Leçon 9 : Enjeux du marketing et tendances de consommation à l’ère du numérique

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Cours: Marketing fondamental
Livre: Leçon 9 : Enjeux du marketing et tendances de consommation à l’ère du numérique
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Date: dimanche 24 novembre 2024, 18:01

1. Introduction

  1. Préambule
  2. Enjeux du marketing à l’ère du numérique
  3. Aller plus loin : Humanité et numérique selon Michel Serres

1.1. Préambule

Objectifs du cours :

Présenter les nouveaux enjeux marketing à l’ère du numérique et de la désintermédiation des marchés. 

Sensibiliser les étudiants sur les nouvelles tendances de consommation qui en découlent dans une perspective sociétale et responsable.

Pré-requis :

aucun.

1.2. Enjeux du marketing à l’ère du numérique

Les révolutions sociétales sont générées et dynamisées par l’apparition de nouvelles technologies (Bernard Stiegler, 2016). 

La révolution numérique est la troisième révolution majeure de l’histoire de l’humanité, chacune d’elles découlant d’une innovation technologique spécifique : 
  1. l’écriture, à l’Antiquité, a accéléré la production des connaissances,
  2. l’imprimerie, au 16ème siècle, a accéléré la diffusion des connaissances, 
  3. la numérisation des données et Internet, à la fin du 20ème siècle, a accéléré à la fois la production des connaissances et leur diffusion dans la société (par exemple, Wikipédia ou la numérisation de la musique via les dispositifs Itunes ou Deezer). 

Société postindustrielle, ère de l’information  et révolution numérique sont étroitement liées. Castells en 1998  soulignait déjà l’émergence d’une Société en réseaux dès le milieu du XXième siècle. Avec l’apparition de nouvelles technologies informatiques et numériques à l’aube du XXIième, la révolution devient celle des réseaux : ceux-ci  “constituent la nouvelle morphologie sociale de nos sociétés” (Castells, 1998). Il s’agit là effectivement d’une vraie révolution sociétale qui reconfigure les relations entre individus et les jeux de pouvoir, les institutions, les données, les informations et les connaissances.

Le numérique transforme ainsi la production et la transmission des savoirs, de nouvelles compétences se développent, comme celles de la Petite Poucette décrite par Michel Serres (2012) (voir 1.3 Aller plus loin).

En management et plus particulièrement dans le domaine du marketing, cette révolution reconfigure les modalités de prise de décision et les actions du responsable marketing. Ce dernier, pour agir, doit plus que jamais collecter des données, les croiser pour en tirer des informations, et décider. La connaissance naît de cette action. 

A l’heure de l’automatisation de la collecte des données, du big data et des systèmes apprenants “intelligents”, quel est donc le rôle du marketing  ?

La connaissance n’est pas l’information, qui n’est pas non plus la donnée. Avec la révolution numérique , la masse de données disponibles s’est fortement accrue. Comment mobiliser ces données ? Comment les croiser  pour en tirer une information ? Quelle connaissance peut-on en tirer ?

Fondamental


  • Une donnée marketing caractérise l’échange (client : identité, genre, csp…; achat : nature, type, montant, date…). Encodable, elle peut être conservée et classée sous différentes formes : chaîne de caractères, de chiffres, images, sons…
  • L’information est la combinaison de ces données qui, rapprochées, font sens pour l’utilisateur.
  • La connaissance est la mise en action de cette information, dans une prise de décision de nature stratégique ou opérationnelle.

1.3. Pour aller plus loin : Humanité et numérique selon Michel Serres

La révolution numérique génère une nouvelle pratique du marketing en s’appuyant sur une communauté transdisciplinaire allant de l’informatique, la gestion des données (« big data ») aux humanités numériques (philosophes, anthropologues, géographes, sociologues, juristes, etc.). Pourtant, si le numérique ouvre les portes de la démocratisation des connaissances dans la société, deux dangers majeurs en émergent :

  • La déconstruction du savoir :la révolution numérique a engendré un déplacement des frontières entre les territoires des « sachants », favorisant la fabrication de thèses conspirationnistes.
  • La désintermédiation des institutions :la désintermédiation des institutions établies (par exemple, les banques, les universités, la médecine ou encore les associations de consommateurs) affaiblit leur capacité à accomplir leur mission respective au service du Bien-être des citoyens.

Pour aller plus loin


“Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions: le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. 
Ce sont des périodes de crises. De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise «Petite Poucette» - clin d'œil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces. Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître… Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique…

petite poucette michel serres

Ce livre propose à Petite Poucette une collaboration entre générations pour mettre en œuvre cette utopie, seule réalité possible.” (éditions Le Pommier, 2012). Extrait : “Michel Serres : J’ai voulu décrire, à travers le personnage de Petite Poucette, un changement de civilisation. Elle n’est pas seulement l’héroïne des nouvelles technologies, elle est aussi celle qui n’a jamais vu veau, vache, cochon, couvées. Habitante d’un monde plein de 7 milliards d’habitants, elle a doublé son espérance de vie par rapport à ses grands-parents, ne fait l’expérience de la guerre qu’à l’extérieur, n’a plus le même rapport au corps, à la naissance, à la mort, etc. Les nouvelles technologies ne bouleversent pas seulement l’état du savoir, elles bouleversent le sujet du savoir. Ce dernier a changé avec l’invention de l’écriture, comme le relevait déjà Socrate. Il a changé avec l’invention de l’imprimerie. C’est ce qui faisait dire à Montaigne : « Je préfère une tête bien faite qu’une tête bien pleine. » Même changement au moment du passage au numérique : des études prouvent que l’on n’utilise pas les mêmes neurones en lisant un livre et devant un écran.“

Philosophie Magazine Michel Serres, Bernard Stiegler. Moteurs de recherche, propos recueillis par Martin Legros publié le 22 août 2012

Humain et révolution numérique - Michel Serres à l'USI.

Remarque


Selon Bernard Stiegler (2016), le numérique conduit à une déconstruction des savoirs qu’il qualifie de “barbarie”  :  « Nous n’arrivons plus à élaborer des savoirs. Une technologie est un pharmakon : ce terme grec désigne ce qui est à la fois poison et remède. Le pharmakon technologique est porteur de promesses, mais il commence toujours par provoquer mille problèmes, parce qu’il commence par détruire les cadres constitués ». 

“La disruption rend fou” - Ars Industrialis , consulter ce document

Exemple


Regards croisés Michel Serres et Bernard  Stiegler Dialogue Michel Serres et Bernard Stiegler (complet) 

Les (r)évolutions à l’ère du numérique ont des conséquences en marketing sur deux axes majeurs :
  1. L’essor du marketing digital, avec de nouveaux concepts et des pratiques marketing nouvelles pour les acteurs des marchés (partie 2),
  2. L’émergence de nouvelles tendances de consommation, avec des attentes à redéfinir et des comportements nouveaux à comprendre (partie 3).

2. De nouvelles pratiques fondées sur le marketing digital et relationnel

Plan du chapitre

  1. Le contexte : la mutation sociétale et technologique
  2. Stratégie et construction de la relation client
  3. Stratégie relationnelle et valeur du client
  4. Le CRM en pratique : marketing relationnel et marketing digital
  5. Le marketing digital dans le secteur culturel
  6. Les défis du CRM : transparence et liberté du client à l’heure de l’IA
  7. FOCUS : La stratégie relationnelle du Club Med

2.1. Le contexte : la mutation sociétale et technologique

Evolution sociétale  : une société globale, multiculturelle et connectée : la société en réseaux
  • Emergence de l’économie de service : Le secteur tertiaire contribue pour 60 à 70 % du PIB des pays les plus développés.
  • Mondialisation de l’économie et la concurrence accrue entre les entreprises sur un marché global.
  • Maturité des marchés avec le vieillissement des populations des pays industrialisés et les cycles de vie de produits déjà anciens. Dans ce contexte, comment créer de la valeur ? Conquérir de nouveaux clients peut s’avérer plus coûteux, et donc moins rentable, que capitaliser sur les anciens clients. La rentabilité des consommateurs sur le long terme conduit à reconsidérer leur fidélisation.
  • Evolution des consommateurs : de plus en plus informés, matures et exigeants, d’autant qu’ils sont plus accessibles et habiles dans leur recherche d’information. De nombreuses technologies  permettent d’interagir de façon innovante avec les clients.

