Assemblage de ressources sous licences Creative Commons : les enjeux de la compatibilité entre différentes licences

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Cours: Éducation ouverte, droit d’auteur, copyright et licences ouvertes dans un monde numérique
Livre: Assemblage de ressources sous licences Creative Commons : les enjeux de la compatibilité entre différentes licences
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: vendredi 22 novembre 2024, 00:35

1. Aperçu

Les licences ouvertes Creative Commons sur les ressources Educatives Libres (REL) vous permettent de créer et de partager des Ressources Educatives dont vous êtes l’auteur. Mais dans le cadre de votre activité pédagogique, vous êtes souvent amenés, non seulement à adapter le contenu d’une ressource éducative, mais à combiner entre elles différentes ressources et vos propres apports pour créer de nouvelles ressources. Ce module va vous permettre de comprendre la démarche à respecter pour mettre en œuvre cette combinaison.

2. Plan

• Le droit d’auteur et les œuvres « créées » à plusieurs

• L’œuvre dérivée dans le cadre des licences Creative Commons

• Le casse-tête de la compatibilité des clauses des licences

• La compatibilité entre licences Creative Commons

• Tableau récapitulatif

• Résumé

3. Le droit d’auteur et les œuvres « créées » à plusieurs

En droit d’auteur, une œuvre dérivée est une œuvre créée à partir d'une ou plusieurs œuvres préexistantes. C’est le cas par exemple des résumés, des traductions ou autres adaptations d’œuvres existantes. Nous nous intéressons ici au cas d’œuvres dérivées auxquelles vous avez contribué avec au moins un autre auteur.

On distingue, en général, dans les œuvres dans lesquelles interviennent plusieurs auteurs, trois catégories d’œuvres. Cette distinction est notamment intégrée au Code français de la Propriété Intellectuelle qui régit en France le droit d’auteur :

  • l'œuvre composite : « est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ». Pour réaliser une œuvre composite, l'accord de l'auteur de l'œuvre préexistante est donc nécessaire, comme pour toute autre exploitation, mais il n’y a donc qu’un seul auteur, celui de l’œuvre nouvelle.
  • l'œuvre de collaboration : «  est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ». C'est le cas d'un article ou d'un ouvrage écrit à plusieurs mains et publié sous plusieurs signatures, à la condition que les contributions des auteurs ne soient pas individualisées. L’œuvre est la propriété commune des coauteurs, qui doivent exercer leurs droits d’un commun accord.
  • l'œuvre collective
    • est « créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale»  qui « l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom » ;
    • est celle « dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue (…) sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ».

Le titulaire des droits d’auteur est la personne physique ou morale à l’initiative de la publication de l’œuvre, même s’il y a plusieurs contributeurs.

 

4. L’œuvre dérivée dans le cadre des licences Creative Commons

Puisque la compatibilité des licences s’applique aux œuvres dérivées ou aux adaptations, nous devons d’abord préciser ce que Creative Commons entend par « œuvre dérivée ».

Une œuvre dérivée s’inspire d’une autre œuvre sans en être une copie exacte. La définition exacte et détaillée de ce concept fait l’objet de nombreux articles de revue juridique ainsi que de nombreux débats et dogmes. De manière générale, la traduction d’une langue vers une autre ou l’adaptation cinématographique d’un livre constituent des exemples d’œuvre dérivée. Combiner plusieurs documents publiés sous licence Creative Commons avec vos propres créations originales est également considéré comme une œuvre dérivée (ou composite). Selon les principales licences Creative Commons, synchroniser une musique et une image animée s’apparente à une œuvre dérivée.

Pour les pays de Common Law, d’après la législation sur le copyright selon laquelle tous les droits sont réservés, le passage d’un format à l’autre, par exemple la conversion d’une image numérique en JPEG vers le format GIF, est considéré comme une reproduction et n’est donc pas autorisé. En revanche, les licences CC permettent à l’utilisateur d’exercer les droits prévus par la licence quel que soit le format ou le médium, y compris avec une licence comprenant la clause « pas d’œuvre dérivée ». Ainsi, dans le cadre d’une licence Creative Commons Attribution – Utilisation non commerciale – Pas d’œuvre dérivée, vous pouvez imprimer une œuvre proposée au format numérique en vertu des clauses de cette licence. (Pour en savoir plus, voir l’article 2 de la version juridique.)

