Cours de phonétique
| Site: | Moodle Université Numérique |
| Cours: | Phonétique, phonologie |
| Livre: | Cours de phonétique |
| Imprimé par: | Visiteur anonyme |
| Date: | mardi 16 décembre 2025, 14:01 |
1. Introduction
La phonétique est la description et l’étude des sons du langage. La phonologie est la description et l’étude du fonctionnement et des fonctions des sons dans les langues.
Dans la mesure du possible, les exemples sont empruntés au français, mais le recours à d'autres langues s'impose dès lors qu'il s'agit de prendre en compte des propriétés importantes pour la linguistique générale qui ne sont pas représentées en français.
2. Phonétique
L'objet de la phonétique est la description des sons du langage. Cette description peut être de nature articulatoire ou acoustique. Une description articulatoire s'appuie sur les organes phonatoires mis en œuvre dans la production des sons et sur leur mode de production. Une description acoustique s'appuie quant à elle sur les propriétés physiques des sons indépendamment de leur mode de réalisation. Dans ce qui suit, la description des sons du langage sera uniquement de nature articulatoire.
Comme le montre le schéma 1, les sons sont le résultat d'une vibration de l'air au contact d'un corps quelconque qui représente une entrave au passage de l'air.

Selon leurs propriétés acoustiques, les sons se répartissent en deux groupes ; les sons mélodiques et les bruits. Les sons mélodiques (ceux produits notamment par les instruments de musique) mettent en jeu une vibration périodique tandis que les bruits sont apériodiques.


Cette distinction vaut également pour les sons du langage. Par définition, les voyelles sont des sons mélodiques, tandis que les consonnes se présentent globalement comme des bruits de transition. Cette différence nous est déjà donnée par l'étymologie : le mot "voyelle" évoque la voix produite par la vibration des cordes vocales alors que le mot "consonne" signifie littéralement qui sonne avec. Mais contrairement aux voyelles qui sont donc par nature voisées, les consonnes ne peuvent pas être définies uniquement par la présence d'un bruit ; certaines sont voisées et d'autres non-voisées (on parle alors de consonnes voisées ou sonores et de consonnes non-voisées ou sourdes). La seule différence entre les consonnes [p] et [b] est la présence ou l'absence de voisement : [p] est une consonne sourde tandis que [b] est une consonne sonore.
Étant donné que la distinction entre sons mélodiques et bruits ne permet pas de différencier fondamentalement les voyelles des consonnes, on peut se demander néanmoins s'il existe une quelconque propriété qui puisse les opposer ; une propriété qu'auraient les voyelles et que n'auraient pas les consonnes, ou inversement, une propriété qu'auraient les consonnes mais pas les voyelles. Les différentes propriétés qui distinguent les voyelles des consonnes sont les suivantes :
-
présence ou absence de voisement,
-
possibilité ou impossibilité de prononcer le son isolément,
-
présence ou absence d'entrave au passage de l'air.
En ce qui concerne le premier critère, on vient de voir qu'il ne suffisait pas à distinguer radicalement les deux sortes de sons. Le second critère est du même ordre ; toutes les voyelles peuvent être articulées isolément, tandis que les consonnes se divisent en deux groupes : celles dont l'articulation fait appel à une voyelle de support pour pouvoir être prononcées et celles qui peuvent être articulées sans voyelle d'accompagnement. Les premières sont appelées consonnes momentanées tandis que les secondes sont appelées consonnes continues. La consonne [p], par exemple, ne peut pas être prononcée sans voyelle de support – en l'occurrence il s'agit pour le français d'un [e] ("p" = [pe]), tandis que la consonne [s] peut être articulée sans voyelle de support. Notons que notre lecture de l'alphabet ne reflète pas cette propriété différentielle puisque toutes les consonnes sont prononcées avec une voyelle de support, la consonne [s] étant prononcée en l'occurrence avec un [ɛ] initial : [ɛs]. Le troisième critère est approprié pour la distinction entre consonnes et voyelles, mais présente l'inconvénient de ne pas être binaire. On ne peut donc pas opposer simplement les voyelles et les consonnes par la présence ou l'absence d'entrave au passage de l'air, car il existe en fait une gradation ; le passage de l'air est plus étroit pour l'articulation du [i] que pour celle du [a]. De même pour les consonnes, il y a différents degrés d'obstruction pour les consonnes (ce point est développé plus loin). En raison de cette gradation, il est impossible de séparer de façon non arbitraire les consonnes et les voyelles en se fondant uniquement sur des propriétés phonétiques. Il convient donc d'envisager la différence entre les consonnes et les voyelles comme un continuum :

Du fait du continuum sonore, il existe une classe particulière de sons à mi-chemin entre les consonnes et les voyelles. On appelle ces sons, selon le cas, semi-consonnes ou semi- voyelles ou encore approximantes. Ces trois termes sont utilisés pour désigner les mêmes sons :

semi-consonnes
semi-voyelles
2.1. Les organes phonatoires
Avant d'entrer dans le détail de la description des sons du langage, il convient tout d'abord de passer en revue les différents organes phonatoires. Tous les organes situés sur le passage de l'air sont susceptibles de constituer une entrave et par conséquent un lieu d'articulation pour les consonnes et les voyelles. Autre point important, tous les sons produits par les organes placés sur le chenal respiratoire sont susceptibles de fonctionner comme sons du langage. Précisons également que, contrairement à ce qu'on pourrait croire, il n'y a pas d'organe de la parole. D'autres facultés cognitives telles que la vue et l'ouïe – qui, comme le langage, présentent des propriétés spécifiques à l'espèce humaine – possède un organe dédié (l’œil pour la vue et l'oreille pour l'ouïe), mais le langage n'a pas d'organe dédié. Ni la langue dont le nom même sert aussi à désigner dans la plupart des langues ce que les hommes utilisent pour communiquer, ni les cordes vocales (on verra plus loin qu'il ne s'agit pas de cordes comparables aux cordes des instruments de musique) n'ont pour fonction première ou originelle la production des sons. La langue (l'organe) est avant tout destinée à la déglutition et les cordes vocales ont pour fonction première d'interdire l'accès des voies respiratoires au bol alimentaire.
Dans la description phonétique, à chaque organe phonatoire correspond un terme utilisé pour la production des sons. Voici la liste des organes de la parole ainsi que leur désignation phonétique :
| larynx | → laryngale | ||
| cordes vocales | → (voisement) | ||
| glotte | → glottale | ||
| pharynx | → pharyngale | ||
| nez | → nasale | ||
| bouche | → orale | ||
| luette (uvula) | → uvulaire | ||
| palais | |||
| mou (velum) | → vélaire | ||
| dur | → palatale | ||
| alvéoles | → alvéolaire | ||
| dents | → dentale | ||
| lèvres | → labiale | ||
| langue | |||
| pointe (apex) | → apicale | ||
| dos | → dorsale |
Le schéma suivant représente les cordes vocales vues du larynx.