Finalement, si le marketing s’intéresse aux conditions de l’échange entre un un prestataire et un client, la révolution numérique conduit à rapprocher dans le temps et dans l’espace clients et prestataires.

Remarque


La révolution numérique peut être envisagée comme la combinaison des évolutions des techniques littérales, des techniques analogiques et des techniques informatiques avec l’automatisation, la constitution de méga bases de données, et le développement d’algorithmes puissants dans le capacité de traitement de données toujours plus nombreuses. Cette révolution n’est pas sans conséquence sur le marketing, tant dans la prise de décision de nature stratégique que dans la mise en œuvre opérationnelle.

Remarque


Dans le secteur tertiaire, le service est proposé "en temps réel". Le client perçoit le processus de production comme partie intégrante de la consommation du service. Dès lors, le rapport au temps, continu et non plus “découpé” en une somme de transactions mises bout à bout, contribue à envisager les séries d’interactions successives avec le client comment une relation de long terme. Le secteur hôtelier et aérien, des services de télécom mais les banques et assurances et les grandes enseignes de distribution sont précurseurs dans l’adoption d’une approche relationnelle en marketing.

Le marketing à l’heure du numérique se confond avec le CRM (Consumer Relationship Management), qui a une double dimension : technologique et commerciale (comme le reprend l’acronyme français GRC (Gestion de la Relation client)).

Définition


Le CRM peut être défini selon deux approches qui se complètent. Le CRM « Customer Relationship Management » combine les technologies et les stratégies commerciales pour offrir aux clients les produits et les services qu’ils attendent au prix qu’ils sont prêts à payer. La GRC, “gestion de la relation client", est la capacité à identifier, à acquérir et à fidéliser les meilleurs clients dans l’optique d’augmenter le chiffre d’affaires et les bénéfices.

L’entreprise pour assurer sa pérennité cherche à fidéliser ses clients, augmentant ainsi sa valeur sur le long terme et non plus la marge générée par une transaction isolée dans le temps : c’est l’approche relationnelle, dopée par le développement des technologies et des nouveaux canaux de communication de la révolution numérique, autour d’Internet notamment.

Les entreprises sont confrontées à un enjeu stratégique qui inscrit leurs décisions et actions dans le long terme puisqu’il importe désormais de créer de nouveaux liens avec le client, consommateur-acteur aux sources de la création de valeur: créer de la valeur pour les clients c’est créer de la valeur pour l’entreprise. Cet effort engage l’organisation dans son ensemble, à tous les niveaux, tant sur le plan humain que technologique. Tout concourt à la création de connaissances.

Le CRM est une démarche qui doit permettre d’identifier, d’attirer et de fidéliser les meilleurs clients, en générant plus de chiffres d’affaires et de bénéfices.  Il s’articule autour de trois dimensions : Temporelle,  Relationnelle et Opérationnelle.

  • Temporelle car le CRM engage l’entreprise sur le long terme en orientant sa stratégie
  • Relationnelle car le CRM se fonde sur les caractéristiques de la relation nouée avec le client
  • Opérationnelle car le CRM façonne les pratiques marketing de l’entreprise

2.2. Stratégie et construction de la relation client

Comme toute stratégie marketing qui consiste à segmenter, cibler et positionner une offre commerciale sur un marché donné, le CRM s’inscrit dans la façon amont de la  démarche marketing d’identification de segments de clientèle et de différenciation de l’offre marketing.

L’automatisation de la collecte de données leur stockage dans des bases de données volumineuses (datawarehouse), leur exploitation systématique par des solutions de dataming, le big data et les outils de business intelligence permettent d’élargir la base de connaissances sur les clients à disposition des entreprises. Il est dès lors possible de mieux connaître ses propres clients, pour mieux les identifier, et les regrouper selon des critères de segmentation spécifiques à l’entreprise. Aux critères de segmentation exogènes classiques tels que les variables sociodémographiques associées au consommateur lambda, viennent s’ajouter les données collectées au cours des transactions répétées du client avec l’entreprise : type d’achat, montant, date, fréquence par exemple… Ainsi le consommateur anonyme opérant une transaction isolée devient un client plus ou moins ancien, plus ou moins fidèle, dont on connaît l’historique des achats.

Fondamental


Relations primaires, relations secondaires et types de client.

On peut distinguer des relations primaires et des relations secondaires . Les relations primaires sont des relations interpersonnelles qui engagent les deux parties dans la durée, sur le long terme. Elles ont une forte dimension émotionnelle qui débouche sur un sentiment d’obligation mutuelle des deux parties. Les relations secondaires sont davantage orientées sur le court terme, avec un degré d’interaction sociale limité, encadrée par des règles d’usage clairement établies et des rôles entre parties bien définis.

Caractéristiques de la relation client

(d’après Peelen et al, 2006)

2.2.1. La dynamique relationnelle

Par ailleurs, une relation évolue avec le temps : elle naît, vit et meurt. Le cycle de vie d’une relation peut être organisé autour de cinq phases.

  • le démarrage (phase 1) : les deux parties font connaissance
  • l’exploration (phase 2) : l’empathie joue un rôle beaucoup plus important ici : les interactions se multiplient et des négociations sont engagées
  • la croissance (phase 3) : à ce stage les parties prennent davantage de risque, la dépendance mutuelle augmente
  • la saturation (phase 4) : la relation atteint son maximum eu égard à la dépendance mutuelle, la confiance, et le respect réciproque
  • le déclin (phase 5) : l’attention de l’une ou l’autre des parties va vers d’autres partenaires potentiels

Il faut donc être capable en CRM d’anticiper les moments critiques dans la relation client, de façon à rester le plus possible en phase 4.

2.2.2. Les piliers de la stratégie de la relation client

Les étapes de la stratégie de la relation client

Le CRM s’organise entre entre analyse et action : il s’agit d’identifier, de différencier mais également d’interagir et de personnaliser. Les questions de d’identification et de différenciation relèvent plutôt d’aspects stratégiques, les interactions et la personnalisation de la relation client sont plutôt d’ordre opérationnel.

Ceci étant, les données collectées dans le suivi des actions relationnelles menées alimentent les bases de données relationnelles, permettant d’affiner les connaissances et de décider autrement. Une fois amorcée, les approches relationnelles orientent l’entreprise dans une dynamique vertueuse de création de valeur.

Fondamental


La stratégie de la relation client, entre analyse et action : les étapes du CRM
Le CRM analytique s’appuie sur les données relationnelles, elles-mêmes alimentées par le reporting des résultats des actions CRM menées. Ces données sont analysées, ce qui permet d’identifier des segments clients et de cibler ceux qui méritent une politique relationnelle adaptée. Les actions CRM menées sont dès lors des actions de fidélisation: retenir les clients peu actifs (panier moyen faible, fréquence d’achat rare… ) ou capitaliser sur les clients fidèles en leur proposant de nouveaux produits, en multipliant les occasions de contact avec eux, ou les deux à la fois (ventes croisées, personnalisation de l’offre..). Les résultats de ces politiques différenciées sont évaluées, et constituent des données qui alimentent la base de connaissance sur les clients.

Données relationnelles,Analyse, Datamining,Segmentation, ciblage des clients Fidélisation des clients, Efficacité marketing

(d’après Peelen et al, 2006).

2.3. Stratégie relationnelle et valeur du client

La stratégie  de la relation client vise non pas à augmenter la valeur d’une transaction unique avec un client anonyme, mais à développer la valeur du client sur le long terme : l’objectif n’est pas de conquérir un client rare et difficile à convaincre, mais plutôt de fidéliser un client déjà acquis, voire le retenir. Fidéliser un client déjà identifié est cinq à dix fois moins coûteux qu’acquérir un nouveau client. Et même parfois, retenir un client permet de d’augmenter ses revenus de façon conséquente : dans certains secteurs une baisse de 5% du taux d’attrition permet d’augmenter de 75% les revenus.

Adopter une approche relationnelle plutôt que transactionnelle inscrit l’entreprise dans le long terme : le client ne va plus permettre de dégager un bénéfice immédiat transaction après transaction. Il est envisagé dans la valeur qu’il va contribuer à construire tout au long de sa vie relationnelle avec l’entreprise.

Définition


La valeur à vie du client (customer lifetime value) est la valeur actuelle de la contribution future du client aux recettes de l’entreprise, diminuée des coûts. Elle est positive si le montant des transactions est supérieur aux montants consacrés pour les obtenir et pour maintenir la relation dans le temps.

