Seconde partie du cours : typologie implicationnelle

7. Universaux n°3 et 4 revus et expliqués

7.1. Dryer 1992

Dans une étude de 1992[1], Matthew Dryer a reformulé et étendu l’universal n°3 (les langues VSO ont des prépositions) et proposé une explication que nous reprendrons et interpréterons dans le cadre de la grammaire générative. Pour ce faire, il a constitué un corpus représentatif de 625 langues. Son corpus est un véritable échantillon dans la mesure où il est constitué de manière équilibrée quant à l’origine des langues et à leur distribution géographique. L’échantillon ne serait pas représentatif s’il était constitué uniquement de langues de la même famille et/ou de langues du même continent.

Rappel
Universal n°3 :
Les langues VSO ont des prépositions.
(VSO ⇒ PREP)

Universal n°4 (quasi-universal) :
Les langues SOV ont des postpositions.
(SOV ⇒ POST)

L’hypothèse de départ est qu’il existe une corrélation entre l’organisation linéaire des constituants de la phrase et la nature des adpositions. Plus précisément, la relation entre le verbe et ses arguments est de même nature que la relation entre l’adposition et son complément. Verbe et adposition partagent la même propriété vis-à-vis des constituants nominaux qui sont en relation avec eux.

Les données observées par Dryer permettent de restreindre la relation pertinente à la relation entre le verbe et l’objet. Les universaux n° 3 et 4 sont ainsi reformulés :
Universal n° 3 modifié :
Les langues VO ont des prépositions.
(VO ⇒ PREP)
Universal n° 4 modifié :
Les langues OV ont des postpositions
(OV ⇒ POST)

Dans le corpus de Greenberg, l’universal n° 4 est un quasi-universal ; Greenberg mentionne notamment le persan et l’amharique comme contre-exemples[2]. Les deux versions modifiées sont également des quasi-universaux ; il y a plusieurs contre-exemples à chacun d’eux.

Tout comme Greenberg, Dryer fait appel à un principe d’uniformité ou d’harmonie pour expliquer ces deux universaux, sachant que les verbes et adpositions sont des termes qui régissent un complément. L’une des hypothèses discutées par Dryer est la suivante :

THE HEAD-COMPLEMENT THEORY (HCT):
Verb patterners are heads and object patterners are complements. That is, a pair of elements X and Y will employ the order XY significantly more often among VO languages than among OV languages if and only if X is a head and Y is a complement.
Les constituants du type verbe sont des têtes et ceux du type objet sont des compléments. Autrement dit, un couple d’éléments X et Y emploieront l’ordre XY beaucoup plus souvent parmi les langues VO que parmi les langues OV si, et seulement si, X est une tête et Y est un complément.

Le point important ici est la notion de patterner ou de “type verbe” (dans notre traduction). Les verbes et les adpositions partagent des propriétés structurales qui relèvent de la syntaxe et qui expliquent leur comportement identique vis-à-vis de leur complément. Pour ce faire, nous procéderons en deux temps : 1) montrer que les verbes et les adpositions partagent des propriétés syntaxiques, 2) introduire les principes de l’analyse en constituants de la théorie X-barre.


  1. Dryer, Matthew S. 1992. The Greenbergian Word Order Correlations. Language 68. 81-138.

  2. Mais les langues mentionnées comme exceptions ne font pas partie de son corpus de 30 langues.