2. vibration
3. tension
Le terme de cordes vocales est inapproprié puisqu'il s'agit en fait de deux membranes flexibles. Elles ont trois fonctions dans la production des sons : par leur vibration, elles créent la voix indispensable aux voyelles et aux consonnes sonores. Par leur tension, elles permettent de faire varier la hauteur (variation des sons graves aux sons aigus). Enfin, en fermant la glotte – la glotte est l'espace défini par les cordes vocales – elles donnent lieu à une articulation consonantique qu'on appelle occlusive glottale ou coup de glotte (interruption brusque de la voix). On trouve cette consonne notamment en allemand où elle apparaît dans tous les mots qui commence, à l'écrit, par une voyelle).
Faire l’exercice 1
2.2. Les consonnes
Pour décrire et classer les consonnes, il faut faire appel à trois propriétés :
-
le voisement
-
le point d'articulation
-
et le mode d'articulation
Le voisement correspond à la présence ou à l'absence de vibration des cordes vocales. Le point d'articulation est l'endroit où se situe une entrave au passage de l'air ; le terme utilisé dans la description du point d'articulation renvoie aux différents organes phonatoires. Le mode d'articulation précise comment est produit le bruit caractéristique des consonnes. Dans un tableau à double entrée utilisé pour classer les consonnes, le point d'articulation est placé en colonne et le mode d'articulation en ligne. Le voisement est indiqué par une division de la colonne du point d'articulation en deux sous-colonnes (+V pour une consonne voisée (ou sonore) et -V pour une consonne non voisée (ou sourde) :
| Point d'articulation | ||
|---|---|---|
| Voisement | –V | +V |
| Mode d'articulation | [] | [] |
–V = absence de voix
+V = présence de la voix
Dans chaque colonne, nous aurons donc deux consonnes qui ne différent que par le voisement. La première est toujours la sourde et la seconde, la sonore. Les consonnes [k] et [ɡ] sont produites au niveau du palais mou – ce sont donc des vélaires – et ce sont des occlusives étant donné que le son produit est le résultat d'une occlusion. Par ailleurs l'une est sourde [k] et l'autre sonore [ɡ] :
| Vélaires | ||
|---|---|---|
| Voisement | –V | +V |
| Occlusives | [k] | [ɡ] |
2.2.1. Le voisement
La plupart des consonnes sont donc en opposition de voisement. Pour certaines consonnes, l'opposition de voisement n'est jamais pertinente bien qu'il soit toujours possible de déterminer s'il s'agit d'une sourde ou d'une sonore. Une opposition est pertinente lorsqu'elle permet de distinguer des mots de sens différent. L'opposition entre [p] et [b] est pertinente en français notamment car elle permet de distinguer le nom pont de l'adjectif bon. Pour certaines consonnes, l'opposition de voisement n'est jamais pertinente, et cela dans aucune langue. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir deux symboles phonétiques. Dans ce cas, le symbole phonétique occupe une position médiane dans la colonne du point d'articulation. Il en est ainsi des nasales [m], [n] [ɲ] et [ŋ]... et des liquides [l] et [r].
| Bilabiales | ||
|---|---|---|
| Voisement | –V | +V |
| Nasales | [m] | |
Lorsque c'est nécessaire, on signale le voisement de ce type de consonne en ajoutant un signe diacritique sous la consonne : le [m] de amas [am̬a], est sonore tandis que celui de asthme [asm̥] est sourd. Il nous est difficile d'entendre la différence entre les deux, non pas pour des raisons acoustiques, mais parce que nous n'utilisons pas cette différence comme on le fait pour [p] et [b]. Dans les langues qui ne font pas usage de la différence de voisement entre [p] et [b], il est tout aussi difficile aux locuteurs de cette langue d'entendre la différence entre ces deux consonnes que pour nous d'entendre la différence entre les deux [m] des mots précédents.
2.2.2. Le point d'articulation
Le schéma suivant illustre les différents points d'articulation des consonnes (voir également le tableau général des sons (documents 1, 2 et 3) dans lequel on trouvera les principaux symboles de l'API (Alphabet Phonétique International) :
2. pharyngales
3. nasales
4. uvulaires
5. vélaires
6. palatales
7.apico-alvéolaires
8. apico-dentales
9. interdentales
10. rétroflexes
11. labio-dentales
12. bilabiales
Consulter le document « Les points d’articulation et les résonateurs ».
2.2.3. Le mode d'articulation
Il y a 4 grands types de mode d'articulation en fonction du degré d'entrave :
Le bruit caractéristique des consonnes peut être provoqué par une occlusion en un point quelconque ; [p], par exemple, est une consonne occlusive. Un simple rétrécissement provoque un bruit de friction ; ce qui correspond aux fricatives. [s] et [f] sont des exemples de fricatives. Les vibrantes représentent en fait une succession rapide d'une occlusion et d'une friction. Les deux seules parties mobiles qui permettent cette vibration sont la luette (consonne vibrante uvulaire) et la pointe de la langue (consonne vibrante apicale). La vibrante apicale [r] est présente notamment en espagnol, en italien, en finnois et dans certains dialectes du français, alors que la vibrante uvulaire [R] s’entend notamment dans la chanson française traditionnelle. Reste les consonnes sonantes et liquides : l'entrave est si faible pour ces consonnes que l'espace défini par la bouche entre en résonance. Pour cette raison, ces consonnes sont proches des voyelles car comme ces dernières, elles mettent en jeu la résonance. Parmi les sonantes on trouve les nasales et les consonnes liquides. Dans les langues slaves notamment, les sonantes peuvent compter comme noyau syllabique au même titre que les voyelles. Les consonnes liquides [l] et [r] sont noyau syllabique en tchèque : vlk [vlk] "loup", krk [krk] "cou". On trouvera une description complète des modes d'articulation dans le document « Les modes d’articulation ».
Consulter le document « Les modes d’articulation ».
Consulter le document audio « La prononciation du [R] dans la chanson française ».
Faire les exercices 2, 3, 4, 5, 6 et 7.
2.2.4. Articulations complexes des consonnes
La description précédente s’applique aux consonnes simples qui ont pour caractéristique un point d’articulation, un mode d’articulation et une spécification de voisement (sourde ou sonore) pour la plupart d’entre elles. Exemples de consonnes simples :
[p] occlusive bilabiale sourde
[m] nasale bilabiale
[z] sibilante alvéolaire sonore
[ʁ] spirante uvulaire sonore
[ʒ] chuintante alvéolaire sonore
[β] spirante bilabiale sonore
[ɖ] occlusive rétroflexe sonore
À côté des consonnes simples, il existe également un grand nombre de consonnes complexes. Elles se répartissent en deux types : des consonnes qui combinent deux points d’articulation ou deux modes d’articulation et les consonnes qui comportent une articulation principale et une articulation secondaire. Nous donnerons ici seulement quelques exemples et nous nous intéresserons plus particulièrement aux consonnes affriquées.
