Droits et protections attachés à l’auteur ou à l’œuvre de l’esprit
8. Partage et transfert des droits
Lorsque vous créez une œuvre de l’esprit, tout particulièrement un cours ou plus largement une ressource éducative, c’est souvent dans le but de la partager ou de la diffuser au plus grand nombre, à titre gratuit ou à titre onéreux. L’objectif de cette partie du module est de vous apprendre comment réaliser ce partage ou cette diffusion.
Rappelons tout d’abord que ce partage et ce transfert de droits ne sont applicables, dans les pays de droit civiliste, et notamment les pays membres de l’OAPI, qu’aux droits patrimoniaux.
Comment se déroule le processus de cession de droits ?
Il existe deux façons de transférer les droits patrimoniaux :
- la cession, lorsqu’un tiers devient le nouveau titulaire des droits, par exemple si un universitaire ou une université cède l’ensemble des droits sur un article scientifique à une revue savante, souvent sans autre compensation que le prestige d’être publié dans la revue en question ou lorsqu’un auteur cède ses droits à une maison d’édition. Il existe plusieurs types de contrats de cession de droits, parmi lesquels :
- le contrat d'édition, qui permet à l'auteur d'une œuvre (ou à ses ayants droit) de céder à un éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser sous forme numérique. Autrement dit, l'auteur cède son droit de reproduction. En contrepartie, l'éditeur doit prendre à sa charge la publication et la diffusion de l'œuvre.
- le contrat de représentation, qui permet à l'auteur de l'œuvre (ou à ses ayants droit) d'autoriser une personne à représenter cette œuvre dans les conditions qu'il détermine. Autrement dit, l'auteur cède son droit de représentation. Le contrat de représentation est fréquent dans le domaine du spectacle. Il octroie au chorégraphe ou au metteur en scène l'autorisation de présenter l'œuvre au public.
- Le contrat de production audiovisuelle, qui est un contrat conclu entre un ou plusieurs coauteurs et un producteur en vue de la réalisation et l'exploitation d'une œuvre audiovisuelle (film, documentaire, reportage, etc.). Le producteur est la personne physique ou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'œuvre. Il prend en charge le financement de l'œuvre et occupe un rôle de direction et de coordination. Par coauteurs, il faut entendre l'auteur du scénario, l'auteur de l'adaptation, l'auteur du texte parlé, l'auteur des compositions musicales avec ou sans parole. C’est, par exemple, le contrat que l’université numérique française en économie-gestion conclut avec les auteurs de ses ressources éducatives.
- Dans tous les cas, ce contrat doit préciser les deux parties, la nature des œuvres concernées par la cession des droits d’auteur, l’étendue des droits cédés en matière de reproduction ou de représentation, d’adaptation et de diffusion, les conditions d’exploitation (notamment le lieu et la durée), ainsi que le montant de la rémunération versée au cédant
- la licence, lorsque le titulaire conserve ses droit, mais autorise par voie de contrat certaines utilisations prévues dans ses droits patrimoniaux à des fins précises et pour une durée déterminée, par exemple en permettant à sa maison d’édition de distribuer des exemplaires imprimés de son roman ou à une autre personne d’écrire un scénario s’inspirant de son roman. C’est ainsi le contrat par lequel l’université numérique française en économie-gestion met à disposition les ressources éducatives (dont elle a par ailleurs acquis les droits patrimoniaux auprès des auteurs dans le cadre d’un contrat de production audio-visuelle). Le contrat de licence doit préciser les mêmes éléments que le contrat de cession de droits. Il peut, en outre, comporter des restrictions additionnelles, comme l’interdiction de l’exploitation à des fins commerciales, par exemple. Les restrictions et les limites doivent donc être inscrites noir sur blanc.
Le choix entre la cession ou la licence dépend de la nature de l’œuvre et des lois du pays où le transfert a lieu. Il est important d’opérer une distinction entre la protection d’une œuvre par le droit d’auteur et la possession de l’objet physique qui contient le travail de création. En effet, l’achat d’un livre ne confère pas le droit d’auteur à l’acquéreur. De même, l’achat d’une peinture à l’huile ne donne pas à l’acquéreur l’autorisation d’adapter cette œuvre, puisque les droits d’adaptation sont associés au droit d’auteur. Le propriétaire d’une toile n’a pas non plus le droit d’en faire des copies sans l’accord préalable de l’artiste (le titulaire des droits), par exemple en prenant des photographies à destination d’un catalogue. Ainsi, les droits individuels associés au droit d’auteur qui sont transférés à l’acquéreur (le cas échéant) doivent être précisés dans le contrat. Il est par exemple possible pour le titulaire du droit d’auteur sur un livre de céder les droits de distribution de la version originale et d’accorder une licence des droits de traduction (d’adaptation) à une autre maison d’édition.
Régimes de concession de licence et sociétés de gestion des droits d’auteur
Dans de nombreux pays, les établissements d’enseignement peuvent former un consortium ou collaborer avec des sociétés de gestion de droits afin d’acquérir le droit d’utiliser des documents protégés selon des dispositions plus souples que les limitations et les exceptions prévues par la législation nationale sur le droit d’auteur. Cette démarche consiste à payer une redevance pour certains droits négociés, qui sert à compenser les ayants droit moyennant la reproduction de leurs œuvres selon des modalités prédéterminées. Il convient d’opérer la distinction avec les limitations et les exceptions « classiques » au droit d’auteur, car ces utilisations supplémentaires sont négociées sous forme de contrat en échange du versement de la redevance à une société de gestion des droits d’auteur.
Étant donné que la protection au titre du droit d’auteur et les droits patrimoniaux associés sont généralement attribués automatiquement et que la jouissance en revient originairement à l’auteur (ou parfois à l’employeur lorsqu’il s’agit d’œuvres créées dans le cadre du travail dans les pays de Common Law), la distribution et la commercialisation d’œuvres protégées nécessitent le plus souvent de céder les droits au distributeur. Cela peut passer par une rémunération ou une compensation contractuelle sous la forme d’honoraires fixes et/ou de droits d’auteur en fonction des ventes de l’œuvre publiée.
Cadre juridique pour le partage libre des connaissances
Le droit d’auteur fournit aux créateurs un cadre légal pour partager librement des connaissances – sans renoncer à leurs droits : celui de la licence ouverte à titre gratuit
Chaque attribut composant les droits patrimoniaux, à savoir les droits d’utilisation, de reproduction et d’adaptation d’une œuvre, peut être concédé séparément à un tiers par contrat. Le titulaire originaire peut donc octroyer une licence portant sur l’autorisation d’utiliser, de reproduire ou d’adapter son œuvre sans renoncer à son droit d’auteur. C’est sur ce principe juridique que reposent les licences Creative Commons, qui nous fournissent des outils pour partager librement des connaissances et des créations.
Partout dans le monde, un nombre croissant d’établissements d’enseignement estiment que les ressources pédagogiques financées par le contribuable devraient être publiées sous licence ouverte afin de pouvoir être utilisées par des apprenants à travers la planète, et ont donc adopté des politiques de licence ouverte. Ces initiatives gagnent maintenant en popularité grâce aux gouvernements qui mettent à disposition sous licence ouverte des contenus élaborés grâce aux fonds publics.