2.4. Classement des langues selon le système d’écriture

Pour terminer cette présentation des différentes classifications, je mentionnerai également la classification des langues selon leur système d’écriture, pour les langues qui en possède une, évidemment. Pour l’essentiel, il y a trois systèmes d’écriture qui se subdivisent en deux groupes selon que l’écriture représente les sons (le signifiant) ou ce à quoi ils sont associés dans la langue (le signifié) : 1) les systèmes alphabétiques où les symboles écrits représentent des sons ou des phonèmes (écriture romane pour le français, le polonais, le finnois, le vietnamien…, écriture cyrillique pour le russe le bulgare, l’ouzbek, … , écriture arabe pour l’arabe, le farsi ou persan, l’ourdou, … , écriture arménienne, géorgienne, …), 2) les systèmes syllabiques où les symboles correspondent à des syllabes (hiragana et katakana du japonais, syllabaires coréen, cherokee, cree…), et 3) les systèmes idéographiques où les symboles représentent le signifié des morphèmes (chinois, kanji du japonais…). Les langues étant avant tout un moyen de communication oral, l’examen des systèmes d’écriture dans le cadre de la linguistique n’est pertinent que s’il existe des corrélations intéressantes entre écriture et structure de la langue. Il est évident que l’écriture idéographique est adaptée au chinois car les unités de signification se présentent sous la forme de mots monosyllabiques sans variation morphologique (voir à ce propos la partie consacrée à la typologie morphologique). Par contre, ce système d’écriture est inadapté pour les langues dans lesquelles les unités lexicales peuvent avoir des formes différentes ou des affixes, ce qui explique pourquoi le japonais – langue morphologiquement très différente du chinois - a un second système d’écriture (syllabique) pour compléter les kanjis d’origine chinoise. Autre exemple, l’écriture arabe ne note pas les voyelles brèves mais seulement les voyelles longues, et de manière diacritique. Ce qui correspond à un fait de structure des langues sémitiques ; les voyelles à valeur distinctive ne sont que trois (/i/, /a/, /u/) et la variation vocalique à l’intérieur des mots sert avant tout à la flexion des mots alors que la structure consonantique est le support de l’identification lexicale des mots. Si l’écriture arabe est ainsi en rapport avec la nature infixionnelle de la langue, elle est inadaptée pour une langue génétiquement et typologiquement différente comme le turc dans laquelle les voyelles sont plus nombreuses et assurent une fonction distinctive sur le plan lexical. C’est pourquoi, le turc et l’ouzbek (langues altaïques) ont abandonné l’écriture arabe au début du XXe siècle au profit d’un système alphabétique. Du fait qu’il s’agit d’un système d’écriture relativement récent, le turc est ainsi aujourd’hui une des langues dont le système alphabétique est très proche de son système phonétique (une lettre correspond à un son et un son correspond à une lettre). Les autres langues non sémitiques avec écriture arabe tel le persan et l’ourdou (langues indo-européennes) ont dû aménager le système originel en ajoutant des signes. Autre exemple d’adaptation, le vietnamien : cette langue est de type monosyllabique et tonale comme le chinois (voir plus loin pour un développement de cette caractérisation typologique) mais le système alphabétique adopté au cours des XVIIe et XVIIIe siècles a dû être complété par tout un jeu de signes diacritiques suscrits et souscrits pour rendre compte des différences tonales (exemples de voyelles écrites vietnamiennes : a, á, à, ả, ạ …). Un petit exposé systématique des systèmes d'écriture est proposé dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage [1972] d’O. Ducrot et T. Todorov.