Le cadre juridique international : droit d’auteur, copyright et licences ouvertes

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Cours: Éducation ouverte, droit d’auteur, copyright et licences ouvertes dans un monde numérique
Livre: Le cadre juridique international : droit d’auteur, copyright et licences ouvertes
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Date: dimanche 24 novembre 2024, 09:09

Description


Aperçu

Ce module a pour objectif de vous donner les éléments du cadre juridique dans lequel s’exerce votre activité pédagogique de création et d’utilisation de ressources éducatives libres. Ce module va vous permettre de comprendre les grands principes qui s’appliquent au niveau international, qui est celui dans lequel, avec l’avènement du numérique, vos ressources pédagogiques sont utilisées. Après un rappel de l’historique de deux grandes traditions juridiques reposant sur des points de départ différents : la protection des droits de l’auteur (droit romano civiliste), d’une part, et la réglementation du droit de copie/copyright (common law), d’autre part, ce cours examine la convergence progressive du droit applicable aux ressources éducatives au travers de la Convention de Berne, des processus de réglementation internationaux (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle OMPI), continentaux (directives européennes, accords inter-africains) et des contrats de licence. Les licences ouvertes, et notamment les licences ouvertes Creative Commons, s’inscrivent dans ce cadre juridique. Par conséquent, il est essentiel de bien le comprendre au préalable pour utiliser ou produire des œuvres sous licence ouverte. De plus, l’apprentissage à l’ère du numérique exige une bonne connaissance de ce cadre juridique, car les interactions et les travaux réalisés dans le cadre des cours sont souvent publiés en ligne, ce qui accroît la visibilité des atteintes à ce cadre juridique.

Plan

1)Les systèmes juridiques dans le monde

2)Deux approches initialement divergentes de la protection des œuvres : le droit d’auteur (droit civiliste) et le copyright (common law)

  • La protection des droits de l’auteur d’une œuvre
  • La règlementation de la reproduction des œuvres

3)Rapprochement progressif du droit d’auteur et du copyright au niveau international

4)Le contrat de licence, une réponse adaptée aussi bien dans les pays de droit d’auteur que dans les pays de copyright

5)Les licences ouvertes et les ressources éducatives libres

6)Domaine public et renonciation à des droits

7)L’évolution du cadre juridique international

 1. Les systèmes juridiques dans le monde

Voici une cartographie permettant de visualiser les aires géographiques dans lesquelles s’exerce chacun de ces deux systèmes juridiques auxquels s’ajoutent d’autres traditions telles que le droit coutumier ou le droit islamique.

Carte des systèmes juridiques dans le monde. On voit 5 types de systèmes.

Carte des systèmes juridiques dans le monde

(source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:LegalSystemsOfTheWorldMap.png )


Dans plusieurs pays, compte tenu de l’histoire, le droit contemporain peut s’inspirer de plus d’un système juridique. C’est ainsi le cas de l’île Maurice, où l’influence civiliste héritée du code Napoléon co-existe avec la tradition de la common law.

2. Deux approches de la protection des œuvres :  le droit d’auteur et le copyright

L’introduction en Europe, vers 1450, de l’imprimerie par Gutenberg, a permis une plus large diffusion des œuvres et la généralisation de l'accès à l'écrit, phénomène que nous vivons aujourd’hui sous une autre forme avec l’avènement du numérique. Le cadre juridique se développe ensuite dans le cadre territorial de chaque pays et l’on peut distinguer, au fil du temps, deux approches, liées au système juridique, civiliste ou common law.

  • La protection des droits de l’auteur d’une œuvre

Le droit d'auteur (branche du droit de la propriété intellectuelle) s'applique dans les pays de droit civiliste. Il protège les auteurs d’œuvres de l’esprit originales, dès leur création, mêmes si elles sont inédites ou inachevées. Aucune formalité d'enregistrement ou fixation matérielle de l’œuvre n'est nécessaire pour bénéficier du droit d'auteur. Il confère à l’auteur des droits moraux (prérogatives de respect de l’auteur, de l’œuvre et du lien indissoluble entre l’auteur et son œuvre) qui peuvent être perpétuels ou inaliénables, et des droits patrimoniaux (ou d’exploitation) qui ont une durée limitée et peuvent être cédés.

