1.3. Le capitalisme marchand (2) - Les mercantilismes
Site: | Moodle Université Numérique |
Cours: | Histoire des faits économiques |
Livre: | 1.3. Le capitalisme marchand (2) - Les mercantilismes |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | dimanche 22 décembre 2024, 07:46 |
Introduction
Cette section est consacrée aux modalités concrètes du développement économique européen pendant la période qui s’étend de la fin du Moyen-Age, vers 1500, au début de la Révolution industrielle en Angleterre, en 1760.
Un double changement intervient à partir du XVI°s. Il est d’ordre politique, avec l’affirmation du Pouvoir Central au détriment des seigneurs locaux. Il est aussi d’ordre économique : désormais, la puissance du Roi se confond avec celle de ses sujets. Le Roi porte donc un intérêt particulier au développement économique, et met en place des politiques destinées à assurer l’enrichissement de ses sujets.
Les mercantilismes
La doctrine économique dominante de l’époque est le mercantilisme. L’idée principale est d’enrichir la Nation grâce à l’entrée de métaux précieux sur le territoire. Il serait plus juste de parler DES mercantilismes, car pour atteindre cet objectif, chaque pays a une tradition différente :
- En Espagne, le bullionisme préconise d’accumuler des métaux précieux en provenance des mines du Pérou et d’Argentine, et de les empêcher de sortir du territoire.
- En France, le colbertisme entend développer l’industrie sur l’impulsion de l’Etat, afin de substituer des produits nationaux aux produits étrangers.
- En Angleterre et aux Pays-Bas, le commercialisme met l’accent sur l’excédent de la balance commerciale par le développement du commerce international.
Le développement du commerce à longue distance : les Compagnies
Grâce à un certain nombre d’innovations dans la navigation (le gouvernail d’étambot) et dans les techniques de gestion (comptabilité en partie double, généralisation de la lettre de change), grâce aussi aux Grandes Découvertes, le commerce à longue distance se développe considérablement.
Pour assurer ce développement, les puissances atlantiques vont fonder les grandes Compagnies Maritimes. Ce sont des entreprises (au sens moderne du terme), chargées d’affréter des navires de commerce qui transportent les marchandises venues d’Asie et d’Amérique. Au départ, des associations de marchands mettent leurs ressources en commun pour financer ces expéditions. Mais comme les capitaux nécessaires sont considérables, les Compagnies ont besoin d’un financement de l’Etat. Celui-ci participe aussi à la protection des navires de commerce, en échange d’une partie des importants profits générés par l’activité commerciale. Ainsi, les Compagnies combinent le crédit et l’autorité de l’Etat avec les ressources et l’activité des particuliers.
Les Compagnies les plus importantes sont investies de pouvoirs souverains, comme le droit de lever des impôts, de conclure des traités, et d’entretenir leur propre armée. Elles disposent aussi, sur un plan économique, du monopole de l’exploitation et du trafic des ressources coloniales (régime dit « de l’exclusif »). Les Compagnies établissent de grandes routes commerciales, jalonnées de « comptoirs ». Ce sont des villes nouvelles, qui servent à la fois de base militaire et d’entrepôts pour les marchandises coloniales.
Plusieurs compagnies sont rentrées dans l’histoire, comme la East India Company, compagnie anglaise fondée en 1600, ou la Compagnie des Indes Occidentales, fondée par Colbert en 1664. Mais la plus célèbre est la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, la VOC, fondée en 1602.
La VOC dispose d’une flotte importante : plus de 100 navires, et du monopole du commerce avec l’Asie. Elle transporte des épices, du textile, ou encore des bois précieux. Disposant d’une flotte et d’une petite armée, elle n’hésite pas à se substituer au pouvoir politique. Ainsi lorsque le souverain local de Djakarta, en Indonésie, refuse aux Hollandais la permission de s’installer, elle rase la ville et construit une ville nouvelle à la place, nommée Batavia.Colbert (1619-1683) et le capitalisme d’Etat
Une déclinaison originale du mercantilisme est le colbertisme. Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, est mercantiliste : il reste attaché au dogme de l’entrée des métaux précieux sur le territoire national. Mais sa méthode est particulière : d’abord il développe l’industrie domestique, afin de remplacer les biens importés par des biens produits nationalement. Ensuite, une fois l’industrie arrivée à un niveau correct de savoir-faire, il taxe lourdement les importations.
C’est ainsi qu’il va procéder pour la Manufacture royale des glaces de miroir, devenue plus tard la multinationale Saint-Gobain. Venise disposait du monopole européen de fabrication des miroirs à l’époque. Colbert attire des artisans vénitiens en France pour qu’ils transmettent leur savoir-faire aux artisans français. Créée en 1665, la Manufacture parvient à fabriquer des miroirs sans défaut quelques années plus tard, et en 1672 Colbert interdit l’importation du verre en provenance de Venise. Le chef-d’œuvre de la Manufacture est la fameuse Galerie des Glaces à Versailles. Grâce à elle, la France devient en quelques années le leader européen de la fabrication de miroirs.
Le Colbertisme fait écho avec la période contemporaine. Il a inspiré des politiques commerciales plus tardives :
- D’abord, ce que l’on nomme le « protectionnisme éducateur », qui consiste à protéger, par des droits de douane ou des quotas, une industrie naissante le temps qu’elle arrive à sa maturité technologique.
- Ensuite, la stratégie de développement « par substitution des importations », adoptée par l’Algérie après l’Indépendance, qui est basée sur la promotion d’une production domestique en vue de remplacer certains biens importés.