Les licences ouvertes pour les ressources éducatives libres

1. Aperçu

Les licences ouvertes sur les ressources Educatives Libres (REL) proposent un ensemble d’outils gratuits pour vous aider à partager légalement et gratuitement vos connaissances et vos œuvres. Parmi les licences ouvertes, les licences ouvertes Creative Commons sont souvent utilisées pour la publication d’œuvres de l’esprit, comme vos ressources éducatives ou vos cours. Dans ce module, nous étudierons leur fonctionnement.

2. Principes fondamentaux des licences ouvertes

Comme nous l’avons vu dans les modules précédents, les contrats de licences sont une modalité bien adaptée pour partager avec le plus grand nombre l’utilisation des ressources éducatives dont vous êtes l’auteur, dans un objectif d’intérêt général, au service des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, tout particulièrement les objectifs :

• 4 d’éducation de qualité
• 10 de réduction des inégalités
• 17 de partenariats internationaux inclusifs

Dans les pays de tradition civiliste, les contrats de licence s’inscrivent, dans chaque pays, dans la hiérarchie des normes de droit :

1. la constitution du pays
2. les traités internationaux et la législation du pays
3. la règlementation du pays
4. le contrat de licence entre l’auteur et les utilisateurs

Le droit d’auteur est présent à chacun de ces niveaux juridiques :

1. le droit de propriété, dans la constitution,
2. la protection des auteurs et de leurs œuvres dans les traités tels que la Convention de Berne
3. la protection des auteurs et de leurs œuvres dans la législation (loi) et la règlementation (décrets, règlements, circulaires …) d’un pays, réunis par exemple dans le Code de la Propriété Intellectuelle en France

Ces contrats de licence respectent donc l’ordre public défini par la constitution, les traités internationaux, la législation et la règlementation ; il n’est pas nécessaire que les contrats de licence reprennent les clauses d’ordre public qui sont définies par ces normes juridiques supérieures.

Dans le cas du droit d’auteur, le titulaire est investi par ces normes juridiques des droits exclusifs de reproduction, de distribution et d’adaptation de son œuvre originale, y compris des droits pécuniaires qui en découlent. Il peut donc donner des autorisations concernant ces droits. Les licences sont des outils juridiques pour aider les auteurs à gérer leurs droits de propriété intellectuelle et les autorisations associées à leurs œuvres.

Les contrats de licence

Source : Isabelle Ramade. C2i. (2013, 25 novembre). Les contrats de licence (Module 8.3) , in MOOC Internet, les autres et moi. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/pcyn-ek32. (Consultée le 16 mai 2024)

Les licences ouvertes sont des licences de libre diffusion par laquelle l'auteur concède certains des droits que lui offre le droit d'auteur quant à l'utilisation, à la modification, à la rediffusion et à la réutilisation de l'œuvre dans des œuvres dérivées.

Vues sous l’angle juridique et économique, elles ont pour objectif de faciliter, dans le respect du droit d’auteur, la large diffusion d'une œuvre en autorisant la copie et l'usage sous certaines conditions.

Sous l’angle philosophique et sociétal, le courant de pensée qui sous-tend les licences ouvertes est animé par une forte volonté éthique d'égalité et de développement durable.

Les licences ouvertes existent pour différentes œuvres de l’esprit : les licences GNU pour les logiciels, ou la licence Etalab pour les données publiques en France. Dans le domaine des ressources éducatives, les licences Creative Commons sont largement utilisées et nous allons donc étudier en détail les conditions dans lesquelles elles peuvent être mises en œuvre dans les pays de droit civiliste.

3. Les licences ouvertes Creative Commons

Un rappel préalable important : comme le rappelle Creative Commons, « « Nos licences sont conçues pour être utilisées par les auteurs et titulaires de droits dans la limite des lois et règlements en vigueur. »

Les licences ouvertes Creative Commons ont été créées pour permettre aux auteurs de partager légalement leurs œuvres avec le plus grand nombre, dans le cadre du droit d’auteur de chaque pays et des autorisations que l’auteur souhaite permettre aux utilisateurs. :

Nées dans les pays de common law et d’inspiration anglo-saxonne, elles ambitionnent néanmoins de répondre aux besoins des auteurs dans l’ensemble des pays et y parviennent, à quelques réserves près.

