Section 6 : Les notions d'élasticité de la demande et de l'offre
1. Les notions d’élasticité de la demande
1.3. Interprétation et utilisation de l’élasticité-prix directe de la demande
L’intérêt théorique de la mesure de l’élasticité-prix directe de la demande réside dans la possibilité de caractériser la demande d’un bien en fonction de ses réactions par rapport aux évolutions du prix de ce dernier. Si |ep| > 1, la demande est dite relativement élastique. En effet, si les prix varient de 1%, alors la demande varie en sens inverse de plus de 1% ; elle est très sensible aux évolutions du prix. Si |ep| < 1, la demande est dite relativement inélastique. Si les prix varient de 1%, la demande varie en sens inverse de moins de 1% ; elle est alors peu sensible aux évolutions du prix. Dans le cas où |ep| ≈ 1, la demande est dite neutre ou encore à élasticité unitaire. Les variations de la demande sont proportionnées aux évolutions des prix. Il est également envisageable de considérer deux cas extrêmes. Si ep = 0, alors la demande est totalement inélastique ; les variations de prix n’entraînent aucune variation de la demande. Enfin, si |ep| tend vers l'infini, la demande est infiniment élastique. L’intégralité de la demande s’exprime pour un prix donné p*, mais dès lors que le prix varie, dans un sens ou dans l’autre, la demande devient nulle.
D’un
point de vue plus pratique, la notion d’élasticité-prix directe de la demande
permet d’anticiper les effets sur la dépense totale des consommateurs, et donc
sur la recette totale des producteurs, des évolutions possibles du prix du bien
ou du service considéré.
Sur le graphique ci-dessus, nous pouvons observer les effets de la baisse du prix d’un bien donné sur la dépense totale des consommateurs (et donc sur la recette totale des producteurs). Si le prix du bien diminue de pA à pB, on constate que la demande s’élève de QA à QB. La dépense totale des consommateurs – qui correspond au prix payé par unité demandée multiplié par le nombre d’unités demandées –varie alors de pA•QA à pB•QB, valeurs respectivement représentées sur le graphique par les surfaces 0pAAQA et 0pBBQB. On remarque aisément que ce que perd le producteur en baissant son prix, symbolisé par la surface EP, est inférieur à ce qu’il gagne du fait de l’accroissement de la quantité demandée, symbolisé par la surface EQ. On dira ici que ce qu’il gagne par effet-quantité est supérieur à ce qu’il perd par effet-prix, suite à la baisse de ce dernier. Dans ce cas, la baisse du prix augmente par conséquent la dépense totale des consommateurs et donc la recette totale des producteurs du bien considéré.
Considérons maintenant une baisse de prix parfaitement identique à la précédente, mais pratiquée entre les prix pC et pD. La demande passant de QC à QD, on voit apparaître une baisse de la dépense des consommateurs par effet-prix égale à la surface EP’. D’autre part se manifeste un accroissement de la dépense des consommateurs par effet-quantité, mesuré par la surface EQ’. D’évidence, c’est dans ce deuxième cas l’effet prix qui domine l’effet-quantité, entraînant une diminution de la dépense totale des consommateurs.
Ainsi, il apparaît qu’une même diminution – en valeur absolue – du prix d’un bien puisse entraîner, selon le niveau initial de ce dernier, des effets opposés sur la dépense des consommateurs. Ce phénomène s’explique par la notion d’élasticité-prix directe de la demande. Comme nous l’avons précédemment établi, la demande est relativement élastique pour des niveaux de prix élevés. Ainsi, toute baisse de prix entraînera un accroissement plus que proportionnel de la demande. Du point de vue du producteur, « chaque pourcent concédé sur le prix du bien permet de gagner plus de un pourcent sur les quantités demandées » ; toute baisse du prix permet donc un accroissement de la recette totale. C’est ce qui se passe entre les points A et B du graphique. A contrario, la demande est inélastique lorsque les prix sont peu élevés. De fait, entre C et D sur le graphique, « chaque pourcent concédé sur le prix du bien ne permet de gagner que moins de un pourcent sur les quantités demandées » ; toute baisse de prix dans cette zone de la fonction de demande entraînera une diminution de la recette totale des producteurs. Toute l’analyse précédente peut évidemment être renversée si l’on considère une augmentation des prix, de pD à pC ou de pB à pA.
Il apparaît par conséquent – et c’est là l’un des principaux enseignements pratiques de la notion d’élasticité-prix directe – qu’afin d’accroître leur recette totale, les producteurs auront intérêt à diminuer leurs prix lorsque la demande se situe dans une zone de forte élasticité-prix et qu’ils gagneront au contraire à augmenter leurs prix lorsqu’elle se situe dans une zone de faible élasticité-prix. A titre d’exemple, on peut ici citer le marché mondial de l’informatique individuelle, dont les prix ne cessent de baisser, entre autre parce que l’élasticité-prix y est particulièrement élevée et que les producteurs y trouvent ainsi leur compte en terme de recette totale. A l’inverse, le marché des billets de concerts pour un certain nombre de « stars » constitue un bon exemple de marché sur lequel les prix ne cessent de croître du fait de la très faible élasticité-prix de la demande et de la rareté savamment entretenue du produit.
On ajoutera enfin qu'il existe donc un point de la fonction de demande (un prix donné) pour lequel on mesure |ep| = 1. Il découle de ce que nous avons vu précédemment que ce prix, pour lequel l'élasticité-prix directe de la demande est dite unitaire, est celui qui permet aux producteurs de maximiser leur recette totale. Notons toutefois que cet objectif de maximisation de la recette totale n'est pas celui qui est la plupart du temps poursuivi par les producteurs qui cherchent plutôt à maximiser leurs profits. Ces deux objectifs n'ont d'un point de vue théorique aucune raison d'être conciliables.
Vidéo "Élasticité de la demande, effet-prix, effet-quantité et
recette totale des producteurs"