Section 2 : La fonction d'offre sur le marché

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Cours: Microéconomie 2
Livre: Section 2 : La fonction d'offre sur le marché
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Date: dimanche 5 mai 2024, 21:39

1. Définition et forme de la fonction d’offre

Nous pouvons mener pour la fonction d’offre d’un bien ou d’un service sur le marché une analyse relativement similaire à celle que nous avons mené pour l’étude de la fonction de demande. La fonction d’offre individuelle est la relation entre la quantité offerte par un vendeur d’un bien ou d’un service et les variables qui influencent cette quantité. Soit, avec qO la quantité d’un produit offerte sur le marché par un vendeur et V1 à Vn les différentes variables susceptibles d’influencer cette offre :

qO = g (V1, V2, V3, …, Vn)

Les variables qui influencent l’offre sont nombreuses. De nouveau, on pensera intuitivement au prix de vente du bien, mais il semble évident que nombre d’autres variables peuvent influencer l’offre d’une entreprise. En effet, un producteur rationnel va offrir sur le marché une quantité de produits qui lui permettra d’atteindre le profit le plus élevé possible. L’analyse de la fonction d’offre est donc plus complexe que ne l’était celle de la demande. Alors qu’un demandeur se contente de décider s’il acquiert ou pas un bien ou un service sur le marché, l’offreur doit produire le bien ou le service pour exprimer une offre. La décision d’offrir implique de choisir la quantité maximisant le profit, et donc de choisir les techniques de production et les quantités de facteurs de production nécessaires. D’autre part, il faut comprendre qu’en considérant l’offre d’un producteur, nous considérons la quantité optimale que le producteur souhaiterait offrir, à un certain prix, dans le cas où la demande serait suffisante pour absorber cette quantité.

Pour les besoins de l’analyse microéconomique du marché, nous allons être le plus souvent amenés à exprimer la fonction d’offre sous sa forme réduite. Nous considérerons ainsi que l’offre ne dépend que d’une seule variable, le prix du produit, ce qui revient à supposer que les autres variables sont constantes et données. Le choix du prix du produit comme variable explicative fondamentale de l’offre d’une entreprise, découle du fait que celle-ci choisit son offre de telle sorte qu’elle maximise le profit. Or, le profit étant la différence entre les recettes et les coûts, l’offre dépend du prix de vente (qui détermine les recettes) et des coûts de production. On écrira par conséquent la forme réduite de la fonction d’offre individuelle de la façon suivante :

 qO = g (p)        avec p le prix du produit

L’offre jusqu’ici considérée est celle émanant d’une unique entreprise. Pour étudier les équilibres de marché, nous utiliserons dorénavant l’offre globale sur ce dernier. Celle-ci est la somme de l’ensemble des offres individuelles exprimées pour le produit étudié. S’il existe sur un marché m types d’entreprises exprimant des fonctions d’offre individuelles différentes, notées respectivement g1, g2, …, gm, alors l’offre globale sur ce marché est telle que sur le domaine qu’ont en commun ces différentes fonctions et pour un prix donné :

avec ni le nombre d’entreprises de type i présentes sur le marché et QO la quantité offerte par l’ensemble des entreprises présentes sur le marché. On notera que l’offre sur le marché et l’offre individuelle sont confondues dans le cas particulier du monopole, dans lequel une seule entreprise assure l’intégralité de l’offre d’un produit sur un marché.

            Toutes choses égales par ailleurs, on peut considérer que lorsque le prix de marché s’élève, la production devient plus profitable et qu’il est rationnel d’augmenter l’offre. Ainsi, QO = g(p) est croissante, c’est à dire que sa dérivé première g’(p) est nécessairement positive sur l’ensemble du domaine de définition de toute fonction d’offre. La pente positive de la fonction d'offre découle principalement du fait qu'un prix plus élevé accroît le nombre d'entreprises susceptibles de produire et de vendre le bien ou le service de façon profitable. Un prix plus élevé attire de nouvelles entreprises sur le marché, des entreprises qui n'étaient initialement pas en mesure de faire des profits à des prix plus faibles. D'autre part, un accroissement du prix du produit permet aussi aux entreprises déjà présentes de produire plus, par exemple en embauchant plus de travailleurs ou en investissant pour accroitre leur capital.

