles de fonte. Le familistère de Guise propose, autour de l’usine, des logements spacieux et aérés, un ensemble de services tels que crèches, écoles, théâtres, et des magasins coopératifs, c’est-à-dire gérés par les ouvriers eux-mêmes. Le familistère de Guise fonctionnera jusque dans les années 1970.

Ce premier socialisme était qualifé d’utopique car il reposait sur l’idée un peu naïve d’une solidarité naturelle entre les hommes. Le socialisme devient « scientifique » avec l’apport de Karl Marx et Friedrich Engels[1]. Leur raisonnement, trop long à expliquer ici, suppose que les contradictions internes du capitalisme le conduiront à disparaître, pour laisser la place au communisme. Ce passage de l’un à l’autre s’opérera au moyen d’une Révolution menée par les prolétaires, le jour du « Grand Soir ».



[1] Une distinction proposée par Friedrich Engels dans sa brochure Socialisme utopique et socialisme scientifique en 1880.