Exemple


Calcul de la valeur à vie d’un client :

Pour calculer la valeur à vie du client A, on va affecter au client A toutes les recettes et les coûts qui lui correspondent précisément. Cela suppose donc

  • d’avoir identifié ce client A et de la tracer ;
  • de pouvoir affecter les coûts (donc avoir des outils de contrôle de gestion adaptés).

Par exemple, d’une part il faut connaitre le Chiffre d’Affaires brut, les remises accordées, les retours éventuels, mais aussi pouvoir affecter le coût de traitement administratif de la commande, le coût de traitement physique, le coût de traitement des retours (physique et administratif), le coût d’acquisition et de gestion de la relation client. 

On obtient ainsi la contribution du client aux dépenses de l’entreprise.

En pratique l’entreprise ne va pas raisonner pour un client A mais pour un segment de clientèle A, et sur une durée limitée : 2 ou 3 ans plutôt que la durée de vie probable qui nécessite d’avoir un bon recul historique, ce qui n’est le cas que de quelques entreprises anciennes.

Fondamental


les types de politique relationnelle, selon les segments clients

Les informations relatives à la relation avec le client (phase et intensité de la relation) ainsi que sa valeur à vie peuvent conduire l’entreprise à mettre en place une stratégie différenciée selon les segments visés. Il s’agira de reconquérir les clients dont la valeur à vie est élevée, mais avec lesquels la relation peut être qualifiée de faible. A l’opposé, l’entreprise a intérêt aà rationaliser les actions menées avec les clients dont la valeur à vie est plus modeste, mais avec lesquels la relation est plus intense. Les clients avec qui les relations sont faibles et dont la valeur à vie est modeste ne seront pas l’objet de politique dédiée : cela s’apparente à une politique d’abandon.  Enfin, les clients dont la valeur à vie est estimée importante et avec lesquels les relations sont intenses sont la cible privilégiée d’une politique de fidélisation. Evidemment, toute la difficulté pour l’entreprise tiendra dans cette segmentation croisée: comment estimer la valeur à vie ? Comment opérationnaliser l’intensité de la relation ? Selon la fréquence des interactions, l'ancienneté des interactions, ou leur  contenu ?

Remarque


Comme toute stratégie se construisant sur les ressources et compétences de l’organisation, la stratégie relationnelle  repose sur un ou plusieurs avantages concurrentiels, à savoir la combinaison d’éléments difficilement imitables.

La stratégie de la relation client se construit autour de la recherche de trois types d’avantage concurrentiel qui permet de se différencier de ses concurrents :

  • L'avantage concurrentiel provient de la combinaison unique entre prix, qualité et facilité d’achat, meilleure que celle proposée par les concurrents.
  • L’avantage concurrentiel se centre sur l’innovation et renouvellement des produits, de façon à surprendre le client. C’est la stratégie du Leadership produit.
  • L’avantage concurrentiel s’appuie sur la connaissance du client et de ses préférences. La stratégie poursuivie est celle de partenariat : être capable de proposer au client des solutions adaptées, uniques et complètes.

Conclusion : L’entreprise relationnelle
Quelle organisation pour une stratégie de la relation client ?

L’enjeu pour l’entreprise relationnelle réside dans la formulation d’une stratégie orientée client, mais également dans la transmission de cette stratégie en interne, auprès de salariés. Et tout ceci n’a de sens que ces mêmes salariés adhèrent à cette mission, s’en fassent l’écho et la portent.

Ainsi, la relation de partenariat recherchée par l’entreprise avec ses clients ne peut être sincèrement et légitimement portée par le personnel que si elle se reflète et se nourrit des relations partenariales en interne, relations portées par la confiance et l’engagement mutuel des salariés et de l’entreprise . Ces relations sont façonnées par les dispositifs formels et informels qui fondent l’organisation : sa structure et  sa culture.

Fondamental


La culture organisationnelle se compose de convictions, normes et valeurs internes auxquelles adhèrent les salariés de l’entreprise.

A un niveau individuel, une culture relationnelle peut se caractériser par :

  • Une bonne capacité d’empathie.
  • Une attitude ouverte, transparente et sincère, particulièrement dans la gestion des moments critiques de la prestation de service.
  • La reconnaissance honnête de ses limites et de ses capacités professionnelle.
  • La capacité de rester positif vis-à-vis de l’interlocuteur.

Pour l’entreprise relationnelle, l’enjeu consiste à développer ces éléments à un niveau collectif. Cela est possible dans la mesure où les valeurs et normes communes sont accessibles à tous (elles sont « formalisables »), et sont portées et relayées par des « champions » culturels occupant les  postes adéquats. Les normes et valeurs sont systématiques traduites en actions concrètes, ou symboliques (tenue, mascotte… ) et le système porté par les ressources humaines en matière de sanction et de récompense orientant les comportements.

2.4. Le CRM en pratique : marketing relationnel et marketing digital

2.4.1. Le marketing relationnel et le mix marketing

Dans une approche relationnelle, le client est au cœur  dans la définition du mix marketing. Par là même, sont soutenues les interactions , et donc la relation, client –entreprise. Le client intervient dès la conception du produit, agit sur le prix, est partie prenante de la communication et de la distribution. Le client est sollicité pour participer, mais est aussi moteur à travers les interactions répétées via les multiples canaux  à sa disposition.

distribution communication produit prix

Participation du client et Mix marketing, adapté de S. Capelli Sonia et D. Dantas (Gestion, 2012)

Remarque


Comment intégrer les clients à la démarche marketing?

“La révolution numérique a permis à un grand nombre d’entreprises de servir leurs clients de façon plus personnalisée et même de les intégrer dans la démarche marketing. En donnant des exemples réels, l’article illustre comment les clients peuvent participer, à l’égard des produits et des services, à la production, à la communication, à la fixation du prix et à la distribution. Après avoir résumé les atouts et les risques du co-marketing, nous insistons sur les conditions de succès à réunir pour en optimiser les retombées, soit donner aux clients des signaux les incitant à interagir, distinguer les compétences relationnelles, créer un système d’information interactif et respecter la voix du client.”

Capelli, S. & Dantas, D. (2012). Comment intégrer les clients à la démarche marketing?. Gestion, vol. 37(1), 74-83. Consulter ce document.

Le client acteur du mix marketing conduit à articuler le mix non plus autour des 4 P mais des 4 C.  Il s’agit de comprendre les attentes profondes du client, et donc pour ça bien le connaître, plutôt que de se centrer d’abord sur les fonctionnalités du produit. Le budget acceptable par le client prime dans la définition du prix. La facilité d’achat est essentielle. Et enfin, en matière de communication, il importe d’instaurer sur le long-terme un dialogue avec le client, dans un objectif communautaire.

Les 4 P et les 4 C

2.4.2. Le marketing digital au service de la relation client

Sans les nouvelles technologies d’information et de communication, pas de CRM tel que pratiqué aujourd’hui, notamment dans ses modalités d’interaction avec les clients. 

Dans l’entreprise, non seulement l’évolution des techniques informatiques permet la constitution de méga-bases de données sur  les clients (informations sur les caractéristiques socio-démographiques, historique d’achat avec l’entreprise). Mais la convergence des technologies, qu’elles soient de collecte, de stockage ; d’analyse et d’interactions à travers le scanning, le datawarehouse, datamining, internet, les PGI comme SAP, Oracle, Open-ERP, les réseaux, la téléphonie mobile et la géolocalisation ; conduit à une plus grande intégration des canaux d’interaction avec le client. A la fin des années 2000, les applications informatiques basées sur le Cloud enrichissent encore l’approche relationnelle des entreprises, avec des solutions comme celles proposées par Salesforce, innovateur à l’époque.

Quant aux clients, leurs usages du numérique sont aujourd’hui massifs, et de plus en plus mobiles, via smartphones et tablettes prenant le pas sur les ordinateurs personnels. Naissent des communautés en ligne, avec lesquelles l’échange s’enrichit grâce aux nombreux média digitaux. Le marketing digital passe par l’animation de ces communautés via les réseaux sociaux, et vise à non seulement faire vivre la relation client mais déployer l’expérience client à travers les différents canaux d’interaction, en misant sur une connaissance toujours plus fine du client. Toutefois, si le projet est ambitieux, et déjà bien avancé dans certains secteurs, les décideurs ne peuvent échapper à une réalité digitale inégale : de nombreuses disparités existent, entre pays mais également entre classes d’âge, niveau d’étude et des revenus de la famille. (Tissier-Desbordes E. et Giannelloni J.-L. ”Repenser le marketing à l’ère du numérique”, Décisions Marketing n°73 Janvier-Mars 2014)

Remarque


Le marketing digital, des pratiques en perpétuelle évolution

Marketing digital, 7ème Edition," David Chaffey & Fiona Ellis-Chadwick & Henri Isaac & Maria Mercanti-Guérin, 2020. Pearson. 

