Modèle d’analyse pour les exercices sur les universaux d’implication

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Cours: Typologie des langues
Livre: Modèle d’analyse pour les exercices sur les universaux d’implication
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Date: vendredi 27 septembre 2024, 11:25

Introduction

La démarche à suivre est illustrée avec les universaux n°3 et n°41 de Greenberg [1966]. Le premier exemple est commenté tandis que le second est réduit aux seules informations pertinentes telles qu’elles doivent apparaître pour le moins dans les exercices.

Dans ce type d’exercice, le corpus contient des exemples empruntés à diverses langues (trois langues pour le moins) et il s’agit de retrouver un universal d’implication. Les exemples -en transcription phonétique large pour les langues sans écriture ou dont l’écriture ne repose pas sur l’alphabet latin- sont toujours associés à une glose mot à mot et à une traduction.

Les étapes pour parvenir à la formation de l’universal d’implication sont les suivantes :

  1. Identifier les deux propriétés illustrées dans les exemples.
  2. Pour chaque langue, préciser le type au regard des deux propriétés.
  3. Établir le tableau de la distribution des propriétés.
  4. Établir le diagramme de Carroll [1] en faisant apparaître la distribution lacunaire.
  5. Établir la table de vérité de l’implication à partir du diagramme de Carroll.
  6. Formuler l’universal d’implication.

  1. Lewis Carroll, écrivain, auteur d’Alice aux pays des Merveilles était également un mathématicien et un logicien. Il a écrit notamment l’ouvrage Logique sans peine, trad. Jean Gattégno et Ernest Coumet, Éd. Hermann, Paris 1966.

Universal n°3

À partir des exemples suivants, retrouvez l’universal d’implication.

Après avoir précisé les propriétés typologiques en jeu dans ces exemples, formulez et justifiez l’universal d’implication.

norvégien a. de leser historie
ils étudient l’hitoire
ils étudient l’histoire
a’. forbi butikken
devant boutique
devant la boutique
arabe b. kataba rrajulu rrisaalata
a écrit homme lettre
l’homme a écrit une lettre
b’. fi Barisi
à Paris
à Paris
hongrois c. Istvan ójságot olvás
Istvan journal lit
Istvan lit le journal
c’. a pad alatt
le banc sous
sous le banc
mordve d. son lovni žurnal
ils/elles lisent journal
ils/elles lisent le journal
d'. kudo vaksso
maison à
à la maison
farsi e. Omid ketab xand
Omid livre a lu
Omid a lu un livre
e’. az šahr
de ville
de la ville

1. Propriétés

Les deux propriétés illustrées dans ce corpus sont l’ordre des constituants majeurs de la phrase (sujet-verbe-objet) et la nature des adpositions (prépositions ou postpositions).

2. Distribution des propriétés

Dans le tableau suivant, l’agencement linéaire est représenté par les séquences SVO, VSO, …et la nature des adpositions par les abréviations Prep (langue avec des prépositions) et Post (langue avec des postpositions) :

norvégien a. SVO a’. Prep
arabe b. VSO b’. Prep
hongrois c. SOV c’. Post
mordve d. SVO d’. Post
farsi e. SOV e’. Prep

3. Répartition des langues selon type

La répartition des langues en foncion de ces deux propriétés est représentée par un tableau à double entrée qui reprend les différentes combinaisons des deux propriétés classificatoires. Ce tableau doit faire apparaître une ou plusieurs configurations non attestées. En l’occurence, pas d’exemple de langue VSO ayant des postpositions.

Prep Post
SVO norvégien mordve
SOV farsi hongrois
VSO arabe

Le corpus étant représentatif du comportement de l’ensemble des langues au regard des deux propriétés typologiques, toutes les combinaisons sont possibles et représentées dans les langues par au moins un exemple à l’exception du cas de figure non attesté.

4. Diagramme de Carroll

Afin de formuler une relation d’implication entre les deux propriétés, il convient de réduire le tableau de la répartition des langues en un tableau à double entrée binaire : uniquement 2 colonnes et 2 lignes. Pour ce faire, il faut reformuler les deux propriétés en mode binaire : une valeur positive et une valeur négative avec le même terme pour l’expression de la valeur. C’est la partie la plus délicate de l’exercice.

La distinction entre les langues avec prépositions et langues avec postpositions peut se schématiser avec l’opposition [+Prep] et [‒Prep] ou [+Post] et [‒Post]. Dans ce qui suit, on utilisera plutôt la notation : Prep et non Prep (non Prep = Post) ou Post et non Post (non Post = Prep).

La classification des langues à partir de l’organisation linéaire des constituants majeurs de la phrase peut être réduite à plusieurs oppositions possibles :

[+SVO] et [-SVO] (c’est à dire SOV et VSO)
ou
[+SOV] et [-SOV] (c’est à dire SVO et VSO)
ou
[+VSO] et [-VSO] (c’est à dire SVO et SOV)

On utilisera plutôt la notation :

SVO et non SVO (non SVO = SOV et VSO)
ou
SOV et non SOV (non SOV = SVO ou VSO)
ou
VSO et non VSO (non SVO = SVO ou SOV)

Le choix de la bonne formulation pour les oppositions binaires repose sur la configuration non attestée et sur la deuxième ligne de la table de vérité de l’implication logique :

Table de vérité de l’implication logique :

P ⇒ Q
P et Q vrai
P et non Q faux
non P et Q vrai
non P et non Q vrai

Une implication est vraie si elle répond aux différentes combinaisons exprimées dans cette table.