2.2.4.1. Deux points d’articulation
Les labio-vélaires sont des consonnes qui combinent simultanément une occlusion en deux points distants au niveau du palais et des lèvres :
| [k͡p] | occlusive labio-vélaire sourde |
| [g͡b] | occlusive labio-vélaire sonore |
On trouve ce type de consonne notamment en éwé (langue du Togo) :
| [k͡pà] | couper | [èk͡pé] | pierre |
| [g͡bà] | recommander | [èg͡bè] | voix |
Le signe diacritique au dessus des consonnes signale qu’il s’agit d’une consonne complexe et non d’une séquence de deux consonnes. Le fait qu’il s’agit bien d’une seule consonne est mis en évidence par le découpage syllabique.
Le signe diacritique présent sur chaque voyelle indique s’il s’agit d’une voyelle aiguë ou grave. L’éwé est une langue à registres (voir plus loin, la partie consacrée à la prosodie).
2.2.4.2. Deux modes d’articulation
Les semi-nasales sont des consonnes occlusives qui comportent une nasalisation en début ou en fin d’occlusion. Quelques exemples :
wolof (langue du Sénégal) :
| [m͡ba:m] | âne | [taŋ͡k] | pied |
nemi (langue d’Océanie) :
| [t͡na] | père | [ŋ͡ɡa] | maison |
2.2.4.2.1. Consonnes affriquées
Les consonnes affriquées sont des consonnes très répandues. Ce sont des consonnes dentales dont l’occlusion est immédiatement suivi d’un bruit de friction du même point d’articulation. Elles peuvent être sourdes ou sonores et la friction peut être du type sifflant ([t͡s] et [d͡z]) ou chuintant ([t͡ʃ] et [d͡ʒ]). Dans l’alphabet phonétique international (API), elles sont également transcrites respectivement : [ts], [dz], [tʃ] et [dʒ]. Quelques exemples dans différentes langues proches :
| anglais | [t͡ʃ] | match | [mat͡ʃ] | match |
| church | [t͡ʃə:ɹt͡ʃ] | église | ||
| [d͡ʒ] | page | [pe:id͡ʒ] | page | |
| gin | [d͡ʒɪn] | gin | ||
| allemand | [t͡s] | Zahl | [t͡saːl] | nombre |
| siezen | [ˈziːt͡sən] | vouvoyer | ||
| [t͡ʃ] | Reiz | [raɪt͡s] | excitation | |
| deutsch | [dɔʏt͡ʃ] | allemand | ||
| italien | [t͡s] | zampa | [ˈt͡sampa] | patte |
| canzone | [kanˈt͡sone] | chanson | ||
| [d͡z] | zona | [ˈd͡zona] | zone | |
| zelante | [dzeˈlante] | zélé | ||
| [t͡ʃ] | ciao | [ˈt͡ʃao] | au revoir | |
| facevo | [faˈt͡ʃevo] | je faisais | ||
| [d͡ʒ] | giorno | [ˈd͡ʒorno] | jour | |
| pagina | [ˈpad͡ʒina] | page | ||
| espagnol | [t͡ʃ] | mucho | [mut͡ʃo] | beaucoup |
| chica | [t͡ʃika] | fille | ||
| variante de [j] ou de [ɟ] : | [ɟ͡ʝ] | ya | [ɟ͡ʝa] | déjà |
| conyuge | [ˈkoɲɟ͡ʝuxe] | conjoint |
Comme pour toutes les consonnes complexes, le découpage syllabique met en évidence le fait qu’il s’agit bien de consonnes uniques. Dans l’exemple de l’espagnol mucho, la seconde syllabe est du type CV avec pour consonne initiale, une affriquée :
mucho
: [mu - t͡ʃo] et non *[mut - ʃo]
CV CV CVC CV
Les consonnes affriquées sont bien représentées en franco-québécois et constituent un fait marquant de la prononciation québécoise :
| [t͡sɥe] | tuer | [yt͡sil] | utile |
| [abit͡sɥɛl] | habituel | [t͡sylip] | tulipe |
| [d͡zyʁ] | dur | [d͡zʏn] | dune |
| [tod͡zi] | taudis | [d͡zjø] | dieu |
2.2.4.3. Articulations secondaires
Une occlusive (articulation principale) peut être accompagnée d’une articulation secondaire qui consiste en une labialisation ([pw], [tw], [kw]...), une palatalisation ([pj], [tj], [kj]...), une vélarisation ([pɣ], [tɣ], [kɣ]...), une pharyngalisation ([pʕ], [tʕ], [kʕ]...), une glottalisation ([pʔ], [tʔ], [kʔ]...) ou une aspiration ([ph], [th], [kh]...). Nous présenterons ici uniquement des exemples de palatalisation en russe et d’aspiration en anglais.
La palatalisation des consonnes est une des caractéristiques remarquables du russe. Les grammaires présentent cette propriété sous le nom de mouillure et de consonnes mouillées. Les consonnes mouillées s’opposent aux consonnes dures (consonne simple sans palatalisation). La palatalisation des consonnes du russe ne concerne pas uniquement les occlusives :
Exemple de palatalisation en russe :
| [pj] | [pjiˈsatj] | écrire |
| [tj] | [tjma] | ténèbres |
| [nj] | [danj] | tribut |
| [sj] | [skvosj] | à travers |
| [fj] | [krofj] | sang |
| [rj] | [rjat] | rang |
| [lj] | [ˈljipə] | tilleul |
En anglais, les occlusives sourdes sont aspirées lorsqu’elles sont en début de syllabe accentuée. On appelle consonne "aspirée" une consonne dont le relâchement de l’articulation est accompagné d’un souffle :
| [ph] | pen | [phen] | crayon |
| [th] | tin | [thɪn] | étain |
| contain | [kənˈtheɪn] | contenir | |
| [kh] | king | [khi:ŋ] | roi |
Consulter les documents « Phonétique du coréen » et « Phonétique du thaï ».