Grâce aux licences Creative Commons, un auteur peut choisir entre plusieurs possibilités, qui vont de « certains droits réservés » à « tous droits réservés ». La traditionnelle mention « tous droits réservés » matérialise (sans que son usage soit obligatoire) les droits exclusifs que le droit d’auteur confère au créateur sur son œuvre, qui peuvent restreindre sa reproduction, sa distribution ou son adaptation.

Représentez-vous donc les licences Creative Commons comme un outil qui permet de savoir créer et partager des œuvres en s’appuyant sur un système qui accorde des permissions plutôt que sur un système qui impose des restrictions par défaut.

En tant que titulaire de droits sur votre œuvre, vous avez la liberté de choisir le degré d’ouverture de la licence qui vous convient, en donnant l’autorisation de reproduire, distribuer ou modifier, tant que votre droit moral, et notamment la paternité de l’œuvre, est respecté.

L’organisation Creative Commons, qui est à l’origine des licences éponymes, est une association à but non lucratif qui s’efforce d’exploiter au maximum le potentiel d’Internet : accès universel à la recherche, éducation, pleine participation à la culture et avènement d’une nouvelle ère de développement, de croissance et de productivité. Creative Commons s’efforce de réduire les obstacles à la diffusion de la connaissance en proposant des licences et des outils accessibles à chacun pour partager des contenus pédagogiques avec le reste du monde. Grâce aux licences ouvertes Creative Commons, les manuels et les plans de cours sont faciles à trouver, à partager, à personnaliser et à combiner, ce qui permet au plus grand nombre de bénéficier de tous les avantages de l’éducation numérique.

4. Fonctionnement des licences Creative Commons

Sources

Certaines informations de cette section du module proviennent des sources suivantes ; elles ont été reformulées et combinées :

• http://creativecommons.org/licenses/
• https://creativecommons.org/faq/fr/
• CCLearn explanations, OER and CC licenses (en anglais seulement)
• 
  

Vidéo introductive

La vidéo Creative Commons Kiwi  élaborée pour le compte de Creative Commons Aoteaora Nouvelle-Zélande et produite par Mohawk Media récapitule clairement les clauses des licences Creative Commons et répond aussi aux questions suivantes :

• Comment télécharger et partager légalement du contenu numérique ?
• Comment faire savoir que vous autorisez la réutilisation de votre propre travail ?

Les Licences ouvertes Creative Commons reposent sur l’articulation de trois notions :

• Les clauses, qui déterminent les autorisations
• Les licences, obtenues par la combinaison entre elles des clauses et donc des autorisations
• Les couches, qui sont les formes que prennent les licences (juridique, simplifiée, informatique), selon l’usage ou le public auquel les licences sont destinées (experts, auteurs et grand public, supports et outils numériques).

Les clauses des licences Creative Commons

Les licences Creative Commons proposent quatre clauses (illustrées par une abréviation et un logo) qui représentent quatre aspects du droit d’auteur et qu’un créateur peut choisir d’appliquer à son œuvre. Ces quatre clauses sont combinées de différentes manières afin de créer plusieurs types de licences distincts.

Toutes les licences Creative Commons exigent d’attribuer la paternité de l’œuvre à son créateur ou à son auteur, dans le respect des traités internationaux et tout particulièrement, de la convention de Berne

En outre, toutes les licences Creative Commons peuvent s’accompagner d’une ou plusieurs autorisations ou restrictions supplémentaires.

• Clause d’Attribution (BY). Vous permettez à d’autres personnes de reproduire, de distribuer, d’exposer ou d’interpréter votre œuvre sous licence, ainsi que toutes les œuvres dérivées qui s’en inspirent, à condition de vous citer. Toutes les licences Creative Commons contiennent cette clause.

• Clause d’Utilisation non commerciale (NC). Vous permettez à d’autres personnes de reproduire, de distribuer, d’exposer ou d’interpréter votre œuvre, ainsi que toutes les œuvres dérivées qui s’en inspirent, mais uniquement à des fins non commerciales. Si ces personnes souhaitent utiliser votre œuvre à des fins commerciales, elles doivent auparavant vous demander la permission.