La possibilité de réarranger, d’adapter ou d’utiliser à d’autres fins des contenus représente un avantage de taille pour les ressources éducatives libres (REL) par rapport aux documents pédagogiques dont les droits sont réservés. La création d’une œuvre composite consiste à combiner différentes ressources pour créer une nouvelle œuvre dérivée. Les créateurs de REL piochent souvent des contenus pédagogiques dans différentes sources ou ajoutent leur propre patte à des œuvres existantes pour créer de nouvelles ressources éducatives qu’ils publient à leur tour sous licence ouverte. Cependant, les clauses des différentes licences ne sont pas forcément compatibles entre elles.

Nous devons tenir compte de la compatibilité des licences lorsque nous réarrangeons des contenus, c’est-à-dire lorsque nous créons des œuvres composites. Veuillez noter que la compatibilité des licences s’applique pour la création d’œuvres dérivées. Grâce aux licences Creative Commons, il est simple de réutiliser des documents sans les adapter (par exemple en les reproduisant ou en les redistribuant intégralement) tant que les clauses de la licence originelle sont respectées.

5. Le casse-tête de la compatibilité des clauses des licences

Il semblerait logique de penser qu’une REL sous licence Creative Commons peut être combinée avec une autre REL publiée sous licence Creative Commons ou sous une autre licence ouverte telle que la licence GNU de documentation libre (GFDL). Ce n’est pourtant pas le cas. Par exemple :

  • une œuvre sous licence Creative Commons qui interdit les œuvres dérivées ne peut pas être combinée avec d’autres contenus sous licence Creative Commonsen raison de cette clause ;
  • d’autres licences ouvertes peuvent limiter la création d’œuvres composites à partir de documents publiés sous des licences différentes en raison des clauses spécifiques qui s’appliquent aux œuvres dérivées. Par exemple, la GFDL exige que les œuvres dérivées soient publiées sous une licence identique, à savoir la GFDL. D’un point de vue juridique, il n’est donc pas permis de réarranger des contenus sous GFDL puis de publier l’œuvre dérivée sous licence Creative Commons, BY-SA, bien que les deux licences aient des intentions similaires.

Cependant, il est possible de publier des œuvres originales sous une double licence CC et GFDL. (Veuillez noter que ce cas de figure concerne les œuvres originales et non les œuvres dérivées, bien que la double licence puisse laisser une plus grande marge de manœuvre pour réarranger le contenu par la suite.) Il est par ailleurs possible de publier chaque élément d’une collection sous une licence différente dans la mesure où il est indiqué explicitement que ces éléments sont distincts les uns des autres. En d’autres termes, une partie du contenu peut être publiée sous licence(s) Creative Commons et l’autre, sous licence GFDL, à condition d’adhérer aux clauses originelles des licences respectives.

Aux fins du présent module, nous limiterons notre discussion à la compatibilité entre licences CC, sans aborder les difficultés posées par la compatibilité entre les licences de différents organismes. En cas de doute lorsque vous créez une œuvre composite à partir de documents publiés sous une licence autre que Creative Commons, faites-vous conseiller par un juriste ou contactez le titulaire des droits pour faire paraître l’œuvre sous la licence CC adaptée.

6. Compatibilité entre licences Creative Commons

De manière générale, plus la licence Creative Commons des documents d’origine est ouverte, plus le choix de licences pour l’œuvre composite est grand.

Juridiquement parlant, il est dans certains cas possible d’adopter une licence plus restrictive que la licence originale, par exemple apposant la mention « tous droits réservés » sur une œuvre dérivée qui intègre des contenus publiés à l’origine sous licence Creative Commons Attribution.

Cependant, dans un contexte d’éducation ouverte répondant aux objectifs d’intérêt général et de développement durable, il peut sembler souhaitable de respecter les intentions de l’auteur initial qui a partagé son œuvre sous licence ouverte. A contrario, il n’est pas possible de supprimer les restrictions retenues par l’auteur initial.