2.3. Les voyelles
Nous savons maintenant que les voyelles sont des sons mélodiques et qu'un son mélodique, qu'il soit vocal ou instrumental, se caractérise sur le plan acoustique par :
-
un timbre
-
une hauteur
-
une intensité
-
une durée
Si nous comparons la voix d'homme et la voix de femme nous constatons une différence acoustique. Il en va de même entre la voix chantée et la voix parlée, entre la parole chuchotée et la parole criée. Toutes ces différences mettent en œuvre les différentes propriétés acoustiques des sons vocaliques. Il y a donc des variations de la voix qui concernent les sons du langage et celles qui relèvent de la variation individuelle. Il faut donc isoler parmi les propriétés acoustiques, celles qui sont pertinentes pour la description phonétique. Les quatre propriétés précédentes peuvent participer à la caractérisation du système vocalique des langues mais seule la variation de timbre est pertinente pour toutes les langues. La hauteur, l'intensité et la durée – propriétés regroupées sous le terme de prosodie – sont des variations facultatives dont l'emploi systématique varie selon les langues. En français notamment, il n'est fait d'usage systématique ni de la hauteur, ni de l'intensité, ni de la durée. Autrement dit, ni la hauteur, ni l'intensité, ni la durée ne sont pertinentes en français.
Le timbre suffit à caractériser les segments vocaliques. La hauteur, l'intensité, et la durée sont des caractéristiques qui viennent s'ajouter au timbre. Le timbre vocalique est représenté par un symbole phonétique tandis que les caractéristiques prosodiques sont signalées sous la forme de signes diacritiques ajoutés.
2.3.1. Le timbre et les résonateurs
Comme pour les instruments de musique le timbre d'une voyelle est déterminé en bonne partie par la résonance. La différence entre un violon, un alto, un violoncelle et une contrebasse, ou entre un saxophone soprano et un saxophone alto est due en bonne partie à la taille des parties creuses de l'instrument où se produisent les phénomènes de résonance. La résonance des voyelles varie en fonction du nombre et de la forme des résonateurs. Ces résonateurs sont constitués par les différentes cavités placées sur le passage de l'air expulsé. Les différents résonateurs sont le pharynx, la bouche, le nez et la cavité labiale. En ce qui concerne ce dernier résonateur, il s'agit de l'espace délimité par les lèvres et les dents, espace réduit, mais suffisant pour créer une différence de timbre :
2. résonateur nasal
3. résonateur buccal
4. résonateur labial
Tous les résonateurs ne sont pas d'égale importance : les fosses nasales et la cavité labiale peuvent ne pas être actives pour certaines voyelles, tandis que le pharynx et la bouche le sont toujours. Par ailleurs, seul le résonateur buccal peut varier en volume et en forme en fonction de l'ouverture de la bouche et de la position de la masse de la langue. Les autres résonateurs n'ont pas de partie suffisamment mobile pour créer une modification susceptible de changer le timbre de manière significative. Les fosses nasales et la cavité labiale ne sont pertinentes que par leur présence ou leur absence, tandis que le résonateur pharyngal, toujours présent et non-modulable, est non pertinent pour la variation vocalique.
Ces différentes propriétés sont résumées dans le tableau suivant :
| Résonateurs | ||||
|---|---|---|---|---|
| pharyngal | buccal | nasal | labial | |
| Modifiable | non | oui | non | non |
| Effaçable | non | non | oui | oui |
2.3.2. Description des voyelles
La description articulatoire du timbre des voyelles repose donc sur le nombre de résonateurs et sur la forme du résonateur buccal. Ce qui donne quatre propriétés pour la description des voyelles. Trois se présentent sous la forme d'une opposition tandis que la dernière comporte plus de deux valeurs. Ces propriétés sont les suivantes :
-
la nasalité
-
la labialité
-
la position de la masse de la langue
-
l'aperture
2.3.2.1. Le nombre de résonateurs
Les deux premières propriétés mettent en jeu d'une part, l'opposition entre voyelles orales et voyelles nasales, et d'autre part, l'opposition entre voyelles étirées et voyelles arrondies. Au pharynx et à la bouche peuvent s'ajouter les fosses nasales (ce qui donne des voyelles nasales) et la cavité labiale (ce qui donne des voyelles arrondies).
2.3.2.1.1. La nasalité
L'opposition entre voyelles orales et voyelles nasales ne tient pas au choix du résonateur mais à la différence entre deux résonateurs (pharynx et bouche) pour les voyelles orales et trois résonateurs (pharynx, bouche et fosses nasales) pour les voyelles nasales. Ce qui est en cause donc, c'est la présence ou l'absence du résonateur nasal. La nasalité des voyelles est notée par l'adjonction d'un signe diacritique (le tilde) sur la voyelle orale correspondante. En Europe, quelques langues font la distinction de nasalité pour les voyelles : français, portugais, polonais, irlandais. Quelques exemples :
| voyelles orales | voyelles nasales |
|---|---|
| [i] [ɑ] [e] [ɔ] [ɛ] [u] ... |
[ĩ] [ɑ̃] [ẽ] [ɔ̃] [ɛ̃] [ũ] ... |
2.3.2.1.2. La labialité
Il en va de même pour la seconde opposition : présence ou absence du résonateur labial. Lorsqu'il est présent, les lèvres sont arrondies (voyelles arrondies), lorsqu'il est absent, les lèvres sont étirées (voyelles étirées) :
| voyelles étirées | voyelles arrondies |
|---|---|
| [i] [e] [ɛ] ... |
[y] [ø] [œ] ... |
Point important : dans chacune des oppositions représentées dans ces tableaux, les oppositions sont minimales ; pas d'autres différences que celle visée par la propriété décrite. Par exemple, la différence entre les voyelles [i] et [y] se réduit au fait que l'une est une voyelle étirée et que la seconde est une voyelle arrondie. [y] est donc en quelque sorte un [i] qui bénéficie d'une résonance supplémentaire par l'arrondissement des lèvres.
2.3.2.2. La forme du résonateur buccal
Deux choses peuvent modifier la forme du résonateur buccal : la position de la masse de la langue et l'ouverture de la bouche (aperture).
2.3.2.2.1. La position de la masse de langue
Pour la position de la langue ou point d'articulation, la cavité buccale est divisée en deux zones : la zone antérieure ou palatale et la zone postérieure ou vélaire. On distingue ainsi le plus souvent deux séries de voyelles : les voyelles antérieures appelées aussi voyelles d'avant ou voyelles palatales, et les voyelles postérieures désignées également voyelles d'arrière ou encore voyelles vélaires. Comme précédemment, la seule différence entre la voyelle [y] et la voyelle [u] repose sur le point d'articulation :
| voyelles palatales | voyelles vélaires |
|---|---|
| [y] [ø] [œ] ... |
[u] [o] [ɔ] ... |
Certaines langues comme le roumain ou l'albanais distinguent trois points d'articulation :
| voyelles palatales | voyelles centrales | voyelles vélaires |
|---|---|---|
| [y] [ø] [œ] ... |
[ɨ] [ɘ] [ɜ] ... |
[u] [o] [ɔ] ... |
2.3.2.2.2. L'aperture
Le dernier critère est l'aperture des voyelles. Le plus souvent les langues comportent trois ou quatre degrés. L'aperture est observable par l'ouverture de la bouche. La bouche est plus ouverte pour la prononciation d'un [a] que pour celle d'un [i]. Il faut toutefois prendre garde de ne pas confondre l'aperture et l'ouverture de la bouche définie par les lèvres. l'aperture est définie par la distance entre la langue et le palais et non par la distance entre les deux lèvres. La différence entre l'aperture et l'ouverture de la bouche est particulièrement significative dans le cas des voyelles arrondies. L'arrondissement des lèvres pour la production des voyelles arrondies a pour effet de réduire l'ouverture de la bouche sans pour autant réduire l'aperture.