“Trente ans après les débuts du Web, et alors même que l’on entre dans une ère post-PC avec les terminaux mobiles et les objets connectés et que d’aucuns appellent à une approche du marketing intégrée et éthique, la nécessité d’un ouvrage spécifique, dédié au marketing digital, demeure. Nous pensons que si les dispositifs digitaux doivent bien évidemment s’intégrer dans une démarche marketing globale, il n’en demeure pas moins que les spécificités des actions digitales demeurent encore très fortes, tant par les technologies toujours plus sophistiquées qu’elles mobilisent, que par leur multiplication, qui nécessite une compréhension approfondie pour mener à bien des actions marketing pertinentes et respectueuses de règles juridiques et éthiques”.

2.5. Le marketing digital dans le secteur culturel

Exemple


Le Musée du Louvre et l’Opéra Garnier

Les pratiques de Yield Management (ou Revenu Management) qui consistent à proposer des tarifs avantageux aux clients qui achètent pendant les périodes creuses de façon à utiliser au mieux les capacités de production ne se cantonnent plus aux entreprises de service pour lesquelles leur production n'est pas stockable : elle est courante dans le secteur du transport ( auprès des compagnies aériennes (qui ont inventé ce concept dans les années 70, SNCF) ou de l’hôtellerie (Accor, Club Med). Elles se développent également  dans le secteur culturel (théâtres, concerts, festivals, musées, expositions…) où la fréquentation des salles de spectacles et des lieux de culture est dopée à l’expérience unique du visiteur-spectateur.

L’Opéra de Paris a mis en place le Revenue Management pour gérer ses deux salles :  l’opéra Garnier et l’opéra Bastille. L’Opéra de Paris programme ainsi 300 à 400 représentations par an , avec un taux de fréquentation physique très variable : de 30% à 100% selon les séances. Une modulation des tarifs était déjà pratiquée selon les genres (opéra/ballet /concert) et par spectacle, en tenant compte de la notoriété et de l’ancienneté des spectacles proposés. A partir de la saison 2014-2015, les tarifs varient également selon  les dates de représentation : par exemple, les tarifs des opéras et des ballets du Palais Garnier sont  minorés de 10% tous les lundis soirs et samedis en matinée, et majorés de 10% tous les vendredis et samedis soirs. Dans  le même temps les clients fidèles (abonnés) se sont vus proposer des réductions supplémentaires. 

Exemple de grille tarifaire proposée par l'Opéra Garnier pour les Noces de Figaro 


(source : www.operadeparis.fr, consulté le 01/09/2021)

Les résultats sont probants puisque les jours où la fréquentation était moindre ont connus des taux de remplissage significativement supérieurs.

Le Musée du Louvre accueille plus de 10 millions de visiteurs en 2018, dont 8 millions de visiteurs étrangers, soit une augmentation de 25% des visiteurs étrangers. Le Louvre est présent sur Facebook; Instagram et Twitter, YouTube, Weibo, WeChat.

Au delà de cette présence active sur les réseaux sociaux, Le Louvre collabore également étroitement avec la société des Amis du Louvre qui développe son activité autour de l’expérience visiteur. Mécénat collectif. massification du mécénat collectif par les réseaux sociaux ?

Les Amis de Louvre est une Société créée en 1897 et reconnue d’utilité publique est une société indépendante d'amateurs d'art. Elle compte près de 60 000 membres qui défendent “un modèle original de mécénat collectif”. L’assise financière et la rayonnement des Amis du Louvre en fait un interlocuteur privilégié du Musée et s’érige même en partenaire. Les actions menées participent à la co-construction de l’offre culturelle du Musée du Louvre via l’acquisition d’œuvres d’art ou la participation à des projets de rénovation, tels celui des Jardins des Tuileries en  2020.

Le Louvre relève le défi de l'expérience visiteurs (C. Montfort, Avril 2019), consulter le document.

2.6. Les défis du CRM : transparence et liberté du client à l’heure de l’IA

L’un des facteurs essentiels de la réussite ou de l’échec du CRM réside dans la capacité à exploiter les données relationnelles, toujours plus nombreuses et alimentant la mémoire de l’entreprise quant à ses interactions avec chaque client.

Historiquement, le stockage des données s’est développé autour de la mise au point d’entrepôts de données (Datawarehouse), auquel se sont adossées des solutions informatiques pour traiter et analyse ces données massives : les outils de datamining. Mais avec le développement d’Internet, des réseaux et des objets connectés, la capacité des entreprises à tracer les consommateurs et à stocker ces informations, le CRM est désormais confronté aux défis associés au  Big Data et de l’intelligence artificielle, autour des questions de transparence, de liberté et d’intimité du client.

Fondamental


Les 3 V du Big Data

Le Big Data se caractérise par les 3V des données : leur vélocité (la rapidité et la fréquence avec laquelle elles  sont  créées, collectées et partagées), leur variété (multiplicité des sources de données, données peu structurées et ouvertes), et leur volume ( des données, des capacités de stockage).

Les technologies du Big Data visent à traiter des données à volume élevé, à grande vitesse et à grande variété pour extraire la valeur des données voulues et garantir une haute véracité des données originales et des informations obtenues” (traduit de Gandomi, A., & Haider in International Journal of Information Management, 2015 : ‘Big Data Technologies are targeting to process high-volume, high velocity, high-variety data to extract intended data value and ensure high veracity of original data and obtained information that demand cost-effective, innovative forms of data and information processing for enhanced insight, decision-making, and processes control ; all of those demand  new data models and new infrastructure services and tools that allows also obtaining from a variety of and delivering data in a variety of forms to different data and information consumers and devices."

Le facteur clé de succès des pratiques CRM  réside dans la capacité à poser les questions pertinentes et rendre “intelligentes" et intelligibles ces données. Il s’agit de modéliser, et de décider pour agir. En d’autres termes il s’agit de prédire en élaborant des algorithmes qui permettent de simplifier et automatiser les fonctions mentales d’un cerveau humain aux capacités cognitives dépassées par cette masse de données, toujours renouvelée. Dans cette perspective, l’intelligence artificielle paraît pleine de promesses : elle devient  même enjeu national.

Définition


Intelligence Artificielle, Données et Compétitivité

Pour simplifier, nous sommes face à deux définitions possibles. Une définition qui insisterait sur le caractère évolutif et personnalisé ou feint de la réponse ; le fait qu’au fil du temps la réponse ne sera pas la même que celle que l’on attendait au départ. Une deuxième définition qui insisterait sur le rôle des exemples. Et c’est là qu’arrive le véritable problème : la donnée ! La plupart des algorithmes d’IA modernes dépendent non seulement de la qualité du programmeur, mais aussi de la qualité des données qui servent à l’apprentissage. Ça change complètement la notion et les facteurs de performance de l’algorithme, mais aussi de compétitivité en matière économique. Il ne suffit pas d’avoir la bonne idée. Il faut avoir la bonne idée et le grand jeu d’exemple et de données.“ (Cédric Villani, in La revue du département Intelligence et sécurité économiques, Défis n°8, 2017, p.107).

Avec l’IA, il ne s’agit plus de seulement de développer des  algorithmes surpuissants capables de traiter et d’analyser des milliards de données. Il s’agit de développer des modèles automatiquement générés et  auto apprenants, de façon automatique (le Machine learning) , voire adaptatifs de façon plus profonde (Deep learning), et orientant les comportements d’individus dont la machine voit tout, prédit tout.

Les données combinées à ces algorithmes permettent par conséquent la création de services à forte valeur ajoutée qui apprennent continuellement des données d’usage ou d’un quelconque processus opérationnel pour améliorer leur offre.Consulter le document.

Or toutes les formes d’IA posent des questions d’ordre éthique : quelle confiance accorder à des partenaires qui ne maîtrisent pas les modèles issus des données qui leur sont confiés de façon non volontaire ? C’est bien la question de la toute transparence du client et de l’opacité de la boîte noire de l’entreprise.

