Droit d’auteur, copyright et licences ouvertes dans les pays de droit civiliste
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Cours: | Cours introductif aux REL, droit d'auteur et licences ouvertes, pour décideurs publics |
Livre: | Droit d’auteur, copyright et licences ouvertes dans les pays de droit civiliste |
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Date: | samedi 23 novembre 2024, 16:57 |
Table des matières
- 1. Droit d’auteur, copyright et licences ouvertes dans les pays de droit civiliste
- 2. Les systèmes juridiques dans le monde
- 3. Deux approches de la protection des œuvres : le droit d’auteur et le copyright
- 4. Le contrat de licence, une réponse adaptée aussi bien dans les pays de droit d’auteur que dans les pays de copyright
- 5. Domaine public
- 6. L’évolution du cadre juridique international
- 7. Répartition des pays d’Afrique sub-saharienne de droit civiliste
- 8. Crédits
1. Droit d’auteur, copyright et licences ouvertes dans les pays de droit civiliste
Après avoir examiné le rôle, les définitions possibles et les permissions sur lesquelles l’on peut s’appuyer dans l’utilisation des REL, il est important de comprendre le cadre juridique dans lequel ces permissions peuvent être accordées. Ce cadre résulte du rapprochement de deux approches juridiques distinctes :
- La protection du droit de l’auteur d’une œuvre de l’esprit : le droit d’auteur et la propriété intellectuelle, dans les pays de droit romano-civiliste ou plus simplement civiliste
- La réglementation du droit de reproduire une œuvre dont on n’est pas nécessairement l’auteur : le copyright des pays de common law, principalement anglo-saxons
2. Les systèmes juridiques dans le monde
3. Deux approches de la protection des œuvres : le droit d’auteur et le copyright
L’introduction en Europe, vers 1450, de l’imprimerie par Gutenberg, a permis une plus large diffusion des œuvres et la généralisation de l'accès à l'écrit, phénomène que nous vivons aujourd’hui sous une autre forme avec l’avènement du numérique. Le cadre juridique se développe ensuite dans le cadre territorial de chaque pays et l’on peut distinguer, au fil du temps, deux approches, liées au système juridique, civiliste ou common law.
3.1. La protection des droits de l’auteur d’une œuvre
Le droit d'auteur (branche du droit de la propriété intellectuelle) s'applique dans les pays de droit civiliste. Il protège les auteurs d’œuvres de l’esprit originales, dès leur création, mêmes si elles sont inédites ou inachevées. Aucune formalité d'enregistrement ou fixation matérielle de l’œuvre n'est nécessaire pour bénéficier du droit d'auteur. Il confère à l’auteur des droits moraux (prérogatives de respect de l’auteur et de respect de l’œuvre) qui peuvent être perpétuels ou inaliénables, et des droits patrimoniaux (ou d’exploitation) qui ont une durée limitée et peuvent être cédés.
3.2. La réglementation de la reproduction des œuvres
Le copyright s’applique dans les pays de common law. Il s’attache plus à la protection des droits patrimoniaux qu’à celle du droit moral et nécessitait, à l’origine, la fixation de l’œuvre sur un support ainsi que l’enregistrement auprès d’un organisme agréé. De plus, le droit moral, quand il est reconnu, n’est ni perpétuel, ni incessible.
Jusqu’à l’adoption de la Convention de Berne en 1886, cette protection est une protection essentiellement nationale, limitée au territoire de chaque pays. La convention de Berne permet à la fois une harmonisation partielle du droit d’auteur et du copyright, d’une part, et l’extension de la protection des œuvres dans des pays autres que celui où elles ont été créées, d’autre part.
3.3. Pays signataires de la convention de Berne
Aujourd’hui, l’agence des Nations Unies chargée de la Propriété Intellectuelle est l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI / WIPO). De plus, L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC/WTO), organisation intergouvernementale créée en 1994 par les accords de Marrakech, « reconnaît sur le plan juridique » au travers de L'Accord sur les aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC, en anglais, Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights : TRIPS) « l'importance des liens entre la propriété intellectuelle et le commerce, ainsi que la nécessité d'un régime de propriété intellectuelle équilibré. »
Pour aller plus loin
- l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI / WIPO) : https://www.wipo.int/portal/fr/index.html
- L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC/WTO) : https://www.wto.org/indexfr.htm
4. Le contrat de licence, une réponse adaptée aussi bien dans les pays de droit d’auteur que dans les pays de copyright
Avec le développement exponentiel du numérique, et notamment les logiciels libres, il est apparu nécessaire de préciser et de clarifier les règles qui s’appliquent à la protection des auteurs et de leurs œuvres, pour répondre à des problèmes qui n’étaient pas envisagés en 1886, et surmonter les différences d’approche entre tenants du droit d’auteur, partisans du copyright, et adeptes d’un Internet libre et ouvert.