| voyelles palatales | voyelles vélaires | |
|---|---|---|
| voyelles fermées | [i] | [u] |
| voyelles mi-fermées | [e] | [o] |
| voyelles mi-ouvertes | [ɛ] | [ɔ] |
| voyelles ouvertes | [a] | [ɒ] |
| ... | ... |
2.3.3. Représentation des voyelles
L’ensemble des quatre propriétés des voyelles ne permet pas de regrouper toutes les voyelles en un seul tableau. Les voyelles orales et les voyelles nasales sont donc traitées séparément. Pour distinguer les voyelles étirés des voyelles arrondies dans ce type de représentation, il est d'usage d'employer parfois les parenthèses pour signaler les voyelles arrondies. Sinon, elles sont toujours placées à droite de la ligne délimitant le point d'articulation. La forme générale est celle d'un trapèze ou d'un triangle : trapèze lorsqu'il y a deux voyelles ouvertes et triangle lorsqu'il n'y a qu'une seule voyelle ouverte. Les deux représentations suivantes sont celles des voyelles orales du français :
La représentation en trapèze correspond au système vocalique du français qui maintient la distinction entre deux "a" : celui de patte [pat] ou de tache [taʃ] et celui de pâte [pɑt] ou de tâche [tɑʃ]. La représentation en triangle – avec un seul "a" – correspond au français contemporain le plus courant :
Consulter le document « Voyelles du français ».
Dans certaines représentations des voyelles du français, la voyelle ouverte [a] est placée à la pointe du triangle ; il faut prendre garde à ne pas interpréter pour autant cette voyelle comme une voyelle centrale. La voyelle [a] est une voyelle ouverte, étirée et antérieure.
Le choix d'une représentation en trapèze ou en triangle se justifie par les propriétés articulatoires et acoustiques des voyelles. Cette géométrie permet de rendre compte de la corrélation qui existe entre la position de la masse de la langue et l'aperture : plus l'aperture est grande, plus les distinctions sont réduites. Il y a par conséquent toujours plus de voyelles fermées que de voyelles ouvertes, et ce, dans toutes les langues. Cela tient au fait que la langue se retire vers l'arrière lorsque la bouche s'ouvre.
Faire les exercices 8, 9, 10, 11, 12 et 13.
2.3.4. Diphtongues et triphtongues
Les voyelles se caractérisent principalement par leur timbre. Une voyelle simple n’a qu’un seul timbre. Les diphtongues et les triphtongues sont des voyelles complexes qui ont une variation de timbre. Les diphtongues ont deux timbres, les triphtongues, trois. Les diphtongues sont beaucoup plus fréquentes que les triphtongues.
Contrairement aux voyelles simples pour lesquelles les organes phonatoires ont une configuration constante le temps que dure le voisement, les diphtongues et triphtongues sont réalisées avec un changement de configuration. Pour une diphtongue, chacune des configurations correspond au timbre d’une voyelle simple. Du fait de ce changement, les diphtongues et triphtongues ont une durée plus grande que les voyelles simples. Dans les langues qui connaissent la distinction entre voyelles brèves et voyelles longues et qui ont des diphtongues, les diphtongues sont d’une durée équivalente à celles des voyelles longues. Le point important ici est que les diphtongues et les triphtongues sont des voyelles uniques.
Exemples de diphtongues :
| anglais | light | [la͡ɪt] | lumière |
| boy | [bɔ͡ɪ] | garçon | |
| house | [ha͡ʊs] | maison | |
| bow | [bə͡ʊ] | arc | |
| beer | [bɪ͡əɹ] | bière | |
| poor | [pʊ͡əɹ] | pauvre | |
| finnois | tie | [ti͡e] | chemin |
| yö | [y͡ø] | nuit | |
| sauna | [sɑ͡unɑ] | sauna | |
| poika | [po͡ikɑ] | garçon | |
| tuoli | [tu͡oli] | chaise | |
| äiti | [æ͡iti] | mère | |
| vietnamien | bia | [bi͡a1] | bière |
| mưa | [mɯ͡a1] | pluie | |
| cua | [ku͡a1] | crabe | |
| tiên | [ti͡ən1] | d’abord | |
| tuôn | [tu͡on1] | rincer | |
| đưa | [ɗɯ͡ə1] | donner |
Le numéro inclus dans la transcription phonétique indique le ton (6 tons en vietnamien). Voir plus loin la partie consacrée à la prosodie.
Exemples de triphtongues en anglais :
| fire | [fai͡əɹ] | feu |
| flower | [fla͡uəɹ] | fleur |
Vous pouvez entendre des exemples de diphtongues et triphtongues en vietnamien dans le document complémentaire (phonétique du vietnamien).
Consulter le document multimédia « Phonétique du vietnamien ».
Avec l’alphabet phonétique international les diphtongues sont notées au moyen de deux symboles : [a͡u] ou [au] ; le premier modèle s’applique aux diphtongues dont les deux timbres sont au même plan, tandis que le second est utilisé pour les diphtongues dont les deux timbres s’analysent en un timbre principal et un timbre secondaire.
Le français standard n’a pas de diphtongues. Les mots tels que lait, peu, haut, fou... contiennent une voyelle simple ([ɛ], [pø], [o], [fu]) écrite au moyen d’un digraphe (deux lettres). Les mots tels que haïr, maïs, néon, idéal... ont deux voyelles simples contiguës ([aiʁ], [mais], [neɔ̃], [ideal]). Les mots tels que loi, nuit, lion, juin... ont une voyelle simple précédée d’une semi-consonne ([lwa], [nɥi], [ljɔ̃], [jɥɛ̃]). Les semi-consonnes sont traitées dans la partie qui suit.
On trouve cependant des diphtongues en franco-québécois :
| sable | [saubl] | pâte | [paut] | poire | [pwaiʀ] |
| père | [paeʀ] | cœur | [kaœʀ] | pinte | [pɛɛ̃t] |
2.4. Les semi-consonnes
On a dit précédemment que la distinction consonnes/voyelles n'était pas fondamentale, puisqu'il existe une classe de sons – les semi-consonnes (ou semi-voyelles ou encore approximantes) qui occupent une position intermédiaire entre les consonnes et les voyelles. Des voyelles, elles ont la propriété d'avoir une résonance, et des consonnes elles ont la propriété de prendre nécessairement appui sur une voyelle. Elles seront donc toujours précédées ou suivies d'une voyelle.
