1.2 : Quels sont les objets de la macroéconomie ?

Site: Moodle Université Numérique
Cours: Macroéconomie 1
Livre: 1.2 : Quels sont les objets de la macroéconomie ?
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: jeudi 2 mai 2024, 15:32

1. Les fluctuations de l'économie

Après avoir expliqué comment la macroéconomie a été créée, nous allons maintenant discuter de ses « objets », c’est-à-dire de ses champs d’étude.

Une fois encore, on doit souligner le rôle joué par la crise de 1929. C’est avec l’étude des crises économiques et plus généralement de l’aspect cyclique de l’économie que la macroéconomie s’est constituée. Aussi, comprendre l’origine des fluctuations de l’activité économiques et de la possibilité (ou au contraire de l’impossibilité) des politiques publiques à atténuer ces fluctuations reste-t-elle une branche majeure de la macroéconomie. On parle alors de la théorie des fluctuations ou de la théorie des cycles économiques (on utilise plus souvent l'anglais "Business Cycles").

En effet, ces fluctuations n’ont pas cessé depuis la crise de 1929 (elles existaient d'ailleurs avant 1929 ; on peut penser à la Grande Dépression entre 1873 et 1890). En s’appuyant sur les chiffres du National Bureau of Economic Research, Paul Krugman (né en 1953 et « prix Nobel » en 2008) rappelait en 2010 qu’il y a eu 11 récessions aux Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale, auxquelles il faudra bientôt ajouter une douzième, liée à l’épidémie de Covid-19 et à son impact (probablement majeur) sur l’activité économique. Fin mai 2020, quand ces lignes sont écrites, la Banque de France estime déjà que la contraction du PIB Français sera de l’ordre de 9 points [1] (6 points pour la période de confinement et 3 points depuis le début du « déconfinement »). Il y a 12 ans, la crise liée à l’explosion de la bulle des subprimes a aussi eu un effet notable sur le PIB et sur le PIB par habitant. Puisque nous disposons de quelques années de recul, nous pouvons par ailleurs mieux mesurer l'ampleur de ce choc. Ainsi, en France, le PIB se contractait de 2.9% en 2009. Cet effet est illustré dans le graphique 1 où l’on observe un net déclin du PIB par habitant en 2008-2009 (la barre verticale rouge) pour quelques pays.

Graphique 1 : La crise de 2008

Source des données : Maddison Project Database 2018

L’étude des fluctuations économiques s’intéresse donc principalement aux récessions durant lesquelles le PIB chute et le chômage augmente (et éventuellement aux dépressions quand la récession est particulièrement sévère), et aux phases d’expansion où, au contraire, le PIB augmente et le chômage diminue. Toutefois, d’autres phénomènes liés à l’activité cyclique des économies ont pu intéresser les macroéconomistes. On peut par exemple penser à la stagflation des années 70-80 qui fut caractérisée par une faible croissance et une importante hausse généralisée des prix (i.e. inflation).



[1] Un article de journal rappelant l’importance probable de la crise du Covid19 sur l’économie Française :
https://www.journaldeleconomie.fr/Le-deconfinement-va-couter-cher-a-l-economie-francaise_a8820.html 


2. La croissance à long terme

Au-delà de cet intérêt pour l’évolution à court ou moyen terme de l’activité économique, les macroéconomistes s’intéressent aussi aux évolutions de l’activité économiques sur le long voire le très long terme. Comment expliquer la croissance des économies sur de longues périodes ? Pourquoi semble-t-il y avoir des périodes de décollage des économies ? Pourquoi certains pays restent-ils pauvres alors que d’autres semblent s’enrichir de plus en plus? Va-t-on, à terme, observer une convergence des niveaux de vie ou, au contraire, ces niveaux de vie vont-ils s’éloigner indéfiniment entre pays?

