Section 3 : L'équilibre du marché d'un bien
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Cours: | Microéconomie 2 : L'équilibre sur les marchés parfaits et imparfaits |
Livre: | Section 3 : L'équilibre du marché d'un bien |
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Date: | jeudi 21 novembre 2024, 21:32 |
1. La représentation standard d'un marché et la règle du "côté court"
L'approche standard de la représentation des marchés en économie, qui est celle des économistes dits "néoclassiques", appuie l'essentiel de ses raisonnements sur une représentation graphique de ce qu’est un marché. Il s’agit d’une représentation stylisée et abstraite qui simplifie le réel afin d'en réduire la complexité pour se concentrer sur les éléments essentiels permettant de faire apparaître les mécanismes simples et basiques de fonctionnement du marché. Concrètement, la représentation standard du marché d'un produit quelconque synthétise les comportements de l'ensemble des demandeurs (consommateurs) grâce à une droite de demande globale du produit et elle synthétise les comportements de l'ensemble des offreurs (producteurs) grâce à une droite d'offre globale du produit. Ces deux droites représentées simultanément sur un même graphique symbolisant la rencontre des offreurs et des demandeurs relient des quantités offertes ou demandées à différents niveaux de prix. Par convention, les quantités sont représentées en abscisses et les prix le sont en ordonnées.
Nous voyons immédiatement qu'un point particulier se dégage : le point d'intersection entre les droites d'offre et de demande. Ce point constitue dans l'approche standard la « meilleure situation possible » pour le marché : c’est le point où l’offre est égale à la demande et pour lequel le maximum d'échanges se réalisent. En effet, si le prix du produit s'établit à une autre valeur que celle correspondant à l'intersection des deux fonctions (au-dessus ou en dessous du prix considéré), on obtient les deux situations suivantes :
Si le prix p1 est supérieur à p*, le prix correspondant à l'intersection des fonctions d'offre et de demande, alors la quantité demandée est égale à QD1 (faible demande car prix élevé) et la quantité offerte est égale à QO1 (quantité offerte élevée car prix élevé) . On constate ainsi que les quantités offertes du produit sont supérieures aux quantités demandées. En termes d’échanges réalisés, cela veut dire que la demande va contraindre l’offre : c’est ce qu'on appelle le « côté court » du marché qui s’impose. On ne peut en effet pas obliger les consommateurs à acheter plus du produit qu'ils ne le souhaitent à ce prix élevé. Les échanges réalisés correspondront donc à ce prix à une quantité QD1 qui est, comme on le voit sur le graphique, une quantité inférieure à celle qui s'échangerait au prix d'équilibre p*.
Si le prix p2 est inférieur à p*, alors la quantité demandée est égale à QD2 (forte demande car le prix est faible) et la quantité offerte est égale à QO2 (quantité offerte faible car le prix est faible). On constate alors que les quantités demandées du produit sont supérieures aux quantités offertes. En termes d’échanges réalisés, cela veut dire cette fois que l'offre va contraindre la demande. On se situe de nouveau du « côté court » du marché puisqu'on ne peut pas obliger les offreurs à vendre plus du produit qu'ils ne le souhaitent à un prix si faible. Les échanges réalisés correspondront donc à ce prix à une quantité QO2 qui est, comme on le voit sur le graphique, une quantité inférieure à celle qui s'échangerait au prix d'équilibre p*.
Ainsi, si le prix s'établit à une valeur différente de celle correspondant à l'intersection des fonctions d'offre et de demande, les quantités échangées seront systématiquement inférieures à celles qui seraient échangées au prix d'équilibre. Le prix d'équilibre du marché d'un produit est donc celui qui permet de maximiser le volume des échanges et donc de satisfaire simultanément le plus grand nombre d'offreurs et de demandeurs. On considère dans l'approche standard qu'il est pour cette raison souhaitable d'atteindre systématiquement cet équilibre.
2. L’existence d’un équilibre de marché
Les économies qualifiées d’économies de marché mettent en avant le rôle fondamental qu’y jouent les échanges librement consentis entre agents économiques. Ces échanges s’effectuent à un prix donné, que l’on considère tributaire de l’offre et de la demande, mais qui détermine également ces dernières.
Le marché d’un bien ou d’un service peut être considéré comme le lieu, souvent abstrait, où se rencontrent une demande (émanant des consommateurs) et une offre (émanant des producteurs), pour aboutir à des échanges (achats et ventes) caractérisés par des prix de marché. Il existe autant de marchés que de produits et chacun d’entre eux donne lieu à l’émergence d’un prix. L’équilibre de la demande et de l’offre détermine simultanément un prix, dit prix d’équilibre, et une quantité, également d’équilibre, échangée sur le marché.
L’équilibre est réalisé sur le marché d’un produit si la quantité offerte par les producteurs est égale à la quantité demandée par les consommateurs. En d’autres termes, un marché est en équilibre si les quantités échangées le sont à un prix qui convient à la fois aux demandeurs et aux offreurs. Cette condition détermine simultanément le prix d’équilibre du marché, ainsi que la quantité d’équilibre échangée entre producteurs et consommateurs.