Pour comprendre ce qu'est une semi-consonne, considérons les voyelles les plus fermées du français, c'est-à-dire [i], [y] et [u]. Voyelle fermée signifie que le passage de l'air est réduit mais suffisant pour que les résonateurs entrent en résonance. Si l'on réduit l'aperture de chacune de ces voyelles nous nous approchons des consonnes fricatives correspondantes ([c], consonne palatale et [k], consonne vélaire) et nous obtenons ainsi les trois semi-consonnes. La semi-consonne [j], appelée jod, correspond à [i], [ɥ] correspond à [y], et [w] à correspond à [u].
En phonologie du français, la correspondance entre les voyelles et les semi-consonnes est évidente dans la conjugaison des verbes :
| nier | [nje], | niait | [njɛ], | nia | [nja], | nie | [ni], | niera | [niʁa] |
| suer | [sɥe], | suait | [sɥɛ], | sua | [sɥa], | sue | [sy], | suera | [syʁa] |
| vouer | [vwe], | vouait | [vwɛ], | voua | [vwa], | voue | [vu], | vouera | [vuʁa] |
La règle phonologique est simple ; la voyelle est présente devant une consonne ou en finale de mot alors que la semi-consonne correspondante apparaît devant une voyelle.
Pour décrire les semi-consonnes, deux propriétés suffisent : l'opposition étirée/arrondie (labialité) et l'opposition palatale/vélaire (point d'articulation) :
| antérieures | postérieures | |
|---|---|---|
| [j] | [ɥ] | [w] |
| étirées | arrondies | |
Faire les exercices 14 et 15.
2.5. Prosodie
La prosodie concerne trois propriétés qui ne sont utiles à la description des voyelles que pour les langues qui en font un usage distinctif : la durée, l'intensité et la hauteur. Aucune de ces propriétés n'est pertinente en français.
2.5.1. La durée
Une voyelle peut être brève ou longue. Les voyelles longues sont notées au moyen du signe diacritique ":". En finnois, l'opposition de durée est pertinente ; elle permet de distinguer systématiquement des mots de sens différents. Dans cette langue, il y a 8 voyelles, mais la pertinence de la durée met en opposition 8 voyelles brèves [i], [e], [a], [o], [u], [æ], [ø] et 8 voyelles longues [i:], [e:], [a:], [o:], [u:], [æ:], [ø:]. Quelques exemples d'opposition en finnois :
| voyelle brève | voyelle longue | ||||
|---|---|---|---|---|---|
| sata | [sɑtɑ] | "cent" | sataa | [sɑtɑ:] | "il pleut" |
| tuli | [tuli] | "feu" | tuuli | [tu:li] | "vent" |
| sano | [sɑno] | "dis" | sanoo | [sɑno:] | "il/elle dit" |
Consulter le document multimédia « Durée des voyelles et gémination des consonnes en finnois ».
2.5.2. L'intensité
Une voyelle peut être réalisée avec plus ou moins d’énergie. Étant donné que cette force articulatoire affecte toute la syllabe, on distingue ainsi des syllabes accentuées (ou toniques) et des syllabes non accentuées (ou atones). Une syllabe accentuée est notée au moyen du signe " ̍ " placé devant la voyelle. ̍Dans les langues qui font un usage distinctif de l'intensité comme l'italien, l'espagnol ou l'anglais, il est possible d'avoir des mots différents uniquement par la place de l'accent. Quelques exemples :
| anglais : | insult | ['insʌlt] | "insulte" | insult | [in'sʌlt] | "insulter" |
| italien : | principi | ['printʃipi] | "princes" | principi | [prin'tʃipi] | "principes" |
| espagnol : | termino | ['termino] | "terme" | termino | [ter'mino] | "je termine" |
| terminó | [termi'no] | "il/elle a terminé" |
Consulter les documents multimédias « Accent tonique de l’italien ».
2.5.3. La hauteur
Une voyelle peut être grave ou aiguë. Cette variation de hauteur peut être une question de registre ou de modulation. Dans les langues à registres, on distingue deux ou trois hauteurs vocaliques : registre haut, bas et moyen. Un registre haut correspond à un voyelle aiguë et un registre bas correspond à une voyelle grave. Les registres sont notés au moyen d'un signe diacritique suscrit. Exemples en éwé (langue du Togo) :
| éwé : | [mí] | "nous", | [mī] | "avaler", | [mì] | "vous" |
Dans les langues à tons, comme le chinois ou le vietnamien, la variation de hauteur est continue ou modulée : une voyelle peut ainsi avoir un ton montant (de grave à aigu), un ton descendant (d'aigu à grave), un ton plain (égal en hauteur), un ton modulé (montant descendant ou descendant-montant). Les tons sont notés en API au moyen d'un signe diacritique suscrit ou d'un autre jeu de symboles placés à droite de la voyelle. En chinois, les mots simples sont monosyllabiques et chaque syllabe peut être réalisée avec l'un des quatre tons. À chaque combinaison d'un timbre vocalique (une syllabe) et d'un ton correspond un mot de sens différents. Exemples en chinois mandarin :
| plain | montant | descendant montant | descendant | |
|---|---|---|---|---|
| courbe mélodique |
|
|
|
|
| exemple | [mā] | [má] | [mǎ] | [mà] |
| "maman" | "chanvre" | "cheval" | "injurier" |
Consulter les documents multimédias « Phonétique du thaï » (les tons) et « Phonétique du vietnamien » (les tons).
2.6. Alphabet phonétique international
Pour décrire les sons du langage, il est d'usage courant maintenant d'utiliser une norme connue sous le nom d'API (alphabet phonétique international). Ce qui permet de noter la prononciation de toutes les langues de manière unifiée. Dans cet alphabet, il y a autant de symboles phonétiques qu'il y a de différences pertinentes dans les langues. Comme on l'a vu précédemment, il y a deux symboles pour la distinction de voisement entre les occlusives bilabiales (occlusive bilabiale sourde = [p], et occlusive bilabiale sonore = [b]) car de nombreuses langues font une distinction pertinente entre les deux comme en français entre par [paʁ] et bar [baʁ]. Par contre, il n'y a qu'un seul symbole phonétique pour la nasale bilabiale [m] – qu'elle soit sourde ou sonore – car aucune langue n'utilise cette différence de voisement de manière significative.
On trouvera dans les documents, l’ensemble des symboles de l'API ainsi qu’un tableau des sons du français.
Consulter les documents « Charte de l’Alphabet Phonétique International (version de 2022) » et « Tableau des signes phonétiques du français (API) ».