Selon les pays, le droit de la propriété intellectuelle peut aussi reconnaître, au côté du droit d’auteur, des droits « voisins », concernant notamment les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes, de bases de données.

  • La réglementation de la reproduction des œuvres

Le copyright s’applique dans les pays de common law. Il s’attache plus à la protection des droits patrimoniaux qu’à celle du droit moral et nécessitait, à l’origine, la fixation de l’œuvre sur un support ainsi que l’enregistrement auprès d’un organisme agréé. De plus, le droit moral, quand il est reconnu, n’est ni perpétuel, ni incessible.

 

Jusqu’à l’adoption de la Convention de Berne en 1886, cette protection est une protection essentiellement nationale, limitée au territoire de chaque pays.


3. Rapprochement progressif du droit d’auteur et du copyright au niveau international

L’adoption de la Convention de Berne par 165 pays en 1886, permet à la fois une harmonisation partielle du droit d’auteur et du copyright, d’une part, et l’extension de la protection des œuvres dans des pays autres que celui où elles ont été créées, d’autre part. 

Elle est signée dès 1886 aussi bien par la France que par le Royaume-Uni, mais ne sera adoptée par les Etats-Unis qu’en … 1989, en raison notamment de divergences sur le droit moral.

Pays signataires de la Convention de Berne

Depuis 1967 et la création de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI / WIPO), comme agence des Nations Unies basée à Genève, c’est dans ce cadre international et intergouvernemental que se poursuivent les travaux d’harmonisation entre les 193 états membres.

De plus, l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC/WTO), organisation intergouvernementale créée en 1994 par les accords de Marrakech, « reconnaît sur le plan juridique » au travers de l'Accord sur les aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC, en anglais, agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights : TRIPS) « l'importance des liens entre la propriété intellectuelle et le commerce, ainsi que la nécessité d'un régime de propriété intellectuelle équilibré. ».

Cet accord reprend les éléments de la Convention de Berne sur la propriété intellectuelle et artistique, au côté d’éléments d’autres conventions sur la protection des artistes (Rome), des phonogrammes (Genève) et la propriété industrielle (Paris).


4. Le contrat de licence, une réponse adaptée aussi bien dans les pays de droit d’auteur que dans les pays de copyright

Avec le développement exponentiel du numérique, et notamment les logiciels libres, il est apparu nécessaire de préciser et de clarifier les règles qui s’appliquent à la protection des auteurs et de leurs œuvres, pour répondre à des problèmes qui n’étaient pas envisagés en 1886, et surmonter les différences d’approche entre tenants du droit d’auteur, partisans du copyright, et adeptes d’un Internet libre et ouvert.

C’est ainsi que s’est largement développé le recours aux contrats de licence entre le détenteur des droits sur une œuvre et un utilisateur (le licencié) qui régissent l’utilisation de l’œuvre.

A ce titre, ces licences s’inscrivent, dans les pays de droit civiliste, dans une stricte hiérarchie des normes juridiques : constitution > loi organique > traité > loi ordinaire > réglementation > contrat, qui impose aux licences de respecter les normes juridiques de niveau supérieur. Ainsi, une clause d’un contrat de licence contraire à la législation sur le droit d’auteur serait nulle et de nul effet. Une clause imposant la renonciation au droit moral de l’auteur serait ainsi frappée de nullité dans la plupart des pays de droit civiliste.

Dans les pays de « common law », le contrat entre les parties est un élément du contexte juridique, avec une hiérarchie des normes bien moins affirmée et une importance accrue apportée à la jurisprudence.

Le contentieux associé aux contrats de licence, c’est-à-dire la contestation d’un contrat de licence et de ses clauses, et donc de la protection des œuvres que vous créez peut donc être différent dans les deux systèmes juridiques et cela doit être un point de vigilance pour les auteurs.

5. Les licences ouvertes et les ressources éducatives libres

Apparues initialement avec les logiciels libres, les licences ouvertes sont une catégorie de contrats de licence qui permettent une large utilisation des ressources éducatives. Selon le type de licences, elles peuvent autoriser différentes actions telles que la consultation, la réutilisation, l’utilisation à d’autres fins, l’adaptation et la redistribution.