• Clause de Partage dans les mêmes conditions (SA). Vous permettez à d’autres personnes de distribuer des œuvres dérivées de la vôtre, mais uniquement aux mêmes conditions de partage et de diffusion que l’œuvre que vous avez créée

• Clause d’interdiction d’œuvre dérivée (ND). Vous permettez à d’autres personnes de reproduire, de distribuer, d’exposer ou d’interpréter votre œuvre uniquement dans sa version originale, sans autoriser les œuvres dérivées. Si ces personnes souhaitent traduire, modifier, transformer ou combiner votre travail avec celui d’autres créateurs ou auteurs, elles doivent auparavant vous demander la permission.

Les différentes licences Creative Commons résultant de la combinaison des clauses

Le titulaire du droit d’auteur peut choisir les autorisations ou les restrictions qui l’intéressent en combinant les clauses ci-dessus, avec lesquelles il est possible de créer six sortes de licences Creative Commons.

TABLEAU RECAPITULATIF DES LICENCES CREATIVE COMMONS

5. Les formes que prennent les licence Creative Commons

Les licences Creative Commons sont faciles à utiliser et adaptées au monde numérique, puisqu’elles se déclinent sous trois formes ou « couches » :  les clauses juridiques dans leur intégralité, le résumé de la licence (explication) et le code informatique.

Les trois « couches » des licences Creative Commons :

1. La version juridique – des documents juridiques qui font foi – Chaque licence est avant tout un outil juridique au sens traditionnel, c’est-à-dire un texte qui reprend le jargon et la structure que la plupart des juristes connaissent et affectionnent. Il s’agit de la véritable licence, qui constitue un document juridique détaillé.
2. La version simplifiée – une version « humaine » de la licence – Il s’agit d’un document de référence utile qui résume et indique les principales modalités et conditions de la licence. Considérez la version simplifiée comme une interface conviviale de sa version juridique, bien qu’elle ne constitue pas elle-même une licence et que son contenu ne soit pas repris dans la version juridique.
3. La version informatique – La dernière couche de la licence est sa version « lisible par des machines » qui résume les principales autorisations et obligations transcrites dans un format compatible avec les logiciels, les moteurs de recherche et d’autres formes de technologie.

Chaque version de licence Creative Commons est accompagnée d’une version juridique, écrite par et pour des juristes, qui détaille leurs clauses juridiquement contraignantes, sous réserve des dispositions d’ordre public du droit d’auteur de chaque pays.

Au pied de la version simplifiée d’une licence (la version « humaine »), vous trouverez un lien qui renvoie vers sa version juridique, et donc vers la licence dans son intégralité. Si vous découvrez les licences CC, nous vous conseillons de lire entièrement le texte d’une ou deux licences afin d’appréhender la portée de la version juridique. Voici les liens vers les licences dans leur intégralité :

• Attribution
• Attribution – Partage dans les mêmes conditions
• Attribution – Pas d’œuvre dérivée
• Attribution – Utilisation non commerciale
• Attribution – Utilisation non commerciale – Partage dans les mêmes conditions
• Attribution – Utilisation non commerciale – Pas d’œuvre dérivée

2. La version simplifiée – une version « humaine » de la licence

Exemple de version simplifiée d’une licence

Contrairement aux conditions d’utilisation habituelles (et à la plupart des autres licences ouvertes disponibles), les licences Creative Commons sont accompagnées d’un résumé explicatif qui retranscrit leurs clauses au moyen de logos clairs et reconnaissables et dans des termes simples.

L’image à droite donne un exemple de version simplifiée d’une licence. Ce résumé précise d’emblée que vous pouvez partager et réarranger l’œuvre à votre guise. « Réarranger » signifie que vous pouvez modifier l’œuvre dans une certaine mesure, par exemple la traduire dans une autre langue ou y apporter des précisions. Le résumé énonce également les conditions d’utilisation ; dans ce cas de figure, vous devez citer l’auteur de l’œuvre originale. S’il s’agissait de votre œuvre, les personnes devraient vous citer à chaque fois qu’elles l’utiliseraient. Ce résumé simplifié n’est pas juridiquement contraignant en soi ; il revêt simplement un caractère informatif.