On peut donner l’exemple d’une fonction d’offre sur le marché et de sa représentation graphique avec la fonction affine suivante :

 

La dérivé première de cette fonction (5/3) est bien positive et elle permet par exemple de mesurer que pour un prix de 16, l’offre globale s’établirait à 10. Cette fonction permet bien entendu également de mesurer le prix pour lequel une quantité donnée sera offerte sur le marché. Par exemple, la quantité offerte sur le marché s'établira à 20 si le prix est fixé à 22.

            Par convention, on représente toujours les fonctions d’offre dans le même repère que les fonctions de demande, c'est-à-dire en portant en abscisses les quantités offertes et en ordonnées les prix pratiqués. On représente donc concrètement la fonction d’offre inversée, qui donne le prix pratiqué en fonction de la quantité offerte. Dans notre exemple, on représente ainsi la fonction :

On retrouve l’équation d’une droite croissante dans le repère considéré. Ci-dessous, la représentation graphique de cette dernière montre que l’offre serait nulle pour tout prix inférieur ou égal à 10. Le point d’intersection entre l’axe des ordonnées et la fonction d’offre sur le marché fait systématiquement apparaître le prix minimum en dessous duquel aucune offre n’émane des producteurs du produit considéré. À un prix de 10 ou moins, aucune entreprise (même celle bénéficiant par exemple des coûts les plus faibles et /ou des meilleures techniques de production) n'est susceptible d'offrir le bien de façon profitable.


2. Les déplacements de la fonction d'offre

A l’instar de la fonction de demande, la fonction d’offre peut se déplacer du fait de l’évolution de variables autres que le prix de vente du produit. Alors que l’effet d’une variation de prix sur l’offre se lit sur la courbe de demande, l’effet d’une variation des autres variables sur l’offre se traduit par un déplacement de la courbe d’offre. On réintroduit de la sorte dans l’analyse l’impact sur l’offre des variables autres que le prix du produit. Cet impact provoque un déplacement simultané de la quantité offerte à tous les niveaux de prix, soit une translation vers la droite ou vers la gauche de toute la courbe d’offre. Nous allons voir quelles sont les variables susceptibles d’entraîner une telle translation de la fonction d’offre et quels sont leurs impacts respectifs sur cette dernière.

2.1. La taille de l'industrie

            La taille de l’industrie correspond au nombre d’entreprises présentes sur le marché. Toutes choses égales par ailleurs, si le nombre d’entreprises offrant le produit augmente, on peut s’attendre à une augmentation de l’offre pour un prix donné. Il y aura un déplacement de la fonction d’offre vers la droite (passage de O0 à O1 sur le graphique ci-dessus) et donc pour p*, une augmentation des quantités offertes (passage de Q0 à Q1). On peut bien sûr voir apparaître un effet inverse (diminution de l’offre à prix donné) si la taille de l’industrie diminue (passage de O0 à O2 par exemple, avec diminution de l’offre de Q0 à Q2).

 Les variations de la taille d’une industrie peuvent être dues à des effets de long terme ou de court terme. A long terme, certaines activités se développent et voient le nombre d’entreprises présentes sur le marché augmenter. C’est le cas, par exemple, du marché des services environnementaux sur lequel le nombre d’entreprises présentes s’accroît régulièrement depuis une vingtaine d’année. A l’inverse, le nombre d’entreprises artisanales de plomberie ou de maçonnerie baisse tendanciellement dans un pays comme la France, entraînant un déplacement vers la gauche de la courbe d’offre. A plus court terme, la taille d’une industrie peut varier pour des raisons de saisonnalité (le marché des galettes des rois, par exemple) ou de mode (certains produits vestimentaires). Dans ce cas, les variations de la courbe d’offre ne sont plus tendancielles, mais ponctuelles.

On remarquera enfin qu'un déplacement de la courbe d'offre vers la gauche, par exemple de O0 à O2, dû à la baisse du nombre d'entreprises dans un secteur donné, peut aussi se traduire par l'offre d'une quantité identique (ici Q2), mais à un prix plus élevé !