Graphique 2 : La croissance dans le (très) long terme

Source des données : Maddison Project Database 2018

Les enjeux liés aux questions précédentes peuvent être observés dans les graphiques 2 et 3. Comme dans le graphique 1, le graphique 2 illustre l’évolution du PIB par habitant au cours du temps. Toutefois, ce graphique considère maintenant une très longue fenêtre de temps : plus de 500 ans dans le cas de la France et environ 300 ans pour les autres pays représentés ! On peut y observer trois « périodes ». (A) Avant 1850 (date symbolisée par la première verticale rouge dans le graphique), le PIB par habitant semble à la fois extrêmement faible (dans les rares pays où l’on dispose d’estimations de cette grandeur) et rester stable dans le temps : moins de 1500$ par habitant. Ce-sont bien évidemment des estimations mais essayons de comprendre ce qu’elles impliquent. En 1750, l’économie française générait un revenu tel que, s’il était partagé équitablement entre ses habitants, chacun disposerait d’environ 1500$ par an. Or, afin de permettre des comparaisons dans le temps, dans ce graphique, le niveau des prix retenu est celui de 2011. Aussi, bien que cela soit très simplificateur, on peut considérer que le revenu d’un Français en 1750 serait proche de celui d’un individu gagnant 1500$ par an en 2011 ! En pratique, il serait encore plus faible car le PIB ne sert pas qu’à « rémunérer » les individus et par ailleurs, une bonne partie de ce revenu serait capté par quelques individus (la noblesse par exemple).

Revenons au graphique. (B) On observe une seconde phase, entre 1850 et 1950 (la seconde barre verticale rouge) où le PIB par habitant, notamment en France et aux Etats-Unis commence à croitre [1]. Enfin, (C) on observe une dernière phase après 1950 où le PIB par habitant augmente sensiblement en France et aux Etats-Unis et peut-être plus modérément en Afrique du Sud. On peut également remarquer le « décollage » de la Chine à la toute fin de cette période.

Le graphique 3 rappelle quant à lui les importantes inégalités de développement économique qui subsistent aujourd’hui. Dans certaines zones d’Afrique sub-saharienne le PIB par habitant reste inférieur à 1000$ de 2011 quand dans certains pays d’Europe ou d’Amérique du Nord, ils dépassent les 20 000$. Afin de donner plus de sens à ces différences – et comme le rappelait David Romer dans son livre de 2006 – on peut rappeler que le salaire réel moyen est environ 20 fois plus élevé en Allemagne (ou au Japon) qu’au Bangladesh (ou au Kenya). De même, si ce revenu augmentait de 3% par an au Bangladesh, il faudrait attendre une centaine d’années avant qu’il ne rattrape son niveau aux Etats-Unis aujourd’hui.

Graphique 3 : Les différences de richesse entre pays

Source des données : Maddison Project Database 2018



[1] En Angleterre, on observerait un décollage un peu plus précoce, entre 1750 et 1800.


3. Les autres thématiques

La macroéconomie se résume-t-elle à comprendre les dynamiques de l’activité économique à court ou moyen terme et à (très) long terme ?

Ces questions ont certes une importance primordiale pour les macroéconomistes, toutefois, elles n’épuisent pas entièrement leurs objets d’études. Par ailleurs – et nous y reviendrons – enfermer les macroéconomistes dans ces questions surestimerait le cloisonnement disciplinaire au sein de l’économie contemporaine. En effet, la macroéconomie s’intéresse à de nombreuses autres questions, souvent en lien avec les précédentes. A ce titre, on peut citer les travaux de Christopher Pissarides, Dale Mortensen et Peter Diamond afin de mieux comprendre le fonctionnement du marché du travail ; travaux salués par le « prix Nobel d’économie » de 2010. Ces travaux visant à mieux analyser le marché du travail sont en lien avec la partie « fluctuation » de la macroéconomie, mais ils développent aussi des méthodologies propres et constituent ainsi une branche à part de la macroéconomie.

De la même manière, de nombreux champs d’étude comme le commerce international, la globalisation financière, la répartition des activités économiques au sein de régions ou pays ou encore la répartition des fruits de l’activité économique, s’ils ne sont généralement pas considérés comme de la « macroéconomie pure », peuvent difficilement être abordés en ignorant complètement ses ressources et ses résultats.

Toutefois, dans cette introduction à la macroéconomie (et dans la plupart des cours de macroéconomie), l’accent sera mis sur les deux premières branches : la théorie des fluctuations, qui cherche à comprendre les évolutions de l’activités économiques à court ou moyen terme, ainsi que l’impact des politiques économiques sur cette activité et la théorie de la croissance qui étudie l’activité économique dans le (très) long terme.

4. Vidéo - les objets d'étude de la macroéconomie