C’est ainsi que sont apparues les licences ouvertes sur les REL, dérivées des licences ouvertes sur les logiciels libres. Ce sont des contrats entre le détenteur des droits sur une œuvre et un utilisateur (le licencié) qui régissent l’utilisation de l’œuvre.
A ce titre, ces licences s’inscrivent, dans les pays de droit civiliste, dans une stricte hiérarchie des normes juridiques : constitution > traité > loi ordinaire > réglementation > contrat, qui impose aux licences de respecter les normes juridiques de niveau supérieur. Ainsi, une clause d’un contrat de licence contraire à la législation sur le droit d’auteur serait nulle et de nul effet. Une clause imposant la renonciation au droit moral de l’auteur serait ainsi frappée de nullité.
Dans les pays de « common law », le contrat entre les parties est un élément parmi d’autres du contexte juridique, avec une hiérarchie des normes bien moins affirmée et une importance accrue apportée à la jurisprudence. Le droit moral, quand il est reconnu, n’est ni imprescriptible, ni incessible.
Le contentieux associé aux contrats de licence peut donc être très différent dans les deux systèmes juridiques.
4.1. Les licences ouvertes
Apparues initialement avec les logiciels libres, les licences ouvertes sont une catégorie de contrats de licence qui permettent une large utilisation des ressources éducatives. Selon le type de licences, elles peuvent autoriser différentes actions telles que la consultation, la réutilisation, l’utilisation à d’autres fins, l’adaptation et la redistribution.
Isabelle Ramade. C2i. (2013, 25 novembre). Les
contrats de licence (Module 8.3), dans MOOC Internet, les autres et moi,
Canal-U.
Bien que d’origine anglo-saxonne et donc marquées par la tradition de common law, les licences ouvertes développées par l’association Creative Commons sont un exemple de licences ouvertes qui ambitionnent de répondre de façon quasi-universelle à cette problématique.
4.2. Les licences ouvertes Creative Commons
Parmi les licences ouvertes, les licences Creative Commons sont souvent utilisées pour diffuser des Ressources Educatives Libres.
4.3. Le contexte général
Selon l’association Creative Commons « nos licences sont conçues pour être utilisées par les auteurs et titulaires de droits dans la limite des lois et règlements en vigueur ». Cela emporte les conséquences suivantes dans les pays de droit civiliste:
- Une licence ouverte conforme avec les licences Creative Commons n’est pas pour autant conforme à la législation et la réglementation du droit d’auteur de votre pays ; il vous appartient de vous en assurer
- Les contrats de licence, contrats de droit privé, doivent respecter la hiérarchie des normes de droit public qui sont supérieures au contrat de licence : constitution, législation et réglementation sur le droit d’auteur
- Les clauses des contrats de licence qui sont contraires à ces normes de droit public sont nulles ; il vous appartient de vérifier si c’est le cas dans votre pays
Exemple de clause non conforme au droit de différents pays
Les contrats de licence Creative Commons ont une clause qui dispose qu’ils sont irrévocables. Cette clause n’est pas conforme au :
- droit des contrats dans les pays où les engagements perpétuels sont proscrits
- droit d’auteur dans les pays où le droit moral de l’auteur lui permet à tout moment d’exiger le retrait de son œuvre et de mettre fin à sa libre diffusion
Dans ces pays, la hiérarchie des normes de droit protège efficacement l’auteur contre cette clause. Ce ne serait pas le cas, néanmoins, si la REL venait à être diffusée sur une plate-forme hébergée dans un pays de common law. Les clauses qui distinguent les différents types de licences Creative Commons.
L’association Creative Commons a créé six types de contrats de licences, reposant sur deux (ou trois) choix que les auteurs peuvent faire :
- Autoriser l’utilisation de la REL dont on est l’auteur à des fins commerciales : OUI / NON (clause NC)
- Autoriser la modification de la REL dont on est l’auteur (création d’une œuvre dérivée) : OUI / NON (clause ND)
- Dans le cas où l’on autorise la modification de la REL dont on est l’auteur, imposer la diffusion de l’œuvre dérivée dans les mêmes conditions que celles retenues pour l’œuvre originelle : OUI (clause SA) / NON
Remarque
A noter que la clause BY (attribution, reconnaissance de paternité) n’est pas sujette à un choix. C’est une obligation absolue dans les pays de droit d’auteur.
4.4. Le tableau suivant récapitule les différentes licences qui résultent des combinaisons possibles de clauses:
Crédits : Traduction et adaptation de Catherine Rhéaume et Guillaume Vachon, d'après une création originale de Foter | https://foter.com/blog/how-to-attribute-creative-commons-photos/ CC-BY-SA
4.5. Exemple de mention de la licence Creative Commons attachée à une oeuvre
Cette œuvre est mise à disposition dans le respect de la législation [du pays]* protégeant le droit d'auteur, selon les termes du contrat de licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International (http://creativecommons.org/licenses/bync-nd/4.0/).