À première vue, la compatibilité des licences peut paraître complexe et porter à confusion, mais le tableau de compatibilité ci-dessous vous aidera à y voir plus clair. Pour lire le tableau, regardez d’abord la licence de l’œuvre originale à gauche. Une coche verte indique que les licences sont compatibles. Ainsi, vous pouvez utiliser les licences de la première ligne pour votre œuvre composite ou votre adaptation. Les croix noires pour les licences BY-NC-ND et BY-ND signifient que les œuvres dérivées ou les adaptations sont interdites en raison de la licence de l’œuvre originale, et qu’il vous est donc défendu de vous en servir pour créer une œuvre composite. Cependant, vous pouvez tout de même contacter le créateur de l’œuvre originale pour obtenir une dérogation aux clauses de la licence CC concernée.

7. Tableau récapitulatif

Source : Creative Commons

 

Note : Le domaine public n’est pas une licence. Une œuvre entre dans le domaine public à l’expiration de la protection des droits patrimoniaux du droit d’auteur ou lorsque son créateur renonce à ses droits patrimoniaux. Ainsi, le principe de domaine public ne peut pas être transposé sous forme de licence en raison de l’absence de titulaire de droit d’auteur pour autoriser ou non l’utilisation d’une œuvre. Cependant, le tableau ci-dessus porte sur la compatibilité : d’un point de vue juridique, il est possible d’intégrer une œuvre du domaine public à une œuvre publiée sous n’importe quelle licence CC.

Le tableau de compatibilité ci-dessus montre qu’une ressource sous licence CC BY peut être combinée à des ressources sous n’importe quelle autre licence CC, à l’exception de celles portant la clause ND, et publiée à son tour sous une licence adaptée aux restrictions prévues par les licences des documents que vous associez. Par exemple, si vous combinez une ressource sous licence CC BY-SA à une ressource d’origine sous licence CC BY, l’œuvre dérivée doit être publiée sous licence CC BY-SA. La licence CC BY est celle qui présente la plus haute compatibilité avec les autres licences CC ; nous recommandons donc d’employer une licence CC BY pour les REL. Malheureusement, vous ne pouvez pas choisir une licence CC BY pour vos REL si vous utilisez ou réarrangez des contenus publiés sous des licences plus restrictives. Nous détaillons ci-dessous les licences que vous pouvez utiliser en fonction des clauses des ressources originales :

  • les ressources sous licence CC BY-NC peuvent uniquement être réarrangées, adaptées et publiées à leur tour sous une licence qui comprend la clause NC (utilisation non commerciale) : soit CC BY-NC, soit CC BY-NC-SA ;
  • les ressources sous licence CC BY-SA et CC BY-NC-SA peuvent uniquement être intégrées à une œuvre composite qui est à son tour publiée sous une licence identique (par exemple, CC BY-SA avec CC BY-SA et CC BY-NC-SA avec CC BY-SA) en raison de la clause SA (partage dans les mêmes conditions) (Il est néanmoins autorisé d’intégrer des ressources sous licence CC BY à des ressources sous licence CC BY-SA si l’œuvre qui en résulte est publiée sous licence CC BY-SA.) ;
  • les ressources sous licence CC BY-ND et CC BY-NC-ND ne peuvent pas être intégrées à une œuvre composite et ne peuvent donc pas être publiées sous une autre licence en raison de la clause ND (pas d’œuvre dérivée).

8. Résumé

Au fur et à mesure que vous vous familiariserez avec les clauses des différentes licences CC et que vous commencerez à créer des œuvres composites, vous vous habituerez à la compatibilité des licences. N’oubliez pas les principes suivants :

  • les œuvres du domaine public peuvent être combinées avec des documents publiés sous n’importe quelle licence Creative Commons (le domaine public n’est pas une licence) ;
  • les œuvres dérivées d’un document sous licence Creative Commons Attribution peuvent être publiées à leur tour sous n’importe laquelle des six licences CC ;
  • de manière générale, il n’est pas permis de publier des œuvres dérivées sous une licence plus ouverte que l’œuvre d’origine à moins d’obtenir l’autorisation du titulaire des droits ;
  • les œuvres comportant la clause « pas d’œuvre dérivée » ne peuvent pas être intégrées à une œuvre composite (en revanche, elles peuvent être converties dans un autre format) ;
  • les œuvres composites qui intègrent un document original comportant la clause « partage dans les mêmes conditions » doivent être publiées sous une licence identique (il est possible d’intégrer du contenu sous licence CC BY à une œuvre composite sous licence CC BY-SA ou CC BY-NC-SA).