Exemple


Tous acteurs des données

«Au-delà de leur contribution économique, les données transforment en profondeur notre rapport aux institutions. De l’information du consommateur à la redevabilité des élus et de l’administration, le mouvement d’ouverture des données donne notamment une nouvelle dimension au principe de transparence. Pour être un citoyen à part entière à l’heure numérique, il est ainsi plus que jamais nécessaire d’en maîtriser les codes. Cet ouvrage vise à en donner les premières clés de compréhension.» déclare Henri Isaac, Président de Renaissance Numérique.

« La mandature de la Commission européenne qui s’achève avait fait de la réalisation du marché unique numérique l’une de ses priorités. Le RGPD, qui vient créer un cadre solide et ambitieux pour la protection des données personnelles, en est l’une des réussites majeures, tout comme la libre circulation des données non personnelles, mais il reste beaucoup à faire pour harmoniser les réglementations et entrer pleinement dans l’ère des données. Par cet ouvrage, Syntec Numérique pose les sujets sur lesquels la nouvelle mandature devra se prononcer » estime Godefroy de Bentzmann, Président de Syntec Numérique.  Consulter le site.

Avec le big data et l’IA, la collecte et le stockage massifs des données ainsi que les processus d’extorisiation des fonctions mentales et d’automatisation de l’apprentissage peuvent être considérés comme des menaces potentielles sur les libertés individuelles. Le législateur dès 1978 se préoccupe de donner un cadre légal aux pratiques informatiques collectant des données individuelles. La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) est chargée de faire respecter ces règles, son action ne pouvant entravée par les autorités publiques, ministres et dirigeants d’entreprises, publiques ou privées.

Les avancées technologiques de la révolution numérique conduisent en 2016 à l’élaboration de la loi pour une république numérique afin de permettre aux individus de mieux maîtriser leurs données personnelles. Elle élargit le pouvoir et les missions de la CNIL.

Les pratiques de CRM se conforment à ce cadre légal, renforcé au niveau européen en 2018 par le RGPD (règlement européen sur la protection des données personnelles).

Exemple


La loi pour une république numérique

  • De nouveaux droits pour les personnes: L’affirmation du principe de la maîtrise par l’individu de ses données, Le droit à l’oubli pour les mineurs, La possibilité d'organiser le sort de ses données personnelles après la mort.
  • Plus d’information et de transparence sur le traitement des données : L'information des personnes sur la durée de conservation de leurs données.
  • Les compétences de la CNIL confortées et élargies : Un pouvoir de sanction renforcé, une consultation plus systématique de la CNIL, la publicité automatique des avis de la CNIL sur les projets de loi.La conduite par la CNIL d’une réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution des technologies numérique.
  • L’ouverture des données publiques étendue.

Consulter le site.

2.7. FOCUS : La stratégie relationnelle du Club Med

FOCUS


La stratégie relationnelle du  Club Med

A l’aube du XXI ième siècle, après plus de cinquante ans d’existence, le ClubMed repense sa stratégie en faisant de la relation client son fer de lance. Comme toute approche CRM, cette stratégie relationnelle se décline tant sur les aspects technologiques qu’organisationnels de l’entreprise.

Du Club Méditerranée au ClubMed : histoire d’un succès
Créé en 1950 par Gérard Blitz, le Club Méditerranée est leader sur le marché du tourisme mais surtout sur le concept des vacances « tout compris », concept inventé par les deux fondateurs Gilbert Trigano et Gérard Blitz. Cette idée de « tout compris » (all inclusive) est associé à un état d’esprit épicurien :  « De cette idée est né un esprit … le but de la vie c’est d’être heureux. Le lieu pour être heureux c’est ici. Le moment pour être heureux c’est maintenant ».  (G. Blitz, source : Corporate Clubmed).

Dans les années 50, Le Club Méditerranée est d’abord une association dont les clients sont membres (GM, Gentils Membres), et les salariés des organisateurs bienveillants et accueillants (les GO, Gentils Organisateurs). L’ambiance et la convivialité qui règnent dans ces lieux de vacances, au départ des campings équipés des tentes Trigano, puis à partir de 1965 dans des villages en dur (le tout premier, au Maroc), font le succès de ce qui est depuis 1957 une entreprise. Dès lors, bénéficiant de l’essor du tourisme aérien, le Club Méditerranée s’implante un peu partout dans le monde et finit par être présent dans 40 pays à travers 80 villages. Le développement n’est pas seulement international : l’entreprise se diversifie à travers un réseau de filiales et a son propre réseau de distribution.

Si, en 1994, le Club Méditerranée fête son vingt millionième client, il est en perte depuis un an. Aux difficultés pour conquérir de nouveaux clients avec une offre trop complexe et une image dévalorisée et vieillissante, s’ajoute à partir de 2002 la crise du marché du tourisme international : le Club ferme une vingtaine de villages au début des années 2000. En 2004 un renouveau stratégique s’opère : le Club Med réinvente le concept pour séduire et fidéliser une clientèle familiale exigeante.

 La relation client, au cœur du renouveau stratégique du ClubMed.

Si l’augmentation du budget vacances des Français les plus aisés constitue une opportunité de croissance pour les opérateurs du marché du tourisme tels que le ClubMed, la crise mondiale de ce marché et la concurrence du low cost touristique sont des menaces fortes. Par ailleurs, le souci croissant en matière de tourisme éthique ainsi que les exigences accrues quant à la qualité des prestations sont autant des facteurs de développement comme des contraintes qui peuvent peser sur le ClubMed. C’est de sa capacité à tirer parti de ses forces internes en tant que leader historique et pionnier sur le voyage tout inclus, qui lui a permis d’accéder à des sites exceptionnels, qu’il peut dégager un avantage concurrentiel pour faire des tendances du marché du tourisme des opportunités de croissance. Il lui faut cependant améliorer la qualité des infrastructures ainsi que l’image dégradée du ClubMed pour parvenir à renouer avec le succès.

Les choix stratégiques opérés en 2004 sont une réponse à ce diagnostic stratégique. Une nouvelle cible est définie, autour des familles et les jeunes actifs (cadres et professions libérales) à hauts revenus. Le ClubMed affirme un positionnement haut de gamme associé au savoir-faire français, à travers des formules « à la carte » où le tout compris, marque de fabrique, est réaffirmé, ainsi que la montée en gamme des prestations de service, de l’accueil et des infrastructures : tout est possible au ClubMed, quelle que soit la destination, quel que le type de vacances choisi.

Le CRM au ClubMed : quand technologie et organisation centrée sur le client développent l’expérience client pour créer de la valeur

Le renouveau stratégique du ClubMed est un renouveau relationnel et digital, qui fait du management de la relation client le socle de la stratégie. Le CRM mis en place illustre la double dimension technologique et organisationnelle sur laquelle se fonde cette stratégie.

La dimension technologique de la stratégie relationnelle

Le volet technologique du CRM du ClubMed s’articule autour du système de fidélisation déjà en place et de la mobilisation du multiples canaux d’interaction.

Système de fidélisation déjà en place 

  • Segmentation client selon la fréquence d’achat :« amis », « amis proches » et « amis intimes ». On distingue, parmi les clients - amis intimes, les « puristes » :  généralement des clients qui ont, au fil des années, multiplié le nombre de leurs séjours, et qui adhèrent fortement au concept du Club.  L’objectif est de les informer rapidement et fréquemment sur les promotions de façon à les faire évoluer dans la pyramide relationnelle de façon à les rendre ambassadeurs voire partenaires de la marque.

  • De multiples canaux d’interaction: Le ClubMed développe une application mobile dédiée (My club med app) pour accompagner au quotidien le client pendant son séjour (tout savoir sur le village et profiter au mieux de ses vacances), l’orienter vers les animations et sports qui l’intéressent. La relation se construit avant même l’expérience de consommation puisque l’application permet d’organiser à l’avance sa journée de vacances, mais également après celle-ci puisqu’une fonctionnalité réseau social (MyStory) permet de créer du lien : “Revivez en image vos plus beaux souvenirs de vacances et partagez vos émotions avec vos proches.” Et même, le ClubMed met au point une plateforme collaborative pour co-créer les expériences de vacances avec les clients les plus fidèles et véritables partenaires  (les Club Makers) : plusieurs Club Makers ont été identifiés pour participer aux différentes phases et devenir des "Club Makers Testeurs", véritables consomacteurs créateurs.