Le couple (Q* ; p*), qui réalise l’équilibre sur le marché d’un produit appartient par conséquent à la fois à la fonction de demande et à la fonction d’offre. Trouver le point d’équilibre d’un marché revient dès lors à égaliser l’offre et la demande sur ce dernier. Par exemple, avec les fonctions de demande et d'offre suivantes :On a à l'équilibre de marché QD = QO = Q* ; d'où :
Le prix d'équilibre du marché est donc égal à 40 et la quantité de produit échangée est donc égale à :
Comme on le voit ci-dessus, on peut bien entendu retrouver la quantité échangée à l'équilibre en utilisant soit la fonction de demande, soit la fonction d'offre, puisque au prix d'équilibre elles génèrent des quantités qui sont par définition égales. Le point d'équilibre du marché se trouve en effet à l'intersection des fonctions de demande et d'offre comme on le voit sur le graphique ci-dessous :
Graphiquement, le point d’équilibre E, de coordonnées (Q* ; p*) se trouve bien entendu à l’intersection des droites d’offre et de demande du produit. On notera qu’il est évidemment possible de retrouver l’équilibre du marché en égalisant les fonctions inverses d’offre et de demande, qui sont les fonctions représentées sur la graphique. On a alors les fonctions de demande et d'offre inverses qui s'écrivent :À l'équilibre, les échanges s'effectuent bien entendu à un prix unique p = p*, satisfaisant simultanément les offreurs et demandeurs du produit, de sorte que :
Et par conséquent :
On retrouve ci-dessus le prix d'équilibre en utilisant indifféremment la fonction de demande ou la fonction d'offre inverse du produit.
A l’équilibre, dans notre exemple, il se vendra donc 50 unités du produit étudié et ce à un prix de 40 par unité. Les quantités échangées, ainsi que le prix, conviennent en ce point aux deux parties : offreurs et demandeurs, c’est à dire producteurs et consommateurs.
On peut voir sur les graphiques ci-dessous que, la demande étant strictement décroissante et l’offre strictement croissante, il y aura nécessairement une solution d’équilibre, si tant est que le prix minimum des producteurs est strictement inférieur au prix maximum des consommateurs. Cette solution sera d’autre part unique si les fonctions d’offre et de demande sont monotones.
Dernier élément très important concernant cet équilibre de marché, il distingue concrètement au sein des acteurs du marché (offreurs et demandeurs du produit) ceux qui vont participer à l'échange de ceux qui sont exclus de cet échange.
On voit sur le graphique ci-dessus, reprenant l'exemple précédent, que tous les demandeurs qui étaient prêts à acquérir le produit, mais à un prix inférieur à 40, ne participent pas à l'échange ; ils participent au marché en exprimant une demande potentielle pour le produit, mais ils ne participent pas à l'échange du produit dans les conditions actuelles du marché. Tous les demandeurs qui par contre participent à l'échange étaient prêts à payer 40 ou plus, selon les consommateurs, pour obtenir une unité du produit considéré. De manière parfaitement analogue, on voit que
tous les offreurs qui étaient prêts à proposer le produit, mais à un
prix supérieur à 40, ne participent pas à l'échange
; ils participent au marché en exprimant une offre potentielle pour le produit,
mais ils ne participent pas à l'échange dans les conditions
actuelles du marché. Tous les offreurs qui par contre participent à l'échange étaient
prêts à vendre une unité du produit à 40 ou moins, selon les producteurs.
3. La stabilité de l’équilibre de marché
Si l’équilibre du marché d'un produit existe, peut-on pour autant affirmer qu’il sera atteint spontanément ? D’autre part, s’il est atteint, cet équilibre est il stable, c’est à dire se rétablit-il automatiquement s’il a été troublé pour une quelconque raison ? Ces deux questions essentielles fondent l’analyse de la stabilité de l’équilibre de marché.
Puisque
les équilibres de marché existent et que des échanges s’effectuent bel et bien entre
producteurs et consommateurs à des prix donnés, les
microéconomistes admettent parfois tout simplement qu’il existe un processus
permettant d’atteindre l’équilibre de marché et de s’y tenir. Ce processus est
assimilable à un processus de tâtonnement sur les marchés, mené par un hypothétique
“commissaire-priseur”, qui permettrait de trouver la situation d’équilibre avant
d’échanger. On considère dans ce cas qu’il n’existe pas de transactions
réalisées à un prix différent du prix d’équilibre. Cette approche repose
toutefois sur l’hypothèse que tous les acteurs sur le marché disposent d’une
information parfaite sur les fonctions d’offre et de demande en présence... ce qui n'est évidemment pas le cas.
Une autre façon d’envisager les
choses, plus réaliste et basée sur des hypothèses moins fortes, repose sur l’idée que des
échanges peuvent avoir lieu hors du point d’équilibre, mais que celui-ci sera
finalement retrouvé et maintenu à long terme. Il est alors possible d’envisager
différents types d’ajustement sur le marché qui pourront être convergents ou
divergents.
Le premier type d’ajustement est qualifié d’ajustement par les quantités. Un prix quelconque est fixé pour le produit et on observe alors quelles sont les quantités offertes et demandées à ce prix. En fonction du résultat, les ajustements se font par la fonction d’offre, c'est-à-dire par l’entremise des producteurs qui ajustent le prix à la demande constatée.
Le second type d’ajustement envisageable sur le
marché d’un produit est qualifié d’ajustement par les prix. Cette
fois, c’est une quantité quelconque du produit qui est proposée sur le marché
et on observe alors quel est le prix auquel les demandeurs sont près à acquérir
une telle quantité. En fonction du résultat, les ajustements se font par la
fonction d’offre, c'est-à-dire par l’entremise des producteurs qui ajustent
leur offre au prix constaté.
Il n’est donc pas pleinement assuré, d’un stricte point
de vue théorique, que l’équilibre de marché soit atteint et qu’il soit stable (ce ne sera pas le cas si le processus d'ajustement est divergent). Cela
étant, l’observation des marchés réels montre que les prix et les quantités
échangées ne fluctuent que modérément, ce qui conforte l’idée que les processus
d’ajustement sont convergents. Ainsi, nous considérerons que la stabilité de l’équilibre
de marché existe dans la réalité, même si elle n’est pas théoriquement démontrée
de manière irréfutable.