Source : Isabelle Ramade. C2i. (2013, 25 novembre). Les contrats de licence (Module 8.3) , in MOOC Internet, les autres et moi. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/pcyn-ek32. (Consultée le 16 mai 2024)

Bien que d’origine anglo-saxonne et donc marquées par la tradition de common law, les licences ouvertes Creative Commons sont un exemple de licence ouverte qui ambitionne de répondre de façon quasi-universelle à cette problématique. Elles sont étudiées en détail dans ce cours.

Dans les pays de droit civiliste, comme les pays d’Afrique francophone, lusophone ou hispanophone d’Afrique sub-saharienne, ces contrats de licences Creative Commons doivent également, comme tout contrat, respecter la hiérarchie des normes de droit, donc la constitution, les traités internationaux, la législation et la réglementation en vigueur.


6. Domaine public et renonciation à des droits

En droit de la propriété intellectuelle, le domaine public désigne l’ensemble des œuvres de l’esprit et des connaissances dont l’usage n’est pas ou n’est plus restreint par la loi.

L'entrée dans le domaine public ne correspond pas à une réalité uniforme dans le monde. Le copyright et le droit d'auteur notamment varient d'un pays à l'autre. Ainsi, au Canada une œuvre entre dans le domaine public 50 ans après la mort de tous ses auteurs, alors qu'en France cette durée a été étendue à 70 ans après la mort des auteurs.

Dans les pays où s'applique le droit d'auteur, les auteurs et leurs héritiers conservent indéfiniment leur droit moral. Dans ce cadre, les œuvres n'entrent dans le domaine public que lorsque les droits patrimoniaux de chaque auteur sont épuisés, le droit moral ne pouvant faire l'objet d'une renonciation.

Dans les pays de copyright, comme les États-Unis d'Amérique, il est possible pour l'auteur de renoncer totalement à ses droits.

 

7. L'évolution du cadre juridique international

Dans le cadre d’organisations continentales ou régionales, plusieurs états membres des Nations Unies se sont associés pour uniformiser le droit de la propriété intellectuelle et artistique.

C’est le cas de l’Union Européenne, au travers d’un ensemble de directives et de règlements sur le droit d’auteur et les droits voisins.

C’est aussi le cas, en Afrique, avec les accords de Libreville (Gabon) et de Bangui (Centrafrique), qui réunissent dix-sept états au sein de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI).

Toujours en Afrique, l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) n’a pas encore adopté de législation sur la propriété intellectuelle, mais sa 4ème conférence était consacrée en mai 2022, à « la protection des droits de propriété intellectuelle dans l’espace OHADA » et ses dix-sept états membres, signe de la maturation des esprits.

A noter que dès le 9 mai 2016, le Pr Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, et le Dr Paulin EDOU, Directeur Général de l’OAPI, ont signé à Yaoundé, un Accord de coopération entre ces deux organisations d’intégration.

La relation entre l’OAPI (droit d’auteur) et l’OHADA (droit des contrats) en Afrique peut être rapprochée de celle qui existe entre l’OMPI et l’OMC au niveau international, même si l’approche de l’OHADA sur le droit d’auteur reste en devenir. On peut aussi relever que le degré d’intégration au sein de l’OHADA au travers des actes uniformes et de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est plus prononcé.

Les pays de langue portugaise voisins des pays francophones d’Afrique (Angola, Cabo Verde, Guinée-Bissau, Mozambique, Sao Tomé & Principe) et le seul pays hispanophone (Guinée Equatoriale) partagent avec les pays francophones un héritage commun en matière de droit d’auteur et de vision de l’enseignement supérieur comme mission d’intérêt général, à une différence mineure près, sur les conditions de l’exercice du droit moral de retrait, liée à l’histoire du droit d’auteur au Portugal et son impact différencié dans chaque pays lusophone d’Afrique.


Répartition des pays d'Afrique sub-Saharienne de droit civiliste. 29 pays et 9 systèmes juridiques.

Le tableau précédent rassemble les pays d’Afrique sub-saharienne qui appartiennent, au moins pour partie, à la tradition du droit civiliste, avec la particularité de la Mauritanie, qui est de tradition malékiste (une des quatre écoles classiques du droit musulman sunnite), mais qui est néanmoins membre de l’OAPI.


Il intègre des pays qui ont parmi les langues d’usage le français, le portugais et l’espagnol, langues romanes des pays de tradition civiliste.


Du fait de l’histoire, certains pays ont intégré un double héritage du droit civiliste et de la common law : le Cameroun, les Seychelles et l’île Maurice. Le droit coutumier a également une influence au côté de ces deux traditions juridiques dans le droit contemporain de chaque pays.