2.7. La syllabe
La syllabe est une unité phonétique de co-articulation des sons. Une syllabe est constituée d’un noyau vocalique, d’une attaque et d’une coda. L’attaque et la coda sont des consonnes ou des groupes consonantiques et peuvent ne pas être présents. La structure de la syllabe est donc (C)V(C). Plus précisément, la syllabe a une structure hiérarchisée comme suit :
Une syllabe est constituée pour le moins d’une voyelle (noyau syllabique). Dans certaines langues, les consonnes liquide [l] et [r] sont également des noyaux syllabiques (les consonnes liquides sont proches des voyelles du fait qu’elles ont une propriété de résonance). Par exemple, en tchèque, le mot vlk (loup) a pour noyau syllabique la consonne [l]. Exemples de différentes structures syllabiques en français :
| haut | [o] | V |
| et | [e] | V |
| an | [ɑ̃] | V |
| néant | [neɑ̃] [ne-ɑ̃] | CV-V |
| après | [apʁɛ] [a-pʁɛ] | V-CcV |
V = voyelle
C = consonne
Cc = groupe consonantique
Le tiret signale une frontière de syllabe
L’attaque et la coda peuvent être des groupes consonantiques comme dans les exemples suivants :
| prix | [pʁi] | CcV |
| ocre | [ɔkʁ] | VCc |
| trouble | [trubl] | CcVCc |
| sport | [spɔʁ] | CcVC |
| apprendre | [apʁɑ̃dʁ] | V-CcVCc |
Faire l'exercice 16.
CV est une structure syllabique universelle : toutes les langues ont ce type de syllabe. Le type CV est largement prédominant dans certaines langues comme le japonais. Cela se manifeste par l’écriture et par le traitement des emprunts. Le japonais a trois systèmes d’écriture ; une écriture idéographique représentant des unités sémantiques (kanji), une écriture alphabétique pour transcrire les mots étrangers (romanji) et une écriture syllabique qui représente une séquence CV (hiragana et katakana). Exemples extraits du syllabaire hiragana :
か = [ka]
が = [ga]
く = [ku]
た = [ta]
せ = [se]
み = [mi]
Les mots du japonais empruntés à d’autres langues ont une structure syllabique CVCV... Des voyelles sont ajoutées pour satisfaire le modèle syllabique de base (CV) :
emprunts à l’anglais :
| gaz | [gasu] |
| office | [ofisu] |
| cream | [kuri:mu] |
| golf | [gorufu] |
| sexe | [sekusu] |
| whisky | [wisuki:] |
| drama | [dorama] |
Consulter le document multimédia « Phonétique du japonais ».
Faire l'exercice 17.
La syllabation est le découpage d’un énoncé en syllabes. Ce découpage est un processus naturel (on n’apprend pas à découper un mot ou un groupe de mots en syllabes) et est indépendant du découpage en unités graphiques représentant les mots. Dans l’exemple suivant, le découpage en syllabes ne correspond pas au découpage en mots :
| Une ancienne amie | [ynɑ̃sjɛnami] | [y-nɑ̃-sjɛ-na-mi] |
| V-CV-CsV-CV-CV |
V = voyelle
C = Consonne
Cs = groupe consonantique avec une semi-consonne
Le découpage syllabique d’un énoncé comportant plusieurs mots implique un processus naturel de resyllabation qui introduit autant que possible des syllabes du type CV. Le découpage syllabique est différent si les mots sont prononcés séparément :
| Une ancienne amie | [yn] [ɑ̃-sjɛn] [a-mi] (prononciation mot à mot) |
| VC V-CsVC V-CV |
De même dans l’exemple suivant qui comporte une liaison (prononciation d’une consonne écrite qui n’est pas prononcée dans le mot pris isolément) :
| les enfants | [lezɑ̃fɑ̃] | [le-zɑ̃-fɑ̃] (prononciation enchaînée) |
| [le] [ɑ̃-fɑ̃] (prononciation mot à mot) |
On remarquera que la consonne de liaison [z], qui appartient à la graphie de l’article les, constitue la consonne d’attaque du mot suivant.
On distingue deux grands types syllabiques : les syllabes ouvertes (ou libres) qui se terminent par une voyelle et les syllabes fermées (ou entravées) qui se terminent par une consonne. Cette distinction est importante en phonologie pour expliquer certaines propriétés des sons relativement à leur distribution dans la chaîne parlée.
-
Exemples de syllabes ouvertes : V, CV, CcV
-
Exemples de syllabes fermées : VC, CVC, CcVC, CVCc...
2.8. Phonétique combinatoire
La phonétique combinatoire est l'étude des relations entre les sons. La description phonétique telle que nous l'avons présentée jusqu'à maintenant consistait à décrire les sons séparément les uns des autres sans tenir compte de leur entourage. Hors la réalisation phonétique d'un son n'est pas complètement indépendante des autres sons qui le précèdent et qui le suivent. Parmi les différents phénomènes qui relèvent de la phonétique combinatoire nous n’en retiendrons que deux, pertinents pour le français : l'assimilation et l’assibilation. L'assimilation est le phénomène le plus courant dans la langue parlée. La tendance naturelle est de réduire les différences entre les sons contigus, dès lors que le débit de la parole ne permet pas ces différences. L’assibilation est un cas particulier d’assimilation.
2.8.1. L’assimilation
Il y a assimilation lorsque la réalisation phonétique d'un son est influencée par un autre son contigu. La description des phénomènes d'assimilation met en jeu l'orientation du phénomène, l'effet produit, et une ou plusieurs propriété(s) phonétique(s).
1) Les assimilations se différencient par leur orientation; on distingue les assimilations progressives et les assimilation régressives. Avec les premières c'est le premier son qui affecte la réalisation du second, tandis que dans l'assimilation régressive c'est le second qui affecte le premier:
[α] → [β] assimilation progressive
[α] ← [β] assimilation régressive
Une assimilation progressive correspond à un retard d'abandon d'une articulation, si bien que la consonne qui suit est réalisée avec une propriété articulatoire de la consonne qui précède. Lorsque c'est le voisement qui est impliqué dans l’assimilation, la consonne qui suit est réalisée sourde ou sonore selon le voisement de celle qui précède.
Une assimilation régressive correspond à une anticipation ; la consonne qui précède est réalisé avec une propriété articulatoire de la consonne qui suit. Si c’est le voisement qui est concerné, la consonne qui précède est réalisée sourde ou sonore selon le voisement de celle qui suit.