La dimension organisationnelle  du CRM

L’organisation du ClubMed est tournée vers la stratégie relationnelle voulue par le ClubMed à travers sa structure et sa culture organisationnelle :

  • La structure : La structure organisationnelle du ClubMed est transverse, ouverte sur les clients et orientée projet. Le développement de l’application My Club Med App en est l’illustration. Plusieurs Club Makers ont participé aux différentes phases du développement de l’application mobile et ont intégré l’équipe projet de développement en tant que testeurs. A ce titre ils ont interagi avec les équipes de développement sur le contenu et l’ergonomie de l’application.
  • La culture : L’entreprise est marquée par « l’esprit Club » qui en a fait son succès : épicurisme, convivialité. L’existence de magasins encore physiques pour vivre l’expérience Club Med en réalité immersive en est une manifestation. Mais c’est bien auprès des salariés, toujours GO (gentils organisateurs), que prennent racines les valeurs portées par l’entreprise : ouverture  et accessibilité. Ouverture et accessibilité relayes au plus haut niveau avec l’existence d’un  comité de direction ouvert: l’Open Codir.

3. Tendances de consommation et responsabilité du marketing

Plan du chapitre

  1. Comprendre le comportement du consommateur, pourquoi ?
  2. Ethique dans la pratique marketing
  3. Ethique et consommateur, l’émergence des contre-pouvoirs
  4. Le marketing social au service du consommateur et de la société
  5. FOCUS : Etiquetage nutritionnel
  6. Etudes des tendances de consommation
  7. FOCUS sur 3 tendances majeures de consommation sur les marchés

3.1. Comprendre le comportement du consommateur, pourquoi ?

L’étude du comportement du consommateur vise à comprendre les processus qui mènent à la décision du consommateur. Au delà du mythe de la persuasion du consommateur, voire de sa manipulation, l’enjeu pour les praticiens du marketing est de comprendre pour agir sur la décision dans un objectif marchand et/ou sociétal.

La prise en compte du comportement et des attitudes des consommateurs permet aux entreprises de s'adapter afin de proposer les produits les plus pertinents possibles au sein d'un marché. Le processus d'achat étant complexe et dépendant de nombreux critères, il est nécessaire que l’entreprise ait bien réussi à cerner à qui s'adressent les produits, et quelles peuvent être les actions du consommateur envers ceux-ci. L’étude du comportement du consommateur repose ainsi sur la connaissance des besoins, des désirs, des habitudes de consommation et les valeurs des individus.

Fondamental


Étudier le comportement du consommateur, c’est :

  1. utiliser des connaissances de l’économie, la sociologie, l’anthropologie,  la psychologie et du marketing,
  2. pour analyser le comportement humain, de manière individuelle et en groupe,
  3. dans le contexte particulier de la consommation ou de l’achat d’un produit ou d’un service.

Définition


La notion de « consommation »

«L’ensemble des actions mises en œuvre pour l’acquisition, la consommation et l’élimination de produits ou de services, incluant les processus de décision qui suivent et précèdent ces actions ».

La consommation désigne le fait de consommer (autrement-dit utiliser) des biens et services, généralement dans le but de satisfaire des besoins ou des désirs. La production génère des revenus qui seront soit consommés (utilisation immédiate de la production), soit épargnés (utilisation future de la production) (Ministère de l'économie, des finances et de la relance).

Consulter le site.

3.2. Ethique dans la pratique marketing

La question de l’éthique des pratiques marketing est au cœur des débats. S’il est légitime pour les acteurs du marché (les entreprises et les pouvoirs publics) de vouloir drainer les consommateurs vers leurs produits ou services, le responsable marketing peut et doit exercer son métier de manière éthique. L’information et l’éducation du consommateur, qui lui permet de décoder de mieux en mieux les techniques de marketing, constitue un contre-pouvoir réel sur les marchés pour en préserver l’éthique. L’émergence historique de contre-pouvoirs institutionnels sur les marchés, comme le DGRCCF ou les associations de consommateurs agréées, est un facteur clé pour préserver l’éthique sur les marchés (figure “les pouvoirs et les contrepouvoirs”).

Définition


La notion de “Marketing” par  l’Association Française du Marketing (2016) :

Le concept de marketing est une vision spécifique des échanges. Ceux-ci doivent être équitables et impliquer la création de valeur pour chacune des parties prenantes (individus, organisations, institutions).

Source : Bulletin N°15, Comité Ethique et Cancer, Patrick Baudry, 01/07/2014, Morale, éthique, déontologie & droit | Éthique et Cancer

“Morale” : La morale correspond à l’ensemble des normes acceptées, et des valeurs respectées par une société humaine. C’est sur ces normes, parfois révélées ou imposées, que se fondent le permis et le défendu. Référence d’un groupe d’individus, elle n’est pas universelle. Mais, point d’ancrage d’une société, elle y assure une certaine pérennité.

“Ethique” : L’éthique a pour fonction de transposer la morale dans le fonctionnement et la dynamique de la société. Elle repose sur une réflexion pluridisciplinaire et un débat ouvert entre convictions parfois opposées. On peut différencier l’éthique fondamentale qui est une réflexion sur les normes et les valeurs et l’éthique appliquée qui contribue à déterminer ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire dans des circonstances et des conditions particulières.

"Déontologie" : La déontologie représente un ensemble d’exigences et de règles propres à un domaine particulier ou une profession. Ces règles sont établies sur un socle de valeurs morales et de normes éthiques. La déontologie est mise en place dans des codes de bonnes pratiques. Elle contribue à une identité professionnelle et à sa stabilisation.

“Droit” : Le droit dit ce qui est permis ou défendu, sans avoir la charge de définir la valeur des actes ou les notions de bien et de mal. Le droit gère le « vivre ensemble » ; il a donc une fonction très structurante de la société.

Exemple


Qu’est-ce que le Comité Consultatif National d’éthique  ?

Quel est le rôle du Comité consultatif national d'éthique ?

Les pratiques éthiques autour de deux exemples : la gestion de la relation client et la gestion de la marque.

S’il est légitime pour les acteurs du marché (les entreprises et les pouvoirs publics) de vouloir drainer les consommateurs vers leurs produits ou services, le responsable marketing peut et doit exercer son métier de manière éthique.

Ethique et gestion de la marque : vers la construction d’une identité de marque éthique ?

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-quand-la-crise-revele-lethique-des-marques-1193578

Ethique et relation client : vers un management éthique de la force de vente ? 

https://www.management-commercial.fr/2019/12/09/ethique-dans-les-fonctions-commerciales-un-enjeu-de-la-rse/

Exemple


Exemple de pratiques marketing ou commerciales non-éthiques inacceptables :

  • l’intention de provoquer des tentations en décalage avec les besoins effectifs des clients, comme l’incitation au suréquipement ou au surendettement de personnes socialement vulnérables,
  • des argumentaires de vente trompeurs, véhiculant une publicité mensongère,
  • l’exploitation abusive de sentiments ou d’émotions, comme la culpabilité, en désinformant le consommateur ou en limitant volontairement l’information qui lui est transmise.

3.3. Ethique et consommateur, l’émergence des contre-pouvoirs

L’information et l’éducation du consommateur, qui lui permet de décoder de mieux en mieux les techniques de marketing, constitue un contre-pouvoir réel sur les marchés pour en préserver l’éthique. L’émergence historique de contre-pouvoirs institutionnels sur les marchés, comme le DGRCCF ou les associations de consommateurs agréées, est un facteur clé pour préserver l’éthique sur les marchés (figure “les pouvoirs et les contrepouvoirs”).

Remarque


Protection des consommateurs : les nouveaux enjeux du consumérisme

Les pouvoirs et les contre-pouvoirs se sont déployés en parallèle sur les marchés pour assurer la protection du consommateur. La protection des intérêts des consommateurs reposent sur deux leviers (Roux et Nabec, 2016) :

  1. l’information du consommateur sur les caractéristiques de l’offre de façon à réduire l’asymétrie d’information entre les acteurs et assurer la transparence sur les marchés
  2. l’accessibilité des dispositifs de défense en cas de litiges ou de tromperie du consommateur pour réparer ses droits.