Les espaces de coopération CAE (Afrique de l’Est), CDAA (Afrique Australe), CEDEAO (Afrique de l’Ouest), COMESA (Afrique de l’Est et Australe) et ZLECAf (continent) ne sont pas cités dans la mesure où ils rassemblent des pays de droit civiliste et des pays de Common Law et n’ont pas engagé à leur échelle territoriale de démarche d’harmonisation spécifique du droit de la propriété intellectuelle. A noter que l’ARIPO qui réunit plusieurs pays, notamment, du Commonwealth, semble se concentrer sur la propriété industrielle, même si son nom a changé en 2005 de African Regional Industrial Property Organization en African Regional Intellectual Property Organization.



A retenir

Accords et traités internationaux sur le droit d’auteur

  • Les accords internationaux sur le droit d’auteur visent à harmoniser le traitement du droit d’auteur à travers le monde en convenant d’un ensemble de protections minimales qui devront être intégrées à la législation nationale de leurs signataires
  • Les accords internationaux sont négociés, convenus et signés par des pays. Ces accords engagent donc des pays et non des individus. Les individus doivent respecter leur législation nationale sur le droit d’auteur.
  • En règle générale, les traités internationaux ne déterminent pas précisément la législation en vigueur dans votre pays. Ce sont les États qui édictent leur législation en la matière.
  • Dans les pays de droit civiliste, comme les pays francophones, lusophones et hispanophones d’Afrique sub-saharienne, les contrats de licence doivent respecter la hiérarchie des normes de droit, et donc la constitution, les traités internationaux et la législation nationale.

 

Ressources bibliographiques recommandées 

● Band, J. et Gerafi, J. (2013). The Fair Use/Fair Dealing Handbook. Infojustice.org (en anglais seulement).

● Fitzgerald, B. (2007). Open Educational Resources, Open Content Licensing (OCL). Article commandé par le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) de l’OCDE pour le projet sur les ressources éducatives libres. Paris, UNESCO (en anglais seulement).

● Klein, M. Picciotto S. Janssens MC. (2008) ISBN 2-85418-889-6, Intellectual property rights of e-Learning courses : a European comparative analysis, contributions by Bisi S., Dang J., Montagnani ML, Schöwerling H., Villanka O., Xalabarder R., Wiebe A.

● Moreau, Le droit d'auteur, mais de quoi parlons-nous ?

● Stacey, P. et Hinchliff, S. (2017). Made with Creative Commons. Copenhague : Ctrl+Alt+Delete Books (en anglais seulement).

● UNESCO. 2010. L’ABC du droit d’auteur. Paris, UNESCO.

Annexe


HISTORIQUE DU COPYRIGHT ET HISTORIQUE DU DROIT D'AUTEUR 

 

ORIGINES DU COPYRIGHT

Partir en guerre pour le droit de copier un livre

C’est en Irlande, au VIe siècle, que s’est tenu le premier procès connu sur le droit de copie. Un moine irlandais du nom de Colomba recopia sans autorisation le psautier de saint Jérôme, un recueil appartenant à Finnian, abbé dans un autre monastère. Ce dernier lui demanda de lui rendre la copie de son livre, considérant qu’il s’agissait d’un bien qui lui avait été volé. Face au refus de Colomba, Finnian en appela au roi Diarmaid d’Irlande, qui se prononça en sa faveur, en vertu du principe de « à chaque vache son veau ». Offusqué de ce jugement, Colomba affronta les hommes du roi lors de la bataille de Cuildremne, en 561. Il remporta la victoire, qui coûta néanmoins la vie à plus de 3 000 hommes, et le roi Diarmaid dû partir en exil [3]. Plus tard, Colomba dut lui aussi s’exiler pour l’Écosse [4]. On peut conclure de cet épisode que bien qu’il ait perdu le procès, Colomba avait néanmoins fini par l’emporter par la force. La bataille de Cuildremne régla la question du droit de copie en faveur du libre accès pour plus d’un millénaire.