2) Une assimilation met en jeu une ou plusieurs propriétés descriptives. S'agissant de consonnes, l'assimilation peut porter sur le point d'articulation, sur le mode d'articulation ou sur le voisement. La plupart des assimilations du français sont des assimilations de voisement. On trouve cependant quelques cas d'assimilation du point d'articulation et du mode d'articulation:
-
assimilation régressive du voisement :
| absent | [ab-sɑ̃] → [apsɑ̃] |
| [b] → [p] |
-
assimilation régressive du mode d'articulation :
| quinze jours | [kɛ̃z-ʒuʁ] → [kɛ̃ʒʒuʁ] |
| [z] → [ʒ] | |
| maintenant | [mɛ̃t-nɑ̃] → [mɛ̃nnɑ̃] |
| [t] → [n] |
-
assimilation régressive du point d'articulation :
| in-moral | [in] → [im] (moral) |
| [n] → [m] |
Le préfixe négatif "in-" comme dans inavouable se réalise "im-" devant un adjectif qui commence par une bilabiale, comme dans immoral. Cette assimilation régressive est visible dans la forme écrite du mot ; de même pour in+réel = [iʁʁeɛʁ], in+lisible = [illisibl]. Dans cas particulier qui met en jeu la relation entre un préfixe et un radical, l’assimilation a pour résultat une gémination (deux consonnes identiques).
On parle d'assimilation totale lorsqu’il y a identité des deux consonnes impliquées dans l’assimilation, autrement on parle d'assimilation partielle : il y a assimilation totale dans l'exemple de quinze jours, maintenant et immoral, et également dans l’exemple suivant :
| dimanche soir | [di-mɑ̃ʃ-swar] → [dimɑ̃ʃʃwar] |
L'assimilation ayant pour condition nécessaire la contiguïté des deux sons, elle peut apparaître en français dans les contexte suivants :
-
dans les groupes consonantiques,
-
à la jonction de deux syllabes,
-
entre deux mots.
Elle est plus évidente lorsque la contiguïté est elle-même le résultat de la chute d'un "e" muet.
2.8.1.1.Dans un groupe consonantique
Dans les groupes consonantiques dont le second membre est une consonne qui connaît la distinction de voisement.
Étant donné que le groupe consonantique est dans une position qui ne permet pas de disjoindre les deux consonnes – comme c’est le cas lorsque la prononciation syllabe par syllabe permet d’avoir une réalisation séparée des deux consonnes – il n’est pas possible ici de se prononcer sur l’orientation du processus ; laquelle des deux consonnes subit l’influence de l’autre ?
| sbire | [zbiʁ] |
| spirale | [spiʁal] |
| tsar | [tsaʁ] ou [dzaʁ] |
Une description en termes d’assimilation ne va pas de soi, si l’on considère qu’une assimilation implique la possibilité de deux réalisations différentes : une prononciation sans assimilation et une prononciation avec assimilation. Dans les exemples précédents, les deux consonnes sont soit sourdes soit sonores. Il est impossible de dissocier le voisement des deux consonnes. Plutôt que d’assimilation, on parlera alors de corrélation de voisement. Même dans ce cas, ces exemples sont utiles pour comprendre le phénomène de l’assimilation.
2.8.1.2.À la jonction de deux syllabes
À la jonction de deux syllabes dont la première des deux est une syllabe fermée et la seconde une syllabe commençant par une consonne (... VC | C ...), on opposera ainsi une prononciation marquant la coupure syllabique par une légère pause (sans assimilation) et la prononciation courante avec assimilation :
| absent | [ab-sɑ̃] → [apsɑ̃] |
| obtenir | [ɔb-tœ-nir] → [ɔptœnir] |
| anecdote | [a-nɛk-dɔt] → [anɛgdɔt] |
| subtil | [syb-til] → [syptil] |
Dans les mots qui suivent, l'assimilation n'est possible que si le "e" muet (voir plus loin le statut de cette voyelle en français) n’a pas de réalisation phonétique. Ici, il suffit de comparer la prononciation avec "e" muet prononcé (souligné) et sans assimilation et la prononciation sans "e" muet mais avec assimilation :
| médecin | [mɛdœsɛ̃] → [mɛtsɛ̃] |
| jeter | [ɔb-tœ-nir] → [ɔptœnir] |
| second | [sœgɔ̃] → [zgɔ̃] |
| clavecin | [klavœsɛ̃] → [klafsɛ̃] |
2.8.1.3. À la jonction de deux mots
La jonction de deux mots est un cas particulier de jonction de syllabes et l’assimilation opère de façon identique :
| un vague sentiment | [œ̃-vag-sɑ̃timɑ̃] → [œ̃vaksɑ̃timɑ̃] |
| avec zèle | [avɛk-zɛl] → [avɛgzɛl] |
| le globe terrestre | [lœ-glɔb-terɛstr] → [lœglɔpterɛstr] |
| lave-toi | [lav-twa] → [laftwa] |
Dans tous ces exemples, il s'agit d'une assimilation régressive du voisement.
Comme pour l’assimilation interne au mot avec "e" muet, une assimilation est possible dès lors que le "e" en fin de mot n’a pas de réalisation phonétique :
| je parle | [ʒœparl] → [ʃparl] |
| c'est ce gamin | [sɛsœgamɛ̃] → [sɛzgamɛ̃] |
| pas de chance | [padœʃɑ̃s] → [patʃɑ̃s] |
| un peu de pain | [œ̃pødœpɛ̃] → [œ̃ pøtpɛ̃] |
Consulter le document « Les assimilations ».
Faire l’exercice 18.
2.8.2. L’assibilation
L’assibilation est un cas particulier d’assimilation qui met en jeu la consonne [t] devant la voyelle [i].
Comparons les mots suivants :
| inerte | [inɛʁt] | et | inertie | [inɛʁsi] |
| inepte | [inɛpt] | et | ineptie | [inɛpsi] |
| démocrate | [demokʁat] | et | démocratie | [demokʁasi] |
La consonne [t] de fin de mot est remplacée par la consonne [s] devant la voyelle [i]. La consonne [t] est une occlusive (fermeture du passage de l’air) et [i] est une voyelle fermée. Le remplacement de [t] par [s] s’explique par une anticipation articulatoire sur le passage de l’air ; [s] est la consonne qui correspond au même point d’articulation que [t] (les deux sont sourdes) mais comme il s’agit d’une fricative, il y a néanmoins un flux d’air qui passe et qui permet la réalisation de la voyelle [i] qui requiert en tant que voyelle un flux d’air voisé. Cette assimilation ne concerne que la voyelle [i], car étant la plus fermée des voyelles, elle est la plus proche du mode articulatoire des consonnes et la consonne [s] (dentale ou alvéolaire) est une consonne qui est proche aussi du point d’articulation de la voyelle d’avant [i].
Le même phénomène s’observe dans d’autres langues. En finnois, le radical du mot eau est vet- et ce mot prend la forme vesi au nominatif (forme du mot dans le dictionnaire et lorsqu’il est sujet dans la phrase simple).