Exemple


Chronologie de l’émergence des pouvoirs et des contre-pouvoirs en France

Le pouvoir des acteurs marchands s’établit au 19ème sur les marchés avec l’industrialisation de la production de l’offre. En parallèle, les contre-pouvoirs en charge de la protection des intérêts des consommateurs se structurent, s’organisent et se institutionnalisent au cours du 20ème siècle.

chronologie de l'émergence des pouvoirs et des contre-pouvoirs des consommateurs sur les marchés

Remarque


Les pratiques déloyales

Il existe des pratiques inacceptables qui possèdent un dénominateur commun :  l’entreprise empêche sciemment le consommateur d’effectuer un choix libre.

D’autres pratiques sont légales mais présentent des limites sur le plan éthique, comme l’incitation à des pratiques nuisant à la santé (tabagisme, consommation d’alcool chez les adolescents) ou à l’écologie (sur-emballage des produits agroalimentaire, obsolence programmée des biens semi-durables, comme l’électroménager). Plusieurs rapports de Santé Publique France dénoncent les effets des publicités incitant les enfants au grignotage pour lutter contre l’obésité infantile.

https://www.quechoisir.org/actualite-alimentation-la-publicite-pour-enfants-bientot-encadree-n64487/

3.4. Le marketing social au service du consommateur et de la société

Définition


Le Marketing social consiste à utiliser les principes et les techniques du marketing dans l’objectif d’encourager les comportements favorables au bien-être et/ou à la santé des individus.*

*Karine Gallopel-Morvan (coord.), Viêt Nguyen Thanh, Pierre Arwindson et Gérard Hastings (2019), Marketing Social, De la compréhension des publics au changement de comportement, Presses de l’école des hautes études en santé publiques, Rennes.

Ces techniques reposent sur la connaissance des publics, la segmentation, le ciblage et la mise en place d’actions sur le terrain en lien avec les partenaires : services, accès, réduction des freins, communication et l’évaluation du programme de prévention. Le but d’amener un public cible à modifier un comportement dans son intérêt individuel ou celui de l’ensemble de la société.

Fondamental


Un programme cible spécifique est conçu pour chaque objectif de changement de comportement identifié en déployant sur le terrain les “5C” :

  1. Proposer un Comportement et des aides pour faciliter son adoption
  2. Chercher des solutions pour minimiser les Coûts d’adoption du comportement par la cible
  3. Favoriser sa Capacité d’accès,
  4. Promouvoir le comportement à l’aide d’une campagne de Communication diffusée sur différents supports : médias, réseaux sociaux, événements, etc.
  5. Travailler avec des Collaborateurs pour diffuser le programme sur le lieu de vie des publics ciblés.

Exemple


Un programme anti-tabac spécifique pour décourager les adolescents et les jeunes adultes à commencer à fumer.

Dans le cadre des politiques publiques anti-tabac, un programme spécifique peut être conçu pour encourager les adolescents et les jeunes adultes à ne pas commencer à fumer. La mise en oeuvre du programme de marketing social consisterait alors :

  1. Proposer un Comportement de non-fumeur aux adolescents et aux jeunes adultes valorisé socialement par leurs pairs,
  2. Chercher des solutions pour maximiser le Coût d’adoption du comportement de tabagisme (hausse du prix du paquet de cigarettes)
  3. Favoriser sa Capacité d’accès,
  4. Promouvoir le comportement à l’aide d’une campagne de Communication diffusée sur différents médias et réseaux sociaux en montrant des soirées et des évènements sociaux regroupant des jeunes sans tabac,
  5. Travailler avec des Collaborateurs pour diffuser le programme sur le lieu de vie des publics ciblés, dans les lycées et les universités, les services de médecine préventive et de protection de la santé des étudiants.

En amont de la Journée Mondiale Sans Tabac du 31 mai 2018, la Fondation du Souffle et Roche Pharma France dévoilent leur nouvelle campagne de sensibilisation à destination des 18-25 ans. Baptisée “SKOLM”, cette campagne s’articule autour d’un dispositif original :  une box qui illustre les effets néfastes à court terme de la cigarette : teint gris, odeur du tabac froid, dents, mauvaise haleine, ongles jaunis....  La box «SMOKLM» permet ainsi de rendre concrets les aspects désagréables à court terme du tabagisme. Le coffret contient une crème pour avoir le teint gris, un t-shirt senteur tabac froid, une teinture jaune pour les dents et un vernis jaune pour les ongles. Les réactions de surprise de jeunes ouvrant leur box SMOKLM ont été filmées, donnant lieu à une vidéo relayée dans les médias (en attente) et viralisée sur les réseaux sociaux.

Remarque


Etiquetage nutritionnel de produits agroalimentaires

Une intervention de santé publique pour améliorer les comportement alimentaires : l’étiquetage nutritionnel des produits agroalimentaires.

L’étiquetage nutritionnel des produits agroalimentaires est obligatoire aux Etats-Unis depuis plusieurs décennies et en Europe . Mais comment les consommateurs utilisent-ils cette information clé pour leur santé ? Les études montre que le bilan des usages est mitigé… En effet, en 2010, seulement 16,8 % des européens déclaraient lire l’étiquetage nutritionnel sur les produits agroalimentaires ! Et seulement  8 % des décisions d’achat sont motivées par la valeur nutritionnelle du produit (Grunert et al. 2010).

Comment informer les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits ? la problématique se pose sur les marchés agroalimentaires sur lesquels l’offre s’est largement densifié pour atteindre des situations sous-optimales d’hyper-consommation. Dans un environnement où l’offre est dense et l’information complexe, pour être efficace, l’étiquetage nutritionnelle doit être vu, lu, compris et pris en compte.

Exemple de rayons de produits agroalimentaires en hypermarché : quelle visibilité pour l’étiquetage nutritionnel, pour quelle accessibilité de l’information ?

Du paradoxe du choix...au paradoxe de l’information : trop d’information tue l’information !

Comment redonner le pouvoir au consommateur dans un environnement de choix « hyper »-complexe ? Barry Schartz (2005) pose dans son ouvrage “The paradox of choice : why more is less” la question de l’empowerment du consommateur au service de son bien-être, lorsque la densité de l’offre amène au consommateur une information trop complexe à traiter et le met dans une situation de choix sous-optimale.

3.5. FOCUS : Etiquetage nutritionnel

FOCUS


Le cas du déploiement du Nutri-Score accompagné par Santé Publique France

En 2020, plus d’1 adulte sur 3 dans le monde est  en surpoids d’après l’OMS et présente des risques de développer des maladies associées (diabète de type 2, cholestérol, cancers, etc.). Ces vulnérabilités en termes de nutrition et de santé augmentent dans les milieux économiquement défavorisés. Pour lutter contre ce problème de santé publique, l’étiquetage nutritionnel des produits agroalimentaires est un dispositif de prévention majeure pour informer les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits agroalimentaires qu’ils consomment.

Le Nutri-Score® est l'étiquetage nutritionnel recommandé par l'État, les associations de consommateurs et la communauté scientifique en France. Dans le cadre de son déploiement en France, Santé publique France, est le dépositaire de la marque Nutri-Score® en charge de ses actions de communication.  L'adoption du système Nutri-score est une démarche volontaire des entreprises. Les pouvoirs publics invitent l'ensemble des entreprises à s'inscrire dans cette démarche positive pour la santé de toute la population. Il constitue pour les acteurs du marché une caution nutritionnelle sur la qualité des produits et aussi, un outil de différenciation pour les marques de distributeurs face aux marques nationales sur les marchés agroalimentaires.

Etude Santé Publique France (2019)*. Une étude a été conduite par Internet sur un échantillon de 4006 répondants représentatif de la population française de plus de 15 ans par la méthode des quotas (sexe, âge, CSP, catégorie d’agglomération), en trois vagues : 1) avril 2018 (N = 1005), avant la diffusion de la première campagne de communication sur le Nutri-Score, 2) mai/juin 2018 (N = 2000), après la diffusion de la campagne et 3) mai 2019 (N = 1 001). Elle montre que la notoriété du Nutri‑Score continue à progresser suite à l’apparition progressive du logo sur les emballages sur la période pour atteindre 81 % de la population française.