Beaucoup d’auteurs, mais seulement quelques presses : le monopole de distribution des débuts de l’imprimerie et la lettre patente de 1557

La presse à imprimer, qui a rendu possible la production de copies en série, fut introduite en Europe au XVe siècle. Comme les presses étaient rares et les auteurs nombreux, les imprimeurs prirent le contrôle des livres qu’ils reproduisaient, se contentant généralement de verser à leurs auteurs une simple rétribution forfaitaire. Les monarques, estimant qu’il était plus simple de taxer et de contrôler ces quelques imprimeurs plutôt que les nombreux auteurs, leur accordèrent le monopole de la distribution, en échange du versement de taxes et du respect de la censure. En Angleterre, la Stationers Company, composée de membres appartenant à une guilde d’imprimeurs londoniens, se vit accorder en 1557 par lettre patente un monopole d’impression dans le but d’éviter la diffusion des idées protestantes dans le pays [6]. Sous Cromwell, les monopoles d’impression furent renforcés, mais la censure était cette fois dirigée contre les opposants au protestantisme.

C’est au cours de cette période que le fait de copier un ouvrage sans mentionner son auteur est devenu inacceptable aux yeux de la société. Ben Johnson fut l’un des premiers auteurs anglais à utiliser le terme de « plagiaire » (plagiary) tel qu’il est défini aujourd’hui. L’Oxford English Dictionary cite une occurrence antérieure du mot chez Montagu en 1621, qui utilisa le terme de « plagiat » (plagiarisme) pour décrire le fait de dérober l’œuvre de quelqu’un

 

La loi de la reine Anne ou « loi pour l’encouragement de l’apprentissage », édictée en 1709

La conception moderne du copyright dans les pays de common law est issue de la loi de la reine Anne de 1710, également appelée « loi pour l’encouragement de l’apprentissage », qui fut votée pour encourager la lecture et plus particulièrement les « hommes instruits à composer et écrire des livres utiles [10] ». Jusqu’alors, les imprimeurs pouvaient transmettre indéfiniment à leurs héritiers le droit de reproduire des œuvres, accordé par le monarque. Cette loi est une conséquence des Actes d’Union de 1707 qui unirent l’Angleterre et l’Écosse au sein d’un Royaume-Uni de Grande-Bretagne. En effet, les libraires écossais n’acceptaient pas le monopole d’impression accordé aux Anglais de la Stationer’s Company. La première loi sur le copyright visait donc à mettre fin au monopole de la Stationer’s Company et n’était en rien un mécanisme de protection des titulaires du droit d’auteur Plusieurs éléments de cette loi servaient l’intérêt général, tels que :

  • la limitation de la durée des droits des titulaires (auparavant illimitée), garantissant ainsi l’entrée des ouvrages dans le domaine public ;
  • l’obligation de déposer des exemplaires des ouvrages dans les bibliothèques des universités pour garantir au public l’accès à des livres protégés par le droit d’auteur.

La législation britannique sur le copyright a donc été introduite pour limiter les droits de ceux qui détenaient auparavant le monopole du contrôle des publications.

La loi de la reine Anne a retiré le copyright aux imprimeurs pour le transférer aux auteurs. Ce droit était accordé pour une durée de 28 ans maximum, au terme de laquelle les ouvrages entraient dans le domaine public. La loi de la reine Anne est ainsi à l’origine du domaine public – le patrimoine intellectuel commun – et c’est là son aspect le plus notable en matière d’accès au public et d’éducation. La loi de la reine Anne a donné naissance à un ensemble d’ouvrages pouvant être copiés, modifiés, adaptés ou affinés par tout un chacun, à des fins ludiques, commerciales ou didactiques. En outre, son article IX accordait aux universités une exemption spéciale garantissant qu’aucun de leurs droits coutumiers de reproduction ne seraient menacés. Cette exemption ne fut pas décidée par hasard. Des intellectuels, parmi lesquels John Locke, avaient en effet mené une campagne active en faveur de l’abrogation des monopoles d’impression et de distribution des livres et condamnaient fermement l’entrave au progrès de la science que représentait le monopole de la Stationer’s Company

Le copyright n’a pas été conçu, à l’origine, pour protéger les droits des titulaires mais bien pour supprimer un monopole de copie, en le restituant pour une durée limitée à ses auteurs.