Vous pouvez visualiser des exemples de version simplifiée pour chacune des licences CC :

• Attribution
• Attribution – Partage dans les mêmes conditions
• Attribution – Pas d’œuvre dérivée
• Attribution – Utilisation non commerciale
• Attribution – Utilisation non commerciale – Partage dans les mêmes conditions
• Attribution – Utilisation non commerciale – Pas d’œuvre dérivée

Les licences CC, dans leur version actuelle qui est la version 4.0, sont des licences internationales, par exemple « Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) ». La version 3.0 et les versions antérieures étaient adaptées en fonction de la législation relative au droit d’auteur de chaque pays, selon une procédure de transposition des licences. Dans leur version 4.0, les licences sont génériques, sans adaptation ni transposition dans le droit national.

3. La version informatique

Les licences sont accompagnées d’un code informatique qui permet de trouver sur Internet des documents publiés sous licence Creative Commons. En effet, une fois appliquée à votre œuvre, la licence contient certaines informations, dont ce fameux code. Grâce à ce dernier, les moteurs de recherche (par exemple Google, Yahoo, Qwant etc.) et d’autres logiciels peuvent répertorier les documents sur Internet qui ont été publiés sous licence Creative Commons. Ainsi, votre œuvre pourra facilement être trouvée par d’autres personnes.

Le code informatique peut être obtenu en utilisant l’outil de sélection de licence. Une fois le choix de la licence effectué, l’outil génère automatiquement un code HTML qui peut être copié et inséré sur une page Web. Ce code passe inaperçu aux yeux des internautes qui surfent sur votre page, mais il peut être lu par les moteurs de recherche ; en ce sens, les licences CC sont « lisibles par des machines ». Consultez votre service informatique afin d’obtenir d'avantage d’informations sur l’intégration à une page Web d’un code HTML pour les licences CC.

6. Précautions d’usage

Comme précisé en début de module, les licences Creative Commons, bien que d’origine anglo-saxonne et, à ce titre, marquées par la tradition juridique de la Common Law, ambitionnent de répondre aux besoins de licences ouvertes au niveau international. La version la plus récente de ces licences (4.0) est une version internationale sans adaptation ni transposition dans le droit national. Elle nécessite donc un certain nombre de rappels lié au droit civiliste, tel qu’il est appliqué notamment dans les pays membres de l’Union Européenne, en Amérique du Sud, et dans les pays d’Afrique sub-saharienne de langue française, espagnole ou portugaise, notamment l’espace OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle).

• Les contrats de licence (conventions de droit privé) doivent respecter la hiérarchie des normes de droit public (constitution, traités, lois, règlements). Ainsi, une clause d’un contrat de licence contraire à une loi est nulle et de nul effet. C’est ce que dit, sous une autre forme, Creative Commons : « Nos licences sont conçues pour être utilisées par les auteurs et titulaires de droits dans la limite des lois et règlements en vigueur. »
• Dans les pays cités ci-dessus, les droits moraux sont perpétuels, imprescriptibles et inaliénables ; vous ne pouvez donc pas renoncer à vos droits moraux, tels que le droit de paternité et le droit de retrait. L’auteur peut renoncer à un instant donné à exercer son droit de retrait d’une œuvre, mais sa renonciation ne vaut que jusqu’à ce qu’il change d’avis.
• L’outil Creative Commons CC0, dont l’utilisation a pour objectif une renonciation intégrale et définitive aux droits dont bénéficie un auteur, y est donc sans effet.
• De même, les contrats de licence Creative Commons ont une clause qui dispose qu’ils sont irrévocables. Cette clause n’est pas conforme au :

Cette œuvre est mise à disposition dans le respect de la législation [du pays]1 protégeant le droit d'auteur, selon les termes du contrat de licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International (https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/).

En cas de conflit entre la législation [du pays] 1  et les termes de ce contrat de licence, la clause non conforme à la législation [du pays] 1 est réputée non écrite. Si la clause constitue un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles, sa nullité emporte celle du contrat de licence tout entier.

[remplacer par le nom du pays]

• Si vous octroyez une licence Creative Commons dans un pays de droit civiliste, vous êtes protégé par le droit d’auteur, et notamment les dispositions sur le droit moral. Mais dans un monde numérique sans frontière, vous ne pourrez pas, dans la pratique, exercer ce droit moral, notamment de retrait, face à un utilisateur ou une plate-forme basée dans un pays de common law qui invoquera le caractère irrévocable de la licence, si vous n'avez pas explicitement exclu la clause d'irrévocabilité.