Le Nutri‑Score est cité spontanément par 8 % des individus comme un critère qu’ils utilisent pour évaluer la qualité nutritionnelle des produits. De plus, 86 % des Français identifient bien que le Nutri‑Score permet de qualifier la qualité nutritionnelle des produits et ont une opinion favorable sur le dispositif. Ils considèrent que le logo donne une information rapide (92 %), qu’il est facile à comprendre (90 %), facile à repérer sur les emballages (85 %), qu’il guide les consommateurs dans leurs achats (86 %). Les ¾ des répondants ont confiance dans les informations qu’il fournit et environ 7 sur 10 considèrent qu’il peut rendre méfiant vis‑à‑vis de certains produits. De manière générale, 90 % des Français indiquent y être favorables et 87 % pensent que l’apposition du Nutri‑Score sur les produits devrait être obligatoire. En 2019, un individu sur 2 ayant entendu parler ou vu le logo déclare avoir acheté un produit sur lequel était apposé le Nutri‑Score, un chiffre en forte augmentation depuis mai 2018 (+32 points).

En juin 2020, plus de 500 marques nationales dont Nestlé France et des marques de distributeurs (Intermarché, Leclerc, Casino, Carrefour) étaient engagées dans le dispositif Nutri-Score pour l’apposer sur leurs produits en France.

* Source : Santé Publique France (2019), Etudes et enquêtes – Nutri-Score : évolution de de sa notoriété, sa perception et son impact sur les comportements d’achat déclarés entre 2018 et 2019, Nutrition, septembre 2019.

3.6. Etudes des tendances de consommation

Les recherches en marketing identifient plusieurs tendances de consommation à long terme qui structurent le comportement du consommateur leurs besoins, leurs désirs et leurs attentes, la demande et qui sont sources d’innovation.

Elles correspondent à des valeurs personnelles individuelles ou sociales, révélées au travers du comportement d’achat de groupes d’individus pour une période et une société donnée (Rieunier et Volle, 2002*). Elles structurent l’évolution du marché et l’innovation dans l’offre de produits et de services.

* Source : Rieunier S. et Volle P. (2002), Tendances de consommation et stratégies de différenciation des distributeurs, Décisions Marketing, 19-30, à consulter ici.

Plusieurs tendances majeures sont particulièrement clé pour comprendre les évolutions actuelles des marchés et de la société de consommation. Elles sont scrutées et analysées par les acteurs du marché, industriels et distributeurs, ainsi que les pouvoirs publics.

Remarque


Le CREDOC

Parmi les acteurs de veille des tendances, le CREDOC est un organisme créé en 1953 pour produire de l’information fiable sur la consommation des Français. L’étude conduite par le CREDOC en 2020 en France met en avant l’influence du ressenti économique des Français sur leur consommation, en particulier des restrictions budgétaires qu’ils subissent et des arbitrages financiers conduits.

La crise sanitaire COVID-19 impacte également leurs comportements de consommation qui peuvent perdurer après le confinement ou les projeter dans d’autres situations futures de confinement. Le CREDOC identifie plusieurs formes nouvelles de consommation des marchés :

  • de nouvelles motivations d’achat en lien avec le Bien-Etre animal, l’innovation, le Made-In-FRance, la production régional, les signaux de qualité, le Do-It-Yourself,
  • une consommation raisonnée de biens durables,
  • de nouveaux modes d’achat, de nouveaux circuits de distribution courts, appuyés par des plateformes en ligne,
  • le Flexitarisme dans l’alimentation,
  • les achats de produits issus de l’agriculture biologique,
  • la frugalité, l’authenticité, la simplification volontaire de la consommation.

3.7. FOCUS sur 3 tendances majeures de consommation sur les marchés

FOCUS


Les 3 tendances majeures de consommation sur les marchés

Parmi les tendances de consommation, trois d’entre elles caractérisent plus particulièrement les sociétés urbaines : 

  • le sentiment d’urgence, 
  • l’exigence de simplicité (simplicité volontaire), 
  • et l’abandon de propriété.
Tendance 1 : Le sentiment d’urgence

Le sentiment d’urgence consiste à « Eliminer toutes les tâches non productives, faire plusieurs choses en même temps ». Le temps est une ressource précieuse car elle est rare. La rapidité est aussi un symbole de performance. Le consommateur a le sentiment de manquer de temps.

On distingue 3 périodes de temps :

  • Le temps rémunéré, qui correspond au temps travaillé par l’individu, ou au temps où il produit de la valeur.
  • Le temps contraint, nécessaire à l’individu pour manger, dormir ou répondre aux obligations sociales.
  • Le temps discrétionnaire, le temps restant, non contraint, choisi, laissé pour les loisirs et les distractions.

Plusieurs enseignes positionnent leur offre sur les marchés en fonction de leur rapport au temps :

  • Des enseignes vendent du temps : Grand Optical, lunettes en une heure ; Auchan, aide au chargement des produits lourds ; hypermarchés en ligne, caisses express, merchandising), qui référence des produits qui font gagner du temps (légumes prédécoupés, snacking, etc)
  • Des enseignements transforment le temps contraint en loisir : placées dans les gares, passages etc., bar-laverie, train avec wagon supermarché.
Tendance 2 : L’exigence de simplicité, de praticité, la recherche de vertu et l’accomplissement

La simplicité correspond au fait de « jouir de la consommation en toute tranquillité ». Elle consiste à valoriser les offres pratiques, « clés en main » et des offres basiques. La praticité et la recherche de vertu correspondent à « réduire les effets néfastes de la consommation et à faire en sorte que la consommation serve un objectif social ».

C’est une recherche de produits éthiques, écologiques ou issus de filières de production équitables. L’accomplissement correspond à « jouer un rôle, faire quelque chose de sa vie, se développer sur le plan personnel ». La consommation est considérée comme une expression de soi (« je consomme donc je suis »). L’individu est motivé pour faire quelque chose de sa vie, apprendre, se cultiver ou créer.

Des enseignes favorisent le développement personnel dans les domaines culturel, l’activité physique, les travaux manuels, comme par exemple, Decathlon, Loisirs et Création ou encore Leroy Merlin. De nombreuses innovations dans les services viennent répondre à cette tendance : initiation au bricolage chez Castorama, stages d’informatique à la FNAC.

Des opérations « responsables » sont aussi organisées par les marques : des labels de commerce équitable, produits sans phosphates, eco-recharges ; codes de bonne conduite sociale chez Carrefour (fournisseurs respectant droits de l’homme…), Darty (camions au GPL) Body Shop (pas de tests sur les animaux), « Défense » du consommateur (Leclerc).

Tendance 3 : Abandon de la propriété

L’abandon de la propriété consiste à utiliser plus que posséder, à être plutôt qu’avoir. On assiste à une disparition des frontières : les individus refusent les simplifications dichotomiques, les catégorisations strictes, comme les distinctions hommes/femmes, public ou privé. La location ponctuelle remplace l’acquisition durable par la propriété. Des marques jouent alors sur les styles de vie plutôt que l’âge, les CSP etc. (catégorisation dans les GSA : espace bébé, goûter…).

Remarque : Tendance 2


Le Combi Volkswagen : simplicité, praticité, recherche de vertu et accomplissement

Le modèle emblématique du Combi Volkswagen est le symbole d’un nouveau mode de vie des vacances avec son slogan “: « plus que vos voitures, nos histoires » . Il porte sur le marché des valeurs de liberté, d’autonomie, de grands espaces, de respect de la nature, de découverte du monde et de nomadisme, du refus de la sédentarité et des normes du tourisme de masse. En 2015, la marque a fêté les 65 ans du Combi VW.

« Alors, est-ce le besoin de respirer l’azur? De mordre dans les poivrons de ses vacances grecques ? De se sentir de nouveau bercé sur la couchette du camping-car, conduit par Marcel, son père,? De traverser la Californie, comme la première fois, en 1979 ? » Ivan Jablonka fait le portrait du Combi comme un « mode de voyager, de penser le monde et d’inventer sa liberté ». Ivan Jablonka, En camping-Car, Editions du Seuil, 2018.

Remarque : Tendance 3


Louer plutôt qu’acheter ?

Des entreprises, de grands groupes, mais aussi des PME et des start-up, proposent de nouvelles offres de location en remplacement d’un achat durable. Des consommateurs délaissent progressivement l’achat de biens durables dans plusieurs secteurs automobiles ou technologiques, au profit de la location. Cette pratique courante pour un usage professionnel gagne du terrain auprès des particuliers. Des enseignes comme Boulanger ou Darty proposent par exemple à leurs clients l'usage d'une télévision ou d'un lave-linge contre un loyer mensuel, avec la garantie en cas de panne d'une réparation rapide ou d'un remplacement. En fin de contrat, le produit peut être racheté, rendu ou remplacé.