Dans la plupart des anciennes colonies britanniques, qui ont ensuite formé les États-Unis, la législation était fondée sur la loi de la reine Anne. Il n’est donc pas étonnant que la Constitution américaine reprenne cette intention. La section 8 de l’article Ier fait en particulier référence au pouvoir du Congrès :

 

« de promouvoir le progrès de la science et des arts utiles en assurant pour un temps limité, aux auteurs et inventeurs, un droit exclusif sur leurs écrits et découvertes respectifs. »

»

Loi fédérale américaine sur le copyright (Copyright Act) de 1790

Peu après, le Copyright Act de 1790 : loi pour l’encouragement de l’apprentissage fut promulguée aux États-Unis par George Washington. À l’instar de la loi de la Reine Anne, cette loi avait été édictée (comme son titre le suggère) pour encourager l’apprentissage et ne visait à protéger les titulaires du copyright que dans la mesure où cela servait cet objectif premier. Thomas Jefferson était opposé à l’établissement d’un lien entre le droit de copie et le droit de propriété. Il écrivit ainsi en 1813 que « les inventions ne peuvent pas, par nature, être sujettes à la propriété [17] ». De même, le Président Madison déclara quant à lui que c’est « l’incitation, qui est un droit naturel, et non la propriété, qui est la justification première du copyright américain [18] ».

Les origines du copyright suggèrent ainsi que la tradition Common Law n’est a priori pas favorable à la propriété intellectuelle, car il s’agit pour elle d’un monopole qui est accordé à son titulaire, et non d’un droit.

Paradoxalement, ce sont aujourd’hui les détenteurs du copyright dans ce pays de « Common Law », et notamment de grandes entreprises du secteur de la création artistique, qui adoptent maintenant une approche qui reprend des éléments de la tradition civiliste, tels que la notion de « propriété intellectuelle » pour mieux défendre leurs intérêts par l’extension de la durée de la protection du … copyright.

 

ORIGINES DU DROIT D'AUTEUR

En France, c’est aussi au XVIème siècle que sont apparues les premières règles pour encadrer l’exploitation d’une œuvre de l’esprit. C’est, comme au Royaume-Uni, par des lettres patentes, chartes ou ordonnances que le Roi accorde à ses sujets le privilège exclusif d’imprimer et de vendre des œuvres.

 

1554 Ronsard et le privilège royal sur ses œuvres

En 1554, Ronsard obtient ainsi un privilège royal, valable pour toutes ses œuvres, déjà publiées ou à venir pour en contrôler la diffusion. https://www.persee.fr/doc/xvi_1774-4466_2014_num_10_1_1092 qui présente l’originalité de ne pas être destiné, pratique pourtant habituelle de l’époque, à un libraire.

Plus tard, les Lettres Patentes du roi Henry IV du 20 février 1595 confirment les privilèges des libraires, imprimeurs & relieurs.


La loi des 13 et 17 janvier 1791

Avec la Révolution française, l’ensemble des privilèges sont abolis et Beaumarchais obtient la reconnaissance légale du droit d’auteur avec l’adoption par l’Assemblée Constituante de la loi du 13 janvier 1791. C’est la première loi qui protège explicitement les auteurs et leurs droits. Le député Le Chapelier proclame alors que « la plus sacrée, la plus personnelle, la plus inattaquable de toutes les propriétés est l’ouvrage, fruit de la pensée de l’écrivain ».

C’est l’aboutissement d’une démarche engagée avant la Révolution, après le succès du Barbier de Séville à la Comédie Française. Beaumarchais est frustré par le paiement unique de la Comédie Française et estime devoir recevoir des revenus pour chaque représentation et il crée, pour cela, avec une vingtaine d’autres auteurs, le Bureau de Législation Dramatique, devenue depuis la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques.

L’évolution internationale de la propriété intellectuelle

Une fois acquise la reconnaissance des droits, particulièrement d’exploitation, au niveau national, les siècles suivants vont être marqués par une harmonisation progressive au niveau international et l’affirmation du droit moral, la vision selon laquelle l’œuvre de l’esprit est inséparable de la personnalité de son auteur dans la Convention de Berne et notamment son article 6bis. C’est notamment en cela que le droit d’auteur se distingue du copyright britannique et américain, et qu’il trouve son incarnation moderne dans la loi de 1957 sur la Propriété Intellectuelle et Artistique, puis dans le Code de la Propriété Intellectuelle de 1992, qui rassemble dans un même ensemble les deux branches que sont la Propriété Littéraire et Artistique, d’une part, et la Propriété Industrielle, d’autre part.