 


2.2. Les progrès de la technologie

Les progrès des technologies de fabrication, c'est-à-dire les progrès techniques incorporés par le biais d’investissements de productivité, permettent à une entreprise d’offrir davantage de produit à un même prix. Ils peuvent aussi permettre de produire une même quantité, mais à un coût et donc à un prix moindre. Ils peuvent par conséquent entraîner eux aussi un déplacement vers la droite de la courbe d’offre (passage de O0 à O1).

La notion de technologie doit ici être entendue au sens large, en cela qu’elle peut aussi bien concerner l’efficacité des machines que tout autre savoir-faire relatif aux méthodes de production. Les progrès de la technologie concernent donc tout autant une entreprise telle qu’EDF lorsqu’elle diminue les déperditions d’énergie électrique lors de son acheminement vers les consommateurs, qu’une quelconque entreprise lorsqu’elle accroît son offre, toutes choses égales par ailleurs, en se lançant dans la vente par internet.
On notera qu'il est peu probable que des évolutions technologiques négatives, des "reculs" technologiques, puissent déplacer la fonction d'offre vers la gauche, si ce n'est en cas de choc massif sur l'appareil productif ou de choix volontariste de la part du secteur concerné.

2.3. Les variations de prix des facteurs de production

Si le prix d’un ou de plusieurs des facteurs de production d’une entreprise augmente, cela va avoir un effet sur l’offre. Cette fois, on peut penser qu’en réaction à cette augmentation du coût des facteurs l’entreprise offrira des quantités moindres de produits pour le même prix (ou les mêmes quantités, mais alors à un prix plus élevé) et par conséquent que la courbe d’offre se déplacera vers la gauche (passage de O0 à O2). On observera à l’inverse un déplacement de O0 à O1 à la suite de toute baisse des prix des facteurs de production.

Ainsi par exemple, un accroissement des cours du pétrole et donc du kérosène a une influence négative, entre autre, sur l’offre de transports aériens. A l’inverse, la tendance lourde à la baisse des coûts du facteur travail, liée entre autre aux phénomènes de délocalisation de la production, entraîne un déplacement vers la droite de l’offre des nombreuses entreprises concernées, quelle que soit leur activité.


2.4. Les variations de prix des biens connexes

Les stratégies de diversification des entreprises font qu’elles produisent souvent plusieurs biens connexes substituables les uns aux autres dans leur production totale. Dans ce cas, une augmentation du prix de l’un de ces biens peut entraîner une baisse de la production et donc de l’offre des autres biens. Le produit dont le prix augmente peut en effet devenir plus “intéressant” à fabriquer que les autres, toutes choses égales par ailleurs. Il y a alors substitution dans l’offre. On peut retenir ici l’exemple d’un restaurant pratiquant également la vente à emporter. Une évolution favorable des prix de cette dernière activité peut entraîner une baisse de l’offre de restauration traditionnelle, toutes choses égales par ailleurs.

Dans d’autres cas, il peut également exister au sein d’une entreprise une complémentarité entre certains biens connexes, lorsque ceux-ci sont liés dans le même processus de production. Dans ce cas, l’augmentation du prix de l’un de ces biens entraînera également un accroissement de la production du produit qui lui est lié, toutes choses égales par ailleurs. A titre d’exemple, un accroissement du prix de la viande de bœuf entraînera probablement une augmentation de l’offre de cuir, car la viande et le cuir sont évidemment des produits techniquement liés.


2.5. Les interventions gouvernementales

Les interventions publiques à l’adresse des producteurs d’un bien ou d’un service peuvent également provoquer des déplacements de la fonction d’offre, par le biais d’une modification – à la hausse ou à la baisse – des coûts de production du produit concerné.

Ainsi, par leurs diverses subventions et aides, les autorités gouvernementales ou européennes peuvent faire déplacer la fonction d’offre vers la droite, c’est à dire faire augmenter la quantité produite pour un prix donné, du fait de la baisse induite des coûts de production. A l’inverse bien entendu, elles peuvent faire déplacer la fonction d’offre vers la gauche en imposant des contraintes, des réglementations ou des taxes aux entreprises, ce qui aura un effet négatif sur l’offre, du fait de l’accroissement induit des coûts de production.