La configuration non attestée VSO et Post du tableau 2 doit correspondre aux termes P et non Q de la deuxième ligne. La propriété correspondant à la proposition P doit être positive et la propriété correspondant à la proposition Q doit être négative. Par conséquent :

P= VSO (non P = non VSO)
non Q= non Prep (Q= Prep)
= ne pas avoir de prépositions (= avoir des postpositions)

Afin de respecter le formalisme de la logique vériconditionnelle, les différents manifestations des deux propriétés typologiques doivent être réduits à deux termes avec leur contraire :

  • langues VSO et langues non VSO (c’est à dire : SVO, SOV, …)
  • langues avec prépositions (Prep) et langues sans prépositions (non Prep), autrement dit : langues avec postpositions.

Les valeurs choisies pour correspondre aux propositions P et Q de l’implication logique (langue VSO = “être une langue VSO”, Prep = “les adpositions sont des prépositions”) sont maintenant intégrées dans un tableau à double entrée binaire (diagramme de Carroll) :

Prep non Prep
non VSO norvégien
farsi
mordve
hongrois
VSO arabe

5. Table de vérité de l’implication logique

Pour établir la bonne formulation de l’implication, il faut que le cas de figure non attesté corresponde à la deuxième ligne de la table de vérité de l’implication logique.

Table de vérité de l’implication appliquée aux deux propriétés du corpus :

VSO et Prep vrai arabe...
VSO et non Prep faux (pas d'exemple)
non VSO et Prep vrai norvégien, farsi...
non VSO et non Prep vrai hongrois, mordve...

6. Formulation de l’universal d’implication

La première ligne de la table donne l’implication :

VSO ⇒ Prep

Autrement dit :

Si une langue est du type VSO, alors cette langue a des prépositions.

Ce qui correspond à la distrubution lacunaire :

Il n’y a pas de langues VSO avec des postpositions.

Ce qui correspond à l’universal n°3 de Greenberg :

Languages with dominant VSO arder are always prepositional

Universal n°41

À partir des exemples suivants, retrouvez l’universal d’implication.

Après avoir précisé les propriétés typologiques en jeu dans ces exemples, formulez et justifiez l’universal d’implication.

français Pierre aime Marie
anglais Peter loves Mary
finnois Pekka näki filmin
Pekka+NOM a vu film+ACC
Pekka a vu le film
géorgien alma c’erili dac’era
femme+ERG lettre+NOM a écrit
La femme a écrit une lettre
latin Quintus Marcum occidit
Quintus+NOM Marcus+ACC a tué
Quintus a tué Marcus
dyirbal ŋad’a ŋinuna balgan
moi+NOM toi+ACC frappe
Je te frappe
japonais Taroo ga aigo o hanaseru
Taroo+NOM anglais+ACC sait parler
Taroo parle anglais
hongrois Péter olvas egy könyvet
Pierre+NOM lit un livre+ACC
Pierre lit un livre
irlandais dúnann an dochtúir an doras
ferme le docteur la porte
Le docteur ferme la porte
chinois wo chi rou
moi mange viande
Je mange de la viande
albanais ai lexoi librin
il+NOM a lu livre+ACC
Il a lu le livre
igbo ewû tàrà ji
chèvre mange igname
La chèvre mange des ignames
arabe katabarrajulu rrisaalata
a écrit homme+NOM lettre+ACC
L’homme a écrit une lettre

Liste des cas : NOMinatif, ACCusatif, ERGatif

1. Propriétés

Les deux propriétés illustrées dans ce corpus sont l’ordre des constituants majeurs de la phrase (sujet-verbe-objet) et la présence ou l’absence de marquage casuel sur les constituants nominaux (la nature exacte des cas utilisés pour le marquage du sujet et de l’objet n’est pas pertinente ici). Pour chaque langue, les deux propriétés sont illustrées par un unique exemple.

2. Distribution des propriétés

L’agencement linéaire est représenté par les séquences SVO, VSO… et le marquage casuel, par les traits +CAS (avec marquage casuel) et ‒CAS (sans marquage casuel) :

français SVO -CAS
anglais SVO -CAS
finnois SVO +CAS
géorgien SOV +CAS
latin SOV +CAS
dyirbal SOV +CAS
japonais SOV +CAS
hongrois SOV +CAS
irlandais VSO -CAS
chinois SVO -CAS
albanais SVO +CAS
igbo SVO -CAS
arabe VSO +CAS

3. Répartition des langues selon type

Répartition des langues en fonction des deux propriétés :

+CAS -CAS
SVO finnois
albanais
français
anglais
chinois
igbo
VSO arabe irlandais
SOV géorgien
latin
dyirbal
japonais
hongrois

4. Diagramme de Carroll

Toutes les combinaisons observées se ramènent à deux oppositions avec un cas de figure non attesté :

+CAS -CAS
non SOV finnois
albanais
arabe
français
anglais
chinois
igbo
SOV géorgien
latin
dyirbal
japonais
hongrois

5. Table de vérité de l’implication logique

Table de vérité de l’implication appliquée aux deux propriétés observées dans le corpus :

SOV et +CAS vrai géorgien …
SOV et -CAS faux pas d’exemple
non SOV et +CAS vrai finois …
non SOV et -CAS vrai français …

6. Formulation de l’universal d’implication

La première ligne de la table donne l’implication :

SOV ⇒ +CAS

Autrement dit :

Si une langue est du type SOV, alors cette langue a un marquage casuel.

Ce qui correspond à la distribution lacunaire :

Il n’y a pas de langues SOV sans marquage casuel.

Ce qui correspond à l’universal n°41 de Greenberg :

If in a language the verb follows both the nominal subject and nominal object as the dominant order, the language almost always has a case system.