En cas de conflit entre la législation [du pays] 1 et les termes de ce contrat de licence, la clause non conforme à la législation [du pays] 1 est réputée non écrite. Si la clause constitue un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles, sa nullité emporte celle du contrat de licence tout entier
* remplacer par le nom du pays
5. Domaine public
En droit de la propriété intellectuelle, le domaine public désigne l’ensemble des œuvres de l’esprit et des connaissances dont l’usage n’est pas ou n’est plus restreint par la loi.
L'entrée dans le domaine public ne correspond pas à une réalité uniforme dans le monde. Le copyright et le droit d'auteur notamment varient d'un pays à l'autre. Ainsi, au Canada, une œuvre entre dans le domaine public 50 ans après la mort de tous ses auteurs, alors qu'en France cette durée a été étendue à 70 ans après la mort des auteurs.
Dans les pays où s'applique le droit d'auteur, les auteurs et leurs héritiers conservent indéfiniment leur droit moral. Dans ce cadre, les œuvres n'entrent dans le domaine public que lorsque les droits patrimoniaux de chaque auteur sont épuisés, le droit moral ne pouvant faire l'objet d'une renonciation.
A noter que l’outil Creative Commons CC0 n’est pas conforme au droit d’auteur des pays de droit civiliste.
A l’inverse, dans les pays de copyright, comme les États-Unis d'Amérique, il est possible pour l'auteur de renoncer totalement à ses droits, y compris le droit moral de paternité, et d’utiliser l’outil Creative Commons CC0.6. L’évolution du cadre juridique international
Dans le cadre d’organisations continentales ou régionales, plusieurs états membres des Nations Unies se sont associés pour uniformiser le droit de la propriété intellectuelle et artistique.
C’est le cas de l’Union Européenne, au travers d’un ensemble de directives et de règlements sur le droit d’auteur et les droits voisins.
C’est aussi le cas, en Afrique, avec les accords de Libreville (Gabon) et de Bangui (Centrafrique), qui réunissent dix-sept états au sein de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI).
Toujours en Afrique, l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) n’a pas encore adopté de législation sur la propriété intellectuelle, mais sa 4ème conférence était consacrée en mai 2022, à « la protection des droits de propriété intellectuelle dans l’espace OHADA » et ses dix-sept états membres, signe de la maturation des esprits.
A noter que dès le 9 mai 2016, le Pr Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, et le Dr Paulin EDOU, Directeur Général de l’OAPI, ont signé à Yaoundé, un Accord de coopération entre ces deux organisations d’intégration.
La relation entre l’OAPI (droit d’auteur) et l’OHADA (droit des contrats) en Afrique peut être rapprochée de celle qui existe entre l’OMPI et l’OMC au niveau international, même si l’approche de l’OHADA sur le droit d’auteur reste en devenir. On peut aussi relever que le degré d’intégration au sein de l’OHADA au travers des actes uniformes et de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est plus prononcé.
Les pays de langue portugaise voisins des pays francophones d’Afrique (Angola, Cabo Verde, Guinée-Bissau, Mozambique, Sao Tomé & Principe) et le seul pays hispanophone (Guinée Equatoriale) partagent avec les pays francophones un héritage commun en matière de droit d’auteur et de vision de l’enseignement supérieur comme mission d’intérêt général, à une différence mineure près, sur les conditions de l’exercice du droit moral de retrait, liée à l’histoire du droit d’auteur au Portugal et son impact différencié dans chaque pays lusophone d’Afrique.
7. Répartition des pays d’Afrique sub-saharienne de droit civiliste
7.1. Tableau : répartition des pays d’Afrique sub-saharienne de droit civiliste
Le tableau précédent rassemble les pays d’Afrique sub-saharienne qui appartiennent, au moins pour partie, à la tradition du droit civiliste, avec la particularité de la Mauritanie, qui est de tradition malékiste (une des quatre écoles classiques du droit musulman sunnite), mais qui est néanmoins membre de l’OAPI.
Il intègre des pays qui ont parmi les langues d’usage le français, le portugais et l’espagnol, langues romanes des pays de tradition civiliste.
Du fait de l’histoire, certains pays ont intégré un double héritage du droit civiliste et de la common law : le Cameroun, les Seychelles et l’île Maurice. Le droit coutumier a également une influence au côté de ces deux traditions juridiques dans le droit contemporain de chaque pays.
Les espaces de coopération CAE (Afrique de l’Est), CDAA (Afrique Australe), CEDEAO (Afrique de l’Ouest), COMESA (Afrique de l’Est et Australe) et ZLECAf (continent) ne sont pas cités dans la mesure où ils rassemblent des pays de droit civiliste et des pays de Common Law et n’ont pas engagé à leur échelle territoriale de démarche d’harmonisation spécifique du droit de la propriété intellectuelle. A noter que l’ARIPO qui réunit plusieurs pays, notamment, du Commonwealth, semble se concentrer sur la propriété industrielle, même si son nom a changé en 2005 de African Regional Industrial Property Organization en African Regional Intellectual Property Organization.
8. Crédits