Section 5 : La régulation des transactions sur un marché
4. La régulation par l’introduction d’une taxe ou d'une subvention
4.2. L'impact d'une taxe sur les surplus
Intéressons-nous maintenant à l’évolution des surplus provoquée par l’instauration de la taxe. Nous reprenons pour ce faire le graphique présentant les équilibres "sans taxe" (au point E), "toutes taxes comprises" (au point E') et "hors-taxe" (au point E").
Une fois la taxe instaurée, le surplus du consommateur – qui correspondait à la surface AEB – correspond maintenant à la surface AE’D. Il est donc réduit des surfaces DE’GB et E’EG. Le surplus du producteur, qui correspondait initialement à la surface CBE correspond maintenant à la surface CFE”. Il se trouve donc réduit des surfaces FBGE” et E”EG. On remarquera que la surface DE’E”F n’est autre que le montant total de la taxe collectée par l’État sur ce marché ; elle correspond à [(p*TTC-p*HT)·Q*’]. On voit clairement qu'une taxe sur un marché frappe non seulement les consommateurs, qui payent le produit plus cher qu'en l'absence de taxe, mais également les producteurs, qui vendent leur produit moins cher qu'en l'absence de taxe. La comparaison des deux surfaces DE’GB et BGE”F indique qui des consommateurs ou des producteurs supporte la plus grosse part de la taxe. Dans cet exemple, ce sont les consommateurs qui supportent la plus grosse part du poids de la taxe, même si les producteurs y contribuent également de manière importante. En effet, les consommateurs payent le produit plus cher qu’initialement (pTTC > p*), mais les producteurs retirent également moins d’argent de la vente qu’initialement (pHT < p*). On notera que la proportion de la taxe pesant sur les uns ou les autres des acteurs du marché ne dépend que des pentes des fonctions d’offre et de demande.
L’État prélève donc sur le marché une somme correspondant à la surface DE’E”F, qui correspond à une partie du surplus initial enlevée aux consommateurs et aux producteurs. De fait, on constate alors que la somme correspondant aux surfaces E’EG et E”EG, soit la surface E’EE”, est une perte de surplus pour les consommateurs et les producteurs qui ne se retrouve pas dans le “surplus de l’État” généré par la taxe. Cette somme est qualifiée de poids mort de la taxe. Initialement, le surplus total généré par le marché correspondait à la somme des surplus du consommateur et du producteur, soit la surface AEC. La « redistribution » des surplus provoquée par l’instauration de la taxe permet au « nouvel entrant », l’État, de retirer à son tour un avantage du marché. Toutefois, cette redistribution des surplus fait que le marché ne génère plus qu’un surplus social (total) – somme des nouveaux surplus des consommateurs et des producteurs et du montant de taxes prélevé par l’État – correspondant à la surface AE’E’’C. Le poids mort de la taxe pourrait donc être identifié à une perte sociale qui ne profite à personne. Il est la résultante immédiate de la contraction du marché liée à la baisse des quantités échangées à l’équilibre de Q* à Q*’.
De ce strict
point de vue, certains considèrent alors que l’intrusion de l’État sur un
marché est nécessairement nuisible, puisqu’elle fait diminuer le montant total
de surplus dégagé par le marché. Il est pourtant tout à fait indispensable de
lire cette réalité théorique de manière un peu plus pertinente. En effet, il
est facile d’imaginer que les montants prélevés par l’État puissent être
utilisés par ce dernier à des usages socialement plus bénéfiques
que ce qui aurait été leur utilisation par les consommateurs et les producteurs
en l’absence de prélèvement... Sont-ce les consommateurs qui financent
individuellement la construction des hôpitaux ? Sont-ce les producteurs
qui financent individuellement par leurs surplus les salaires des
pompiers ? Dans cette optique, le poids mort de la taxe doit alors être appréhendé
comme étant le coût pour la société de la mise en commun de ressources visant à
des dépenses collectives en direction de l’ensemble des acteurs de celle-ci. La
question n’est plus alors de rejeter systématiquement l’intervention de l’État
sur un marché, mais de poser le problème en terme d’analyse coûts-avantages de
l’intervention de l’État. Si le poids mort de la taxe (c'est à dire dans une certaine mesure son "coût de mise en œuvre") est très élevé par rapport au montant de taxe collecté par l’État, alors il n'est pas rationnel de taxer un marché et mieux vaut le laisser "libre" de toute taxe. On peut citer ici par exemple les kermesses d'écoles ou encore les vide-greniers.
Vidéo "Impact
d’une taxe sur